COVID-19 : des anticorps ont été détectés chez des cerfs sauvages

Une nouvelle étude vient de détecter la présence d’anticorps dirigés contre la COVID-19 chez 40 % des cerfs testés cette année aux États-Unis.

De Dina Fine Maron
Publication 4 août 2021, 10:25 CEST
White-tailed deer

Une nouvelle étude suggère que les cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus) sont exposés au coronavirus dans la nature. Cette situation pourrait mener à des infections chez les humains.

PHOTOGRAPHIE DE Ben Hasty, MediaNews Group/Reading Eagle via Getty Images

Selon la première étude visant à détecter des traces d’épidémie chez les cerfs sauvages, les cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus), une espèce commune en Amérique du Nord, semblent contracter le coronavirus dans la nature.

Des chercheurs du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) ont analysé des échantillons sanguins de plus de 600 cerfs du pays ces dix dernières années. Ils ont découvert que 40 % des 152 cerfs sauvages testés de janvier à mars 2021 présentaient des anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19. Trois autres cerfs testés en janvier 2020 possédaient eux aussi des anticorps.

Cette présence d'anticorps signifie que les cerfs ont sûrement été contaminés par le virus et que leurs systèmes immunitaires l’ont combattu. Les animaux ne paraissaient pas malades. Le département explique qu’ils ont donc sûrement présenté une infection asymptomatique.  

« Le risque de contamination du SARS-CoV-2 des animaux à l’Homme est considéré comme faible », a assuré l’USDA à National Geographic dans une déclaration. Toutefois, les résultats laissent penser qu’un « réservoir secondaire pour le SARS-CoV-2 s’est établi dans la nature aux États-Unis », déclare Jüergen Richt, vétérinaire et directeur du Center on Emerging and Zoonotic Infectious Diseases à l’université d’État du Kansas, qui n’était pas impliqué dans la nouvelle étude.

Si le virus circule également au sein d’autres espèces, il pourrait continuer à se développer, peut-être sous des formes plus sévères ou plus transmissibles. Une telle situation pourrait compromettre les efforts visant à freiner le cours de la pandémie.

La Covid-19, un virus parmi tant d'autres

Plus tôt dans l’année, les chercheurs ont constaté que les cerfs étaient réceptifs au virus lorsqu’ils subissaient une infection en laboratoire. Il a aussi été déterminé qu’ils pouvaient se transmettre la maladie. Toutefois, les scientifiques ne savaient pas que des infections avaient lieu dans la nature. La seule espèce dont les résultats des tests en laboratoire indiquaient qu’elle avait contracté le virus dans la nature était le vison, bien que les chats, les chiens, les loutres, les lions, les tigres, les léopards des neiges, les gorilles et un couguar aient aussi souffert d’épidémies en captivité ou dans des zoos. (À lire : Des grands singes ont reçu le vaccin élaboré pour les animaux.)

Le nouveau rapport de l’USDA a été publié sur un site de prépublications, ce qui signifie qu’il n’a pas encore été évalué par des pairs. Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis n’ont pas répondu à notre demande de commentaires.

 

UNE TRANSMISSION HUMAINE

« À l’heure actuelle, il n’y a aucune preuve qui montre que le SARS-CoV-2 présente des effets néfastes sur les cerfs. Concernant les Hommes, notre principal problème est la transmission entre humains », déclare Daniel Bausch, expert en maladies zoonotiques en Suisse et directeur du département des menaces émergentes et de la sécurité sanitaire mondiale pour l’organisation à but non lucratif FIND. Cet organisme vise à développer des tests de dépistage pour les maladies liées à la pauvreté.

L’USDA précise que le risque pour les chasseurs des cerfs de Virginie n’est pas élevé. Même si les chercheurs supposent que le virus a été transmis à l’origine par un animal dans un marché en Chine où des animaux sauvages étaient proposés à la consommation, la différence dans la préparation des aliments rentre également en compte.

Il n’existe « pas de preuves indiquant que vous pouvez attraper la COVID-19 en ingérant de la nourriture [contaminée], y compris la viande de gibier sauvage », assure l’USDA. Le département n’a pas établi de nouvelles directives mais renvoie aux recommandations gouvernementales concernant les règles d’hygiène face aux animaux sauvages. Il s’agit notamment de bien cuire et conserver la viande et de nettoyer et désinfecter tous les couteaux, les surfaces et l’équipement utilisé. 

La manière exacte dont les cerfs ont été exposés au virus n’a pas encore été élucidée. Les chercheurs suspectent toutefois que la transmission s’est faite par les Hommes. « De nombreuses activités peuvent mettre en contact les cerfs avec la population, notamment l’élevage de cervidés en captivité, les recherches sur le terrain, les travaux de conservation, le tourisme de la faune sauvage, la réhabilitation dans la nature, l’administration de nourriture complémentaire et la chasse. » Parmi les autres possibilités, il est probable qu’ils aient contracté la maladie en buvant les eaux usées ou à cause d’un contact avec d’autres espèces contaminées, comme les visons.

Les chercheurs ne savent pas encore déterminer s’ils peuvent transmettre le virus à d’autres espèces.

 

CHERCHER PLUS LOIN

Selon M. Bausch, il est également possible que ces cerfs n’aient jamais porté le SARS-CoV-2 en eux. Les tests de l’USDA auraient pu détecter des anticorps dirigés contre d’autres coronavirus, un phénomène appelé réaction croisée.

Le département souligne que c’est toutefois très peu probable. Les chercheurs ont utilisé un test de détection du SARS-CoV-2 disponible dans le commerce qui s’est avéré très précis pour d’autres espèces. Ils ont également écarté la possibilité d’une réaction croisée en testant une partie des échantillons avec un autre test de dépistage des anticorps encore plus spécifique au SARS-CoV-2. Les résultats de ce second test concordaient avec ceux obtenus précédemment. L’USDA a donc confié à National Geographic que les tests révélaient réellement la présence d’anticorps contre le SARS-CoV-2.

Les échantillons sanguins prélevés avant la pandémie ont eux aussi étayé les résultats. Si les tests avaient détecté la présence des coronavirus en tout genre, les niveaux d’anticorps chez les cerfs devraient être similaires dans les échantillons recueillis avant et pendant la pandémie. Pourtant, lorsque les chercheurs ont analysé les 239 échantillons collectés avant janvier 2020, ils n’ont obtenu qu’un seul test positif, datant de 2019. Le département souligne qu’il s’agit très probablement d’un faux positif puisque le niveau d’anticorps était très faible. M. Richt soutient cette hypothèse.

M. Bausch explique que la réalisation de ces deux tests a renforcé sa confiance face aux résultats. Il reste tout de même possible que la réaction croisée pose problème. « Il existe de nombreux coronavirus chez les animaux et sûrement encore beaucoup d’autres encore inconnus », indique-t-il. La meilleure manière d’écarter la possibilité d’une réaction croisée serait d’isoler le virus en culture cellulaire, peut-être en testant les sécrétions respiratoires des cerfs. Néanmoins, il faudrait disposer d’un cerf présentant une infection au coronavirus en cours.

« Ces résultats soulignent la nécessité d’une surveillance de la faune sauvage continue et étendue afin de déterminer l’incidence du SARS-CoV-2 chez les cerfs sauvages » appuie l’USDA. En outre, il est maintenant important de rechercher la présence du virus chez les prédateurs et les charognards qui pourraient se nourrir de ces cervidés.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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