Qu’est-ce qu'une "chimiothérapie préventive" ?

Nous parlons souvent de la chimiothérapie comme d’un traitement unique, mais il existe en réalité plus de 100 médicaments utilisés pour soigner différents cancers par chimiothérapie.

De Daryl Austin
Publication 2 avr. 2024, 11:23 CEST

Chaque patient atteint d’un cancer nécessite une préparation médicamenteuse personnalisée. Ici, le pharmacien d’un hôpital injecte de la doxorubicine dans une poche de perfusion intraveineuse. Ces médicaments sont des substances chimiques toxiques, qui détruisent rapidement les cellules en division. C’est pour cela qu’il travaille dans une boîte à gants de laboratoire et porte une tenue de protection.

PHOTOGRAPHIE DE COLIN CUTHBERT, SCIENCE PHOTO LIBRARY

Plus connue sous le nom de Kate Middleton ou de la princesse Kate, la membre de la famille royale britannique a révélé, dans une vidéo préenregistrée, qu’elle avait subi une importante opération abdominale en janvier pour une maladie qui n’a pas été divulguée et qu’elle pensait être non cancéreuse à l’époque. Mais des analyses ultérieures ont dévoilé la présence d’un cancer, conduisant son équipe médicale à lui suggérer « une chimiothérapie préventive », qu’elle suit actuellement.

Ce traitement est généralement administré aux patients atteints d’un cancer pour empêcher la récidive de la maladie après l’ablation d’une masse cancéreuse. Dans la sphère médicale, la plupart des médecins emploient plutôt le terme de « traitement adjuvant » que de « chimiothérapie préventive », car ils estiment que le dernier peut semer la confusion.

« Il n’est pas possible de suivre une chimiothérapie pour “prévenir” un cancer », explique Monica Avila, oncologue au centre de cancérologie Moffitt de Tampa, en Floride (États-Unis).

Chaque diagnostic de cancer est source d’inquiétudes : les cancers seraient la deuxième cause de mortalité. Mais les interventions médicales modernes ont contribué à faire baisser de 33 % le taux de mortalité lié aux cancers depuis 1991, en partie grâce à l’amélioration des dépistages et au diagnostic précoce de la maladie.

« La plupart des patients atteints d’un cancer à un stade précoce guérissent », indique Yuman Fong, chirurgien-oncologue au centre de cancérologie City of Hope, situé en Californie du Sud (États-Unis).

Il va sans dire que les résultats escomptés et le taux de survie dépendent de la volonté du patient à suivre les recommandations de ses médecins en matière de traitement.

 

QU’EST-CE QUE LA CHIMIOTHÉRAPIE PRÉVENTIVE ?

Le cancer est une maladie provoquée par une mutation au niveau de l’ADN d’une cellule. Cette dernière se met alors à grandir rapidement et de manière incontrôlée, cesse de fonctionner normalement et met en danger divers organes et systèmes corporels. Ces mutations cellulaires cancéreuses peuvent survenir de façon sporadique ou résulter du mode de vie ou de facteurs environnementaux tels que les polluants atmosphériques, une exposition trop importante au soleil, les choix alimentaires ou la consommation de tabac. Selon plusieurs études, la génétique joue aussi un rôle et peut contribuer à accroître le risque de développer certains cancers.

Après avoir diagnostiqué un cancer chez un patient, l’oncologue doit dans un premier temps déterminer quel est le moyen le plus sûr et efficace de détruire les cellules cancéreuses ou de les retirer du corps du malade.

Plusieurs traitements existent : la chirurgie, qui consiste en l’ablation d’une masse cancéreuse ; la radiothérapie, qui repose sur l’utilisation de faisceaux de protons ou électriques de forte puissance ciblant les cellules cancéreuses pour les tuer ; et la chimiothérapie, qui a recours à des substances chimiques s’insérant dans l’ADN des cellules cancéreuses pour les détruire.

Cette micrographie par balayage électronique colorisée montre une culture de cellule cancéreuse après qu’elle a été traitée avec un médicament contre le cancer, la doxorubicine. Les trous apparents et la rupture de la membrane plasmique sont caractéristiques d’une cellule qui est en train de mourir.

PHOTOGRAPHIE DE Steve Gschmeissner, SCIENCE PHOTO LIBRARY

Une approche consistant à associer plusieurs traitements est le plus souvent recommandée. « L’objectif de tous ces traitements est de détruire les cellules cancéreuses, même celles qui sont microscopiques », précise Elena Ratner, médecin et oncologue gynécologique au centre de cancérologie de Yale, dans le Connecticut (États-Unis).

Il est possible, après l’ablation ou l’éradication des cellules cancéreuses existantes, d’administrer un traitement adjuvant pour prévenir la récidive du cancer. C’est probablement à ce type de traitement que la princesse de Galles faisait référence en déclarant suivre une « chimiothérapie préventive ».

« Un traitement adjuvant est administré en cas de cancer pour contribuer à réduire le risque de récidive et traiter les micro-métastases », explique Syma Iqbal, médecin et oncologue-gastroentérologue à l’USC Norris Comprehensive Cancer Center de Los Angeles (États-Unis). Une fois le traitement terminé, « les patients font l’objet d’un suivi par scanner pour s’assurer qu’il n’y a pas de récidive de la maladie », ajoute-t-elle.

 

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE LA CHIMIOTHÉRAPIE ?

Qu’un patient suive une chimiothérapie pour prévenir la récidive du cancer après l’ablation d’une masse cancéreuse (ce qui semble être le cas de la princesse de Galles) ou dans le cadre d’un traitement ciblant la présence avérée de la maladie, « les mêmes médicaments sont utilisés », souligne William Dahut, oncologue et conseiller scientifique pour l’American Cancer Society.

Ces substances chimiques sont administrées par voie orale ou intraveineuse (dans ce cas, au moyen d’une chambre implantable chirurgicalement ou par un nouveau site d’injection à chaque visite). Même si elle est conçue pour cibler et détruire rapidement les cellules cancéreuses qui se développent, « la chimiothérapie n’est pas sans incidence sur les autres cellules du corps, comme les follicules pileux, la muqueuse du système gastro-intestinal et les cellules sanguines », précise le spécialiste.

C’est pour cette raison que ce traitement a des effets secondaires sur les différents systèmes du corps et entraîne notamment une perte des cheveux, un affaiblissement du système immunitaire, de la fatigue, des nausées, de la diarrhée, des fonctions cognitives diminuées (que l’on désigne parfois par le terme « chemo-brain »), une perte de contrôle de la vessie, une perte de l’appétit et une maladie appelée neuropathie, qui se traduit par des sensations d’engourdissement ou de fourmillement dans les doigts et les orteils.

« Les effets secondaires de la chimiothérapie sont liés aux types de médicaments administrés au patient », précise Syma Iqbal.

Grâce aux progrès médicaux, il est plus facile de gérer ses phénomènes. « Aujourd’hui, la grande majorité des chimiothérapies ciblant divers cancers sont très personnalisées et ciblées. Elles sont donc bien mieux tolérées qu’il y a plusieurs décennies », souligne Elena Ratner.

Les effets secondaires sont en outre souvent complètement réversibles. « Une fois le traitement fini, les cheveux repoussent et les autres fonctions corporelles se rétablissent », ajoute Yazan Numan, oncologue au Northwestern Medical Group d’Orland Park, dans l’Illinois (États-Unis).

 

À QUELS TYPES DE CANCER LA CHIMIOTHÉRAPIE EST-ELLE ADAPTÉE ?

Nous parlons souvent de la chimiothérapie comme d’un traitement unique, mais il existe en réalité plus de 100 médicaments utilisés pour soigner différents cancers par chimiothérapie, indique Yazan Numan.

Ils appartiennent généralement aux catégories suivantes : les antimétabolites, les nitrosourées, les corticostéroïdes, les alcaloïdes d’origine végétale, les antibiotiques anticancéreux, les modificateurs de la réponse biologique, les agents alkylants et les agents hormonaux.

« Chacun de ces médicaments agit d’une manière différente en s’insérant et en détruisant l’ADN des cellules cancéreuses », explique l’oncologue.

Les traitements de chimiothérapie sont en partie déterminés par la nature du cancer dont est atteint le patient, sa propagation et la taille de la masse cancéreuse. Tous ces facteurs sont aussi pris en compte pour estimer le « stade » de la maladie auquel la personne est diagnostiquée.

Si la chimiothérapie peut être recommandée pour n’importe quel type de cancer, le traitement adjuvant ou « préventif » que suit la princesse de Galles « ne traite pas tous les cancers », rapporte Beth Karlan, médecin et oncologue gynécologique au Jonsson Comprehensive Cancer Center de l’UCLA. « Il est le plus fréquemment utilisé à des fins curatives pour la plupart des cancers du sein, du côlon et des ovaires au stade précoce ».

La chimiothérapie adjuvante est aussi quelquefois recommandée « pour les cancers diagnostiqués très tôt, lorsque la probabilité que soient présents des résidus microscopiques de la maladie est très faible », souligne Yuman Fong.

 

POURQUOI LA PRINCESSE DE GALLES SUIT-ELLE CE TRAITEMENT ?

Sur la base de ces éléments, Yazan Numan pense que les docteurs de la princesse de Galles ont trouvé des résidus microscopiques de la maladie après son opération, et qu’ils ont donc décidé de les traiter au moyen d’une autre forme de traitement.

Selon Elena Ratner, cela est assez courant. « Notre crainte, c’est qu’il reste des cellules cancéreuses microscopiques et qu’avec le temps, elles se développent, se divisent rapidement, métastasent et prennent le dessus sur les tissus sains », explique-t-elle. « C’est pour ça que nous recommandons parfois de suivre une chimiothérapie adjuvante afin de détruire ces cellules ».

La nature du cancer dont souffrait Kate Middleton au moment de son intervention abdominale en début d’année 2024 n’a pas été révélée, mais il semblerait que la princesse de Galles « ait suivi ce traitement, car ses médecins estimaient qu’il permettrait de réduire le risque de récidive », déclare William Dahut.

 

QUELLES LEÇONS TIRER DE SON DIAGNOSTIC ?

L’épouse du prince William a accès aux meilleurs soins possibles et suit plusieurs traitements afin d’éradiquer le cancer et d’empêcher sa récidive. « Peu de personnes ont cette chance dans le monde », souligne Yazan Numan.

Elle a également eu la chance d’être diagnostiquée tôt, ce qui aidera sans doute à éviter le pire de la maladie. « La princesse de Galles a quarante-deux ans, elle se situe donc en dehors de la tranche d’âge recommandée de participation au dépistage de cancer, même si l’on observe une incidence de plus en plus élevée de la maladie chez les jeunes patients », observe Yuman Fong.

Yazan Numan espère donc que son diagnostic servira d’avertissement et poussera les personnes du monde entier à se faire dépister.

Le dépistage du cancer du col de l’utérus et du cancer du sein est recommandé pour les femmes à partir de vingt-cinq ans et cinquante ans respectivement ; celui du cancer colorectal à partir de cinquante ans, tous sexes confondus ; et celui du cancer de la prostate est préconisé chez les hommes à partir de quarante-cinq ans. Les personnes ayant des antécédents familiaux de cancer ou les fumeurs doivent se rapprocher de leur médecin traitant pour décider d’un éventuel dépistage anticipé.

« Rien n’est aujourd’hui plus important dans le traitement des cancers qu’un diagnostic précoce », insiste Elena Ratner. « C’est pour cette raison qu’autant d’efforts et de recherches sont consacrés aux méthodes efficaces de dépistage précoce et de prévention du cancer, y compris à la sensibilisation du public et à l’éducation ».

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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