Les animaux sont plus susceptibles de contracter le COVID-19 que prévu

Des lions aux tigres, en passant par les grands tatous velus, de nombreux animaux ont en réalité été infectés par le COVID-19. Et la liste des animaux concernés ne fait que s'allonger.

De Douglas Main
Publication 17 janv. 2023, 17:37 CET
Un cerf mulet, l’une des espèces qui viennent renflouer la liste des espèces pouvant être contaminées par ...

Un cerf mulet, l’une des espèces qui viennent renflouer la liste des espèces pouvant être contaminées par le SARS-CoV-2, traverse une rivière dans le Wyoming.

PHOTOGRAPHIE DE Joe Riis, Nat Geo Image Collection

La pandémie de COVID-19 est souvent considérée comme étant propre aux humains, mais ce n'est pas si simple : le virus qui provoque la maladie, le SARS-CoV-2, peut également infecter les animaux, aussi bien en captivité que dans la nature.

Selon le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), le virus a jusqu’ici été détecté chez plus d’une centaine de chats et de chiens domestiques, mais aussi chez des tigres, lions, gorilles, léopards des neiges, loutres et hyènes tachetées élevés en captivité. De plus, les zoos américains ont enregistré un seul cas positif chez le binturong, le coati, le puma, le furet domestique, le chat viverrin, le lynx, le mandrill et le saïmiri.

Toujours selon l'USDA, seulement trois espèces sauvages ont été testées positives aux États-Unis : le vison, le cerf mulet et le cerf de Virginie. D’autres cas ont été recensés ailleurs dans le monde comme chez des populations de oustitis mélanures et de grands tatous velus, et un cas a été recensé chez le léopard.

Il est cependant rare de tester les animaux sauvages, et comme tendent à le suggérer les recherches scientifiques récentes, le COVID-19 a probablement touché d’autres espèces. « Je pense que la propagation du virus dans la faune sauvage est plus importante que ce que l’on pensait », explique Joseph Hoyt, écologiste des maladies à l'Institut polytechnique et université d'État de Virginie.

Comment le SARS-CoV-2 peut-il infecter une si grande variété d’espèces, et quelles en sont les conséquences ?

 

LE RÔLE DU RÉCEPTEUR ACE2

L’ACE2, un récepteur cellulaire complexe présent chez tous les mammifères, semble jouer un rôle central dans ces infections. Il est notamment impliqué dans la régulation de la pression artérielle et dans d’autres fonctions physiologiques.   

Une fois que la protéine Spike (ou protéine de spicule) du SARS-CoV-2 pénètre l’organisme, elle commence à infecter la cellule hôte en se couplant au récepteur ACE2 présent dans les voies aériennes supérieures et dans les sinus des humains, mais aussi de nombreux autres mammifères.

Selon explique Craig Wilen, virologue à l’Université Yale, la structure physique du récepteur ACE2 varie relativement peu entre les espèces de vertébrés, par rapport à d’autres protéines du même type. Pourtant, suffisamment de petites variations existent pour avoir fait penser aux scientifiques que certains mammifères avaient très peu de chances d’être infectés.

Cette hypothèse a depuis évolué, les animaux, que l’on pensait moins susceptibles d’attraper le virus, s'étant révélés très contaminables. Il semblerait désormais que, chez les mammifères, de nombreux récepteurs ACE2, si ce n’est tous, soient également sensibles au SARS-CoV-2, et ne soient donc pas un facteur limitant pour le virus.

« La compatibilité semble suffisante… même si elle n'est pas parfaite », explique Rick Bushman, professeur à l’école de médecine de l’Université de Pennsylvanie, qui étudie les interactions hôte-microbes.

De nombreux autres facteurs pourraient bien caractériser la vulnérabilité au COVID-19, que nous ne savons toujours pas expliquer à l'heure actuelle.

 

DE NOMBREUSES ESPÈCES CONCERNÉES

Nous savons déjà que le virus peut infecter les visons et le cerf de Virginie, et se propager dans ces populations. Pour chacune de ces espèces, il y a eu au moins un cas avéré de transfert du virus de l’homme vers l’animal puis de l'animal vers l’homme. En plus des visons, les furets et les hamsters dorés domestiques semblent facilement se transmettre le virus.

En plus des animaux listés précédemment, une étude publiée avant impression dans BioRxiv a identifié des cas probables d’infections au SARS-CoV-2 chez les souris sylvestres, les ratons laveurs, les opossums, les écureuils gris, les souris à pattes blanches et les moufettes rayées. En Europe, une étude menée sur les campagnols roussâtres a révélé qu'en cas d'infection, ce  rongeur ne risquait pas de contaminer d’autres espèces.

Carla Finkielstein, co-autrice de l'étude, Amanda Goldberg, biologiste de la conservation, et Joseph Hoyt ont été étonnés de découvrir des preuves de l’infection au SARS-CoV-2 chez des opossums de Virginie.

« Nous étions inquiets, car cela signifiait que le virus passait d'une espèce à l'autre » et se transférait entre des espèces de mammifères peu apparentées, explique Finkielstein. « Les opossums sont très différents de nous, sur le plan biologique », ajoute Goldberg.

Les opossums sont des marsupiaux qui donnent naissance à des petits de la taille d’une abeille, qui boivent le lait de leur mère dans sa poche ventrale. Les marsupiaux se sont séparés du groupe des mammifères placentaires (qui comprend de nombreux mammifères communs) il y a plus de 150 millions d’années.

Si le SARS-CoV-2 peut infecter les opossums, il est probable qu’il puisse infecter une immense variété de mammifères. En effet, l’équipe de chercheurs a découvert de grandes quantités d'anticorps contre le SARS-CoV-2 chez six espèces sauvages urbaines dans le sud-ouest de la Virginie. Des tests PCR (qui sous-entendent, mais ne prouvent pas une infection) se sont révélés positifs chez deux de ces espèces, ainsi que chez quatre autres, dont le renard roux et le lynx.

Une autre étude soumise récemment mentionne des traces de pathogènes chez 17 % des rats de New York testés. Dans le Connecticut, d’après les recherches de Rebecca Earnest, doctorante à l’Université Yale, un petit pourcentage de souris à pattes blanches sauvages a également été infecté.

 

L'ORIGINE INCERTAINE DE L’INFECTION

Reste à savoir comment des animaux sauvages comme les cerfs se trouvent exposés au virus.

Nous n’avons pas encore la réponse à cette interrogation, mais des théories ont été proposées. Les animaux sauvages pourraient être infectés par contact rapproché avec nos déchets ou nos eaux usées, ou encore en inhalant le virus lorsqu’ils sont près d’êtres humains. L’exposition pourrait aussi avoir lieu lors d’interactions avec des animaux domestiques comme les chats et les chiens (ou les cerfs en captivité), qui peuvent porter le virus.

« Tout le monde s'accorde pour dire… que personne ne sait », explique Bushman.

Quelle qu'en soit la raison, les cerfs se trouvent fréquemment exposés au virus. Une étude de 2021 suggérait que plus d’un tiers des cerfs dans le nord-est et le midwest des États-Unis y avait été exposé ; une autre étude a démontré qu’un cerf avait été contaminé à quatre reprises minimum par des humains ; et une troisième étude a découvert qu’un homme avait été contaminé par un cerf au Canada.

Ces infections chez les animaux doivent être surveillées, car ils peuvent servir de nouveaux réservoirs au virus et ainsi lui permettre de survivre et subir de nouvelles mutations qui pourraient théoriquement l'aider à se propager plus facilement chez les humains.

« Il ne faudrait pas qu'il y ait davantage de transmissions, chez plus d’espèces », affirme Earnest.

 

UN PROBLÈME NÉGLIGÉ

Selon Finkielstein, la capacité du SARS-CoV-2 à infecter les animaux sauvages correspond à une panzootie (l’équivalent d’une pandémie chez les animaux) dont nous ignorons totalement les tenants et les aboutissants.

Les animaux infectés semblent souvent présenter des symptômes légers, mais les experts ne savent presque rien de la manière dont les divers variants peuvent les affecter. Parfois, l’infection s’avère mortelle. Le virus semble provoquer la mort d'un faible pourcentage de visons infectés, et trois léopards des neiges sont morts à la suite de complications liées au COVID-19 au Lincoln Children’s Zoo, dans le Nebraska.

Craig Wilen souligne que nous ne savons pas vraiment à quel point les animaux sont malades dans la nature. Il donne en exemple le virus de l’immunodéficience simienne du chimpanzé (VIScpz) qui, lorsqu'il a été transmis aux humains, est devenu le VIH-1. Les scientifiques ont longtemps cru que le VIS ne provoquait que des symptômes légers chez le chimpanzé, mais les recherches ont montré que le virus pouvait provoquer chez les animaux une pathologie similaire au SIDA, qui causerait une diminution de leur espérance de vie.

Les effets des virus sont particulièrement difficiles à étudier chez les animaux sauvages, notamment à l’échelle écologique, précise Hoyt.

« Nous ignorons quelles sont les conséquences de ces infections sur la vie sauvage », affirme Finkielstein. « C’est un autre aspect qui a été très peu étudié. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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