Le microbiote intestinal, la clef de notre santé ?
Le microbiote intestinal peut jouer sur votre digestion, votre système immunitaire et même votre humeur. C’est pourquoi il est essentiel de veiller à son bon équilibre.
Le microbiome humain est composé de milliards d’organismes microscopiques qui vivent sur la surface de notre corps et à l’intérieur de celui-ci, tels que les virus, les champignons, les parasites et les bactéries, qui sont tous essentiels à notre santé. Sur ce cliché, une bactérie Streptococcus pneumoniae est en train de se diviser en cellules filles.
Avez-vous déjà eu des « papillons » dans le ventre lorsque vous êtes nerveux ou surexcité ? Vous est-il déjà arrivé d’avoir faim après avoir vu une publicité pour de la pizza à la télévision ? Le responsable de ces sensations, c’est votre ventre, qui communique avec votre cerveau.
L’intestin possède son propre microbiote, une communauté d’organismes microscopiques tels que les bactéries, les virus, les champignons et les parasites qui peuplent l’intérieur de notre tube digestif. Le corps compte aussi des microbiotes respiratoire, cutané, urogénital et buccal. Ensemble, ils forment le microbiome humain, qui comprend des billions de microbiotes vivant sur la surface de notre corps et à l’intérieur de celui-ci.
Essentiel à votre santé, votre microbiome s’apparente à un écosystème miniature, explique Justin Sonnenburg, professeur de microbiologie et d’immunologie à l’école de médecine de l’université de Stanford.
« On peut le comparer à une forêt tropicale microscopique, qui abrite de nombreuses espèces de toutes les formes et tailles, qui forment ensemble ces communautés complexes à différents endroits du corps », décrit-il.
On ne saurait surestimer l’importance de ces mondes minuscules, qui contribuent notamment à protéger notre organisme contre les attaques d’agents pathogènes, à stimuler le système immunitaire et à digérer les aliments. Certains microbes intestinaux peuvent poser problème, mais la plupart sont bénéfiques, à condition que leur équilibre soit assuré (dans le cas contraire, ils peuvent provoquer maladies ou mycoses).
Des principaux microbiotes, celui de l’intestin est le plus étudié et donc, le mieux compris. Il est possible d’influer sur ce dernier, qui joue un rôle dans notre santé.
Dévoilant la diversité du microbiote intestinal, cet échantillon de matières fécales humaines contient une énorme bactérie environ 50 fois plus longue qu’E. Coli. Les scientifiques tentent d’identifier les différentes façons dont ces microbes peuvent jouer sur notre santé, notre poids, notre humeur et même notre personnalité.
QU'EST-CE QUE LE MICROBIOTE INTESTINAL ?
Le microbiote intestinal est constitué du microbiote qui vit dans notre tube digestif, y compris l’estomac. C’est toutefois dans le côlon, la plus longue partie du gros intestin, que se trouvent la plupart des microorganismes qui le composent.
Ces derniers, et plus particulièrement les bactéries, aident le corps à décomposer les glucides, les protéines et les sucres en nutriments ainsi qu’à transformer les fibres dans le côlon.
« Tout ce que nous mangeons et buvons qui n’est ni digéré ni absorbé descend par le tube digestif jusqu’au côlon distal et le côlon, où la majorité des microbes sont consommés par le microbiote », explique Gail Cresci, chercheuse spécialiste du microbiote au sein du service de gastroentérologie, d’hépatologie et de nutrition pédiatriques à la clinique pour enfants de Cleveland.
Le microbiote intestinal est étroitement lié à notre santé. Plusieurs études attestent ainsi de la forte corrélation entre la surabondance ou l’absence de certaines bactéries dans l’intestin et l’apparition du diabète. La consommation de fibres, par exemple, permet d’accroître la diversité du microbiote, de réduire le taux de glycémie et de garder un poids de forme.
Lorsque le microbiote intestinal est équilibré, « les bactéries produisent de nombreux métabolites et molécules connus pour être bénéfiques à l’organisme », poursuit Gail Cresci. La vitamine K par exemple, qualifiée de « vitamine de la coagulation du sang », est principalement produite par les microbes présents dans l’intestin. L’acide folique, qui aide à la régénération cellulaire de notre corps, et notamment de la peau, des cheveux et des ongles, est également produit par le microbiote intestinal.
La même définition d’« équilibre » intestinal n’est cependant pas la même pour tout le monde et c’est ce qui en fait une partie complexe du corps humain. Un intestin en bonne santé se caractérise par un microbiote d’une grande diversité, mais il n’existe aucun marqueur universel de santé intestinale, souligne Purna Kashyap, professeur de médecine et de physiologie à la clinique Mayo. Ce qui est « normal » pour vous ne l’est pas forcément pour quelqu’un d’autre.
Les bâtonnets jaunes visibles ici sont des bactéries Escherichia coli. Celles-ci peuvent provoquer des intoxications alimentaires, mais la plupart des souches sont sans danger et même bénéfiques à l’organisme. La bactérie E. coli est présente dans l’intestin humain et remplit des fonctions essentielles, notamment de fabrication des vitamines K et B12, et de protection contre les bactéries pathogènes.
L’AUTOROUTE INTESTIN-CERVEAU
La complexité du microbiote intestinal réside aussi dans sa relation avec le cerveau. Appelée « axe intestin-cerveau », celle-ci a récemment fait l’objet de nombreuses études.
L’intestin fournit entre 90 et 95 % de la sérotonine de l’organisme. Cette hormone transmet les messages entre les cellules nerveuses (comme la sensation d’avoir des papillons dans le ventre) et aide à réguler les fonctions corporelles comme le sommeil, l’humeur et la digestion. Le microbiote intestinal contribue aussi à la production d’autres neurotransmetteurs et substances chimiques tels que la dopamine et la tryptamine, qui jouent un rôle dans l’anxiété et la dépression.
« L’intestin est une véritable pharmacie, une petite usine de fabrication de médicaments, compare Justin Sonnenburg. Des centaines voire des milliers de composés différents semblables à des médicaments sont produits par les microbes présents dans notre intestin avant d’être absorbés par notre organisme. »
L’ intestin dispose même de son propre système nerveux, le système entérique, qualifié de « second cerveau ». Il présente bon nombre des neurotransmetteurs du cerveau, lesquels peuvent aider à ressentir la douleur et à stimuler le système immunitaire. Il fait également passer les aliments dans l’appareil digestif.
« Il peut fonctionner de manière complètement indépendante du cerveau si besoin, précise Purna Kashyap. Il bougerait encore si je vous arrachais l’intestin du ventre et le posais sur une table ».
Cette relation entre l’intestin et le cerveau était déjà évidente avant que les humains ne l’étudient, ajoute le professeur de médecine, citant à titre d’exemple les personnes souffrant de diarrhée lorsqu’elles sont tendues ou stressées, ou bien de constipation lorsqu’elles sont déprimées.
Des études récentes ont même démontré que plusieurs troubles neurodégénératifs, comme l’autisme, la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, sont tous associés à la dysbiose, un déséquilibre du microbiote intestinal, souligne Gail Cresci.
Le fonctionnement de l’autoroute de l’intestin et du cerveau fait l’objet de nombreuses recherches pour tenter de déterminer si son incidence est une relation de cause à effet ou simplement une corrélation. Nous savons, par exemple, que les personnes souffrant de dépression ou de troubles de l’humeur sont souvent constipées.
« Est-ce la dysbiose qui cause cela ou bien s’agit-il des troubles de l’humeur qui provoquent la dysbiose ? », s’interroge Gail Cresci.
Justin Sonnenburg partage sa réflexion. « Nous commençons tout juste à comprendre ce phénomène », déclare-t-il.
EST-IL POSSIBLE DE RENFORCER SON MICROBIOTE ?
Le microbiote intestinal est essentiel à divers aspects de notre bien-être physique, c’est pourquoi il est important de le maintenir en bonne santé ou de le rééquilibrer après une grippe intestinale ou quelques excès.
Sachez tout d’abord que ce que vous consommez a une incidence sur celui-ci. Par exemple, votre organisme digère rapidement les aliments riches en sucre et faibles en fibres, si bien qu’il ne reste que peu de nutriments au microbiote intestinal à consommer après la digestion. En outre, les sucres qui ne sont pas digérés sont consommés par les bactéries pathogènes. Les antibiotiques, quant à eux, peuvent éliminer les bonnes bactéries avec les mauvaises.
Gail Cresci précise toutefois que le microbiote intestinal est résistant et qu’il retrouvera son équilibre assez rapidement si la personne reprend un régime alimentaire sain ou cesse de prendre des médicaments.
Cela signifie également que seul un régime sain à long terme peut réellement renforcer ou améliorer votre microbiote intestinal. Pour ce faire, les spécialistes recommandent de consommer des aliments riches en fibres, à l’instar des glucides complexes contenus dans les céréales, les légumes et les légumineuses. Il est aussi conseillé d’intégrer des aliments fermentés, comme du kimchi, du kéfir et de la choucroute, qui contiennent leurs propres probiotiques (des microorganismes vivants qui augmentent la diversité du microbiote dans l’intestin). Limitez aussi votre consommation de sucres et associez-les à des fibres, en mangeant un fruit plutôt qu’en buvant un jus.
En revanche, les bienfaits des probiotiques industriels (une industrie représentant plusieurs milliards de dollars), qui sont souvent vendus comme une solution miracle pour tous nos microbiotes, restent à démontrer. C’est bien plus complexe en réalité et tenter de faire accepter les probiotiques à notre organisme est difficile.
« Dans ce cas, les probiotiques s’apparentent à un enfant qui débarque dans une nouvelle école où il ne connaît personne. Il sera exclu, car tous les autres microbes de cette communauté se connaissent déjà », explique Purna Kasyap.
S’appuyant sur les recommandations de l’association américaine de gastroentérologie, le professeur souligne ainsi que les essais cliniques des probiotiques en tant que traitement d’un grand nombre de maladies n’ont démontré aucun bienfait.
Différents types de produits à la qualité variable sont commercialisés sur le marché des probiotiques, si bien qu’il s’avère difficile pour le consommateur de s’y retrouver. Consultez toujours votre médecin traitant avant de prendre des compléments alimentaires à base de prébiotiques ou de probiotiques. Certains peuvent être dangereux, notamment si vous suivez un traitement immunosuppresseur, précise Gail Cresci. Si vous décidez de prendre des compléments, la chercheuse vous conseille de consulter des ressources en ligne pour en savoir plus sur les différents types disponibles et vérifier s’ils sont homologués par les autorités sanitaires.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.