Grands félins : ce qui n'est pas dit pas dans Tiger King

En axant sa narration sur des protagonistes hauts en couleur, la docu-série diffusée par Netflix en oublie les principaux personnages : les tigres élevés en captivité.

De Rachael Bale
Espèce en danger d'extinction, ce tigre de Sibérie a été photographié au zoo Henry Doorly à ...

Espèce en danger d'extinction, ce tigre de Sibérie a été photographié au zoo Henry Doorly à Omaha. Le zoo est membre du programme américain pour les espèces menacées de l'Association des Zoos et Aquariums dans le cadre duquel il a recours à un élevage en captivité raisonné qui permet de créer une population « de secours » autonome au patrimoine génétique diversifié.

PHOTOGRAPHIE DE Joël Sartore, Nat Geo Image Collection

Au royaume des fauves (titre français donné à la mini-série), il y a des animaux sauvages, des ex-détenus, une brève campagne présidentielle, un soupçon de polygamie, une intrigue de meurtre commandité et une longue liste de personnages excentriques. La série suit Joseph Maldonado-Passage, alias Joe Exotic, le propriétaire du parc animalier Greater Wynnewood en Oklahoma qui était, dans ses beaux jours, un important zoo privé spécialisé dans l'élevage de tigres où les visiteurs pouvaient s'approcher au plus près des animaux en caressant notamment leurs petits.

Aujourd'hui, Maldonado-Passage purge une peine de 22 ans d'emprisonnement pour avoir tenté de commanditer le meurtre d'une opposante, tué cinq tigres et vendu illégalement des tigres à travers les frontières intérieures des États-Unis.

Puisque la série est portée par ses personnages, elle ne consacre pas beaucoup de temps au bien-être des animaux et aux problèmes commerciaux qui entourent l'industrie de l'élevage de tigres en captivité. Les animaux exotiques, la faune en captivité, le trafic de cette faune et même Joe Exotic sont des sujets régulièrement couverts par National Geographic, voici donc quelques informations contextuelles.

 

L'élevage de tigres relève-t-il de la conservation ?

Certains éleveurs privés affirment que leur travail est bénéfique pour les tigres, car ces animaux sont en danger d'extinction. Cependant, les félins qu'ils élèvent ne seront jamais remis en liberté, à la fois parce qu'ils ne sauraient pas se débrouiller seuls dans la nature mais aussi en raison de leur patrimoine génétique. Il existe différentes sous-espèces de tigres à l'état sauvage, chacune est adaptée à la vie dans une région donnée du monde. Un tigre du Bengale n'est pas un tigre de Sibérie, lui-même différent d'un tigre de Sumatra. Aux États-Unis, la plupart des tigres appartenant à des particuliers sont issus de croisements ou d'une lignée inconnue et ne peuvent donc pas être inclus dans les efforts d'élevage en captivité au sein des institutions et zoos accrédités dont l'objectif est de conserver les sous-espèces.

 

Comment différencier les bons des mauvais zoos ou sanctuaires ?

Selon la Global Federation of Animal Sanctuaries, une organisation accréditée, l'objectif des refuges ou des sanctuaires dignes de ce nom est de prodiguer des soins à vie aux animaux ayant été abusés, négligés, abandonnés ou nécessitant une aide, quelle qu'en soit la raison. Un véritable sanctuaire ne pratique pas la reproduction, il n'autorise en aucun cas le contact avec les animaux et leur assure un haut niveau d'accueil et de soin. 

Pour les zoos américains, l'accréditation de l'Association des Zoos et Aquariums exige des établissements qu'ils aillent plus loin que les critères fixés par le gouvernement en matière de bien-être animal, de sensibilisation des visiteurs, de sécurité, de tenue des registres et bien plus. La conservation occupe généralement une place centrale dans la mission d'un zoo. En Europe, les accréditations délivrées par l'Association européenne des zoos et aquariums offrent des protections similaires.

Les termes « pseudo-sanctuaires » et  « roadside zoos » (en français, zoos de bord de route, fréquents aux États-Unis) désignent des établissements dont les niveaux de prestations et de soins sont faibles ou pour le moins problématiques.

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    De petits tigres et ligres (né d'une mère tigre et d'un père lion) prennent la pose au Myrtle Beach Safari en Caroline du Sud, propriété de Bhagavan “Doc” Antle. Les bébés jouent un rôle majeur dans ce secteur d'activité. À environ 12 semaines, les animaux sont considérés comme trop grands et trop dangereux pour être caressés par les touristes.

    PHOTOGRAPHIE DE Steve Winter, National Geographic

    Que penser des câlins avec les petits félins ?

    Il n'est pas surprenant d'être séduit par l'idée de jouer avec un adorable tigreau. Mais vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ces structures disposaient en permanence de tigreaux ? Ou ce qu'il advenait des tigres lorsqu'ils n'étaient plus petits et mignons ?

    Comme le rapportait National Geographic au mois de décembre, les établissements proposant ce type d'interactions pratiquent bien souvent une reproduction rapide de leurs tigres afin qu'il y ait un approvisionnement constant de petits. Dès la naissance d'une portée, les tigreaux sont séparés de leur mère afin que celle-ci entre plus tôt en chaleur et se reproduise à nouveau. 

    Par ailleurs, l'interaction avec les visiteurs est une activité stressante pour les tigreaux. Ils sont très jeunes, privés de leur mère et ils passent de main en main sous une lumière vive, au milieu du vacarme créé par une foule agitée d'individus qui, pour ces petits animaux, pourraient bien être des prédateurs.

    Sur le plan légal et économique, les tigreaux ne sont utiles que pour un certain temps, jusqu'à l'âge de 8 ou 12 semaines. Ils deviennent rapidement trop dangereux pour interagir avec les visiteurs. Ensuite, ils deviennent parfois eux-mêmes des reproducteurs ou sont utilisés dans des spectacles. Des preuves montrent même que certains d'entre eux sont tués.

    Une tigresse de Sumatra veille sur ses petits pendant qu'ils s'amusent dans le zoo d'Atlanta. Les tigres de Sumatra sont une espèce en danger d'extinction.

    PHOTOGRAPHIE DE Joël Sartore, Nat Geo Image Collection

    Qu'en est-il des ligres ?

    Les espèces hybrides sont nombreuses dans les zoos et ménageries privés. À l'état sauvage, les croisements entre lions et tigres comme les ligres ou les tigrons n'existent pas. À vrai dire, les lions et les tigres ne vivent pas au même endroit sur la planète. D'après Luke Hunter, scientifique et écologiste spécialiste des grands félins interviewé par National Geographic à ce sujet en 2017, le croisement d'espèces peut mener à des défaillances génétiques et des problèmes de santé.

    Les tigres blancs ne sont pas issus de croisements mais leur blancheur n'est pas naturelle pour autant, du moins pas dans la proportion constatée en captivité. Ce sont simplement des tigres à la fourrure blanche, très rares à l'état sauvage. Au fil des années, la reproduction intensive destinée à créer puis revendre des tigres blancs implique que bon nombre d'entre eux souffrent de malformations congénitales qui nécessitent des soins à vie, peut-on lire dans une récente publication du PDG de l'AZA, Dan Ashe.

     

    Comment savoir si les tigres sont correctement traités ?

    Si vous avez l'intention de visiter un sanctuaire ou un zoo, voici quelques conseils qui vous aideront à identifier les établissements éthiques et responsables. Les tigres sont des animaux imposants, nocturnes et solitaires, ce qui signifie qu'ils ont des besoins particuliers en captivité, comme en témoigne la thèse de Leigh Pitsko, aujourd'hui assistante-conservatrice au parc national zoologique de Washington. Ils ont besoin d'espace pour faire de l'exercice et cet espace ne doit pas accueillir trop de tigres. Ils doivent pouvoir se mettre à l'abri s'ils sont stressés ou submergés par le flot de visiteurs et un point d'eau ainsi qu'une zone d'ombre doivent être mis à leur disposition.

    Jeux, activités et obstacles à escalader sont autant d'éléments importants pour maintenir en éveil le cerveau des tigres. De même, la présence d'un sol naturel (pas de béton) est nécessaire non seulement pour la santé des pattes de l'animal mais aussi pour son bien-être. Plus leur enclos est naturel, mieux c'est.

    Pour en savoir plus sur les tigres aux États-Unis, notamment sur l'ensemble de lois régissant leur propriété, les raisons de leur présence en si grande quantité sur le territoire américain et les efforts visant à protéger à la fois les tigres et les humains, consultez notre édition du mois de décembre.

    Ces cartes offrent un aperçu du commerce de tigres interne aux États-Unis.

    Wildlife Watch est un projet d'articles d'investigation commun à la National Geographic Society et à National Geographic Partners. Ce projet s'intéresse à l'exploitation et à la criminalité liées aux espèces sauvages. Retrouvez d'autres articles de Wildlife Watch à cette adresse et découvrez les missions à but non lucratif de la National Geographic Society ici. N'hésitez pas à nous envoyer vos conseils et vos idées d'articles et à nous faire part de vos impressions à l'adresse ngwildlife@natgeo.com.
    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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