Manger uniquement de la viande : ce que ce régime fait vraiment à votre corps

Promesse d’énergie, de clarté mentale et de perte de poids express : le régime 100 % carné gagne du terrain. Pourtant, médecins et nutritionnistes alertent sur les risques d’un grave déséquilibre pour le cœur, le système digestif et la santé mentale.

De Caitlin Hoyland
Publication 11 oct. 2025, 14:16 CEST
Éliminer les végétaux peut modifier la biologie du corps, en transformant les microbes intestinaux, en changeant ...

Éliminer les végétaux peut modifier la biologie du corps, en transformant les microbes intestinaux, en changeant le métabolisme et en influençant potentiellement le cerveau de façons que les scientifiques continuent encore de découvrir.

PHOTOGRAPHIE DE Rebecca Hale, National Geographic

En parcourant les fils d’actualité des influenceurs prônant les bénéfices du régime carnivore, le constat est saisissant : des assiettes débordantes de steaks, des burgers nappés de beurre, des côtes de porc empilées sur des planches à découper. Aucun légume en vue, pas même en guise de garniture.

Le régime carnivore pousse le concept de « faible teneur en glucides » à l’extrême, éliminant tous les aliments d’origine végétale au profit de la viande, des œufs et des produits laitiers. Certains adeptes vont encore plus loin, se nourrissant presque exclusivement de viande rouge.

Les partisans de ce régime affirment qu’il entraîne une perte de poids rapide, une amélioration de la qualité de la peau, une réduction des ballonnements, voire la rémission de certaines maladies auto-immunes... bien que ces affirmations n’aient pas été validées par des essais cliniques. D’autres présentent le régime carné comme une façon de retrouver une alimentation ancestrale, à l’image des chasseurs paléolithiques qui prospéraient grâce aux protéines animales.

Mais l’approvisionnement industriel en viande actuel, et le système alimentaire mondial qu’il alimente, est bien éloigné de ce passé idéalisé. Les Nations unies estiment qu’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent du secteur alimentaire, la consommation de viande en étant le plus grand contributeur.

Malgré sa visibilité croissante sur des plateformes comme Instagram et TikTok, le régime exclusivement carné reste une tendance marginale. Un rapport de 2023 du Good Food Institute a révélé que près de 60 % des foyers américains avaient acheté des produits d’origine végétale. Au cours de la dernière décennie, le nombre de consommateurs se déclarant « flexitariens » a presque doublé. En France, il était de 47 % en 2024.

Le sociologue Richard Twine affirme que la popularité croissante de cette tendance dépasse largement le simple domaine alimentaire. Selon lui, « la visibilité accrue du régime carnivore sur les réseaux sociaux illustre une réaction face aux appels généralisés au changement alimentaire ». Il ajoute que remplir son assiette de viande est devenu non seulement un régime, mais une prise de position militante : un rejet de l'appel à une alimentation plus durable, des conseils de santé publique et des idées dominantes sur ce qu’est une alimentation responsable.

Alors, que se passe-t-il réellement lorsque vous abandonnez le brocoli et le pain pour manger uniquement un pavé de bœuf ? Le régime carnivore est-il une voie biologiquement viable vers la santé, ou simplement une autre mode déguisée en retour aux origines ?

 

COMMENT LE RÉGIME CARNIVORE AFFECTE VOTRE INTESTIN

Parmi les premiers changements rapportés par les adeptes du régime carnivore figurent ceux liés à la digestion : moins de ballonnements, moins de gaz et une taille plus fine. Cependant, en l’absence d’essais cliniques à long terme sur ce type de régimes, la plupart des affirmations sanitaires demeurent spéculatives.

Lorsque les glucides disparaissent de l'alimentation, le corps puise dans ses réserves de glycogène, des chaînes de glucose stockées dans les muscles et le foie, pour obtenir de l’énergie. Au fur et à mesure que ces réserves s’épuisent, elles libèrent de l’eau, entraînant une perte de poids rapide qui provient surtout de l’eau, et non de la graisse.

Peu après, le corps entre en cétose, un état métabolique dans lequel la graisse devient la principale source d’énergie. La cétose supprime également les hormones de la faim et renforce les signaux de satiété, ce qui explique pourquoi de nombreux adeptes du régime carnivore déclarent se sentir plus légers, plus minces et moins affamés au cours des premières semaines.

La gastro-entérologue Wendi LeBrett indique qu’il n’est pas rare que les personnes adoptant ce régime signalent une diminution des ballonnements et des gaz. Toutefois, ce soulagement pourrait être moins dû à l’absence de légumes qu’à celle de certaines fibres fermentescibles, en particulier les aliments riches en FODMAP, connus pour être des déclencheurs chez certaines personnes.

Un essai croisé randomisé de 2022 a montré qu’un régime pauvre en FODMAP réduisait significativement les douleurs abdominales, les ballonnements et les irrégularités du transit chez les adultes atteints du syndrome de l’intestin irritable. Wendi LeBrett précise qu’un soulagement similaire peut souvent être obtenu en suivant un régime pauvre en FODMAP, sans aller jusqu’à éliminer tous les aliments d’origine végétale.

Mais il y a un revers : supprimer les fibres pendant de longues périodes peut réduire la tolérance du corps à celles-ci. « La prochaine fois qu’ils consommeront un aliment d’origine végétale, leur intestin risque de réagir de manière excessive, car il aura perdu les bactéries qui aident à la digestion de ces aliments, produisant davantage de symptômes et renforçant les habitudes restrictives », explique la scientifique en nutrition Emily Prpa.

Elle souligne que les fibres ne concernent pas seulement la digestion ; elles sont essentielles à la santé à long terme. « Les fibres sont l’un des éléments les plus protecteurs du régime humain, associées à une réduction des risques de maladies cardiaques, de cancer, de diabète, et même à une meilleure longévité et santé cognitive », dit-elle. Une vaste revue de 2023 regroupant des dizaines d’études a montré qu’une consommation élevée de fibres réduit le risque global de cancer jusqu’à 22 %, avec un effet protecteur significatif contre le cancer colorectal.

« En fin de compte, éliminer complètement les fibres revient à priver le corps et l’esprit de l’une de leurs meilleures défenses », déclare Prpa.

 

UN RÉGIME UNIQUEMENT CARNÉ DESSERT VOTRE CORPS

Mais la digestion n’est qu’un aspect de ce qu'il se passe à l’intérieur de votre corps : l’absence de végétaux déclenche une cascade de pertes nutritionnelles. Sans fruits, légumes et céréales, le corps perd l’accès à des nutriments essentiels comme la vitamine C, les antioxydants et les composés d’origine végétale appelés phytonutriments, qui aident à combattre l’inflammation et à soutenir la santé à long terme.

Comprendre : le cœur

L’apport élevé en protéines du régime carnivore exerce également une pression supplémentaire sur le foie et les reins. Le foie doit travailler davantage pour transformer l’excès d’azote des protéines en urée, que les reins filtrent ensuite ; ce processus est lié à une augmentation du risque de calculs rénaux et à un stress organique à long terme.

Emily Prpa note que le cerveau pourrait être une autre victime négligée. « Les régimes riches en fibres issues des aliments d’origine végétale, comme le régime méditerranéen, sont associés à un meilleur moral, à un risque réduit de dépression et à une protection de la santé cérébrale », dit-elle. À l’appui, de récentes méta-analyses ont révélé que suivre un régime méditerranéen réduit le risque de dépression d’environ 19 %. De même, une augmentation de cinq grammes de fibres alimentaires correspond à une réduction de 5 % du risque de dépression.

 

QUID POUR VOTRE CŒUR ?

Les cardiologues mettent en garde depuis longtemps contre les régimes centrés sur les viandes rouges et transformées, riches en graisses saturées. Ces composants sont associés à une élévation du cholestérol LDL (« mauvais cholestérol »), un facteur de risque clé des maladies cardiovasculaires. Une étude de cohorte de 2021 portant sur plus de 180 000 participants a révélé qu’une consommation élevée de viande rouge était associée à une augmentation de 20 % du risque de maladie cardiovasculaire, de 53 % du risque de maladie cardiaque et à plus du double du risque de mortalité liée aux accidents vasculaires cérébraux.

« L’absence de fibres supprime l’un des outils naturels du corps pour abaisser le LDL, puisque les fibres solubles se lient au cholestérol dans l’intestin et contribuent à l’éliminer de la circulation », explique Emily Prpa. « Étant donné que le LDL est l’un des facteurs de risques les plus solidement établis des maladies cardiaques, les risques cardiovasculaires à long terme de ce régime sont une préoccupation très réelle. »

 

POURQUOI CES RÉGIMES RESTENT ATTRAYANTS 

Malgré ces risques, le régime carnivore continue d’attirer un public, notamment parmi les personnes frustrées par des troubles digestifs chroniques, des intolérances alimentaires ou des symptômes auto-immuns.

« Beaucoup sont attirés par sa simplicité et par l’attrait d’une alimentation de type “élimination” », relève Emily Prpa. « Certains l’adoptent pour des solutions de rapidité ou pour soulager leurs symptômes intestinaux, pensant qu’éliminer certains aliments va “réinitialiser” leur système. »

À court terme, cela fonctionne souvent, surtout chez ceux qui consommaient auparavant beaucoup d’aliments ultra-transformés. Mais la trajectoire de santé à long terme reste incertaine.

« Ce qui m’inquiète le plus dans le régime carnivore, note Emily Prpa, ce n’est pas nécessairement ce qu’il inclut, mais ce qu’il exclut. »

les plus populaires

    voir plus

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

    les plus populaires

      voir plus
      loading

      Découvrez National Geographic

      • Animaux
      • Environnement
      • Histoire
      • Sciences
      • Voyage® & Adventure
      • Photographie
      • Espace

      À propos de National Geographic

      S'Abonner

      • Magazines
      • Livres
      • Disney+

      Nous suivre

      Copyright © 1996-2015 National Geographic Society. Copyright © 2015-2025 National Geographic Partners, LLC. Tous droits réservés.