Succès pour SpaceX : la fusée Starship a enfin été envoyée dans l'espace

Malgré une fin de mission explosive, le vaisseau Starship s'est envolé pour la toute première fois dans l'espace, une réussite majeure pour le programme visant à transporter des astronautes de la NASA sur la surface lunaire.

De Joe Pappalardo
Publication 19 mars 2024, 09:58 CET
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La fusée Starship de SpaceX a été lancée depuis la Starbase de l'entreprise à Brownsville, au Texas.

PHOTOGRAPHIE DE Brandon Bell, Getty Images

Après plusieurs essais infructueux, l’entreprise SpaceX est parvenue à lancer sa fusée Starship dans l’espace et à la faire redescendre sur Terre… mais pas en un seul morceau.

Le vol d’essai sans équipage a décollé le matin du jeudi 14 mars depuis la Starbase de SpaceX à Boca Chica, au Texas. Le vaisseau Starship, l’étage supérieur de 50 mètres de haut de la mégafusée, que la NASA prévoit d’utiliser pour faire atterrir de nouveaux astronautes sur la Lune, s’est séparé avec succès de son imposant étage inférieur de propulsion avant de s’élancer dans l’espace en direction du sud-est.

Après avoir survolé la côte est de l’Afrique, le Starship a entamé sa redescente : il a alors traversé l’atmosphère à une vitesse cinq fois supérieure à celle du son, générant une formation de plasma surchauffé qui, sans les tuiles de protection thermique, aurait pu entièrement détruire le vaisseau.

Le Starship a atteint l’espace, mais n’avait pas pour objectif d’entrer en orbite ; aucune combustion de moteur n’était donc nécessaire pour lui permettre de revenir sur Terre et d’atterrir à l’endroit prévu. Comme l’ont montré les caméras installées à bord, juste avant que le centre de contrôle de SpaceX ne perde le contact avec l’appareil, le vaisseau a réussi à utiliser ses panneaux cellulaires pour assurer le guidage à des vitesses hypersoniques.

Bien que la fusée n’ait pas survécu à cette nouvelle rentrée dans l’atmosphère, et n’ait donc pas pu amerrir dans l’océan Indien, comme le prévoyait la mission, SpaceX parle d’une journée « plutôt réussie ».

Il s’agissait du troisième vol d’essai du projet Starship, et de loin le plus important. La retransmission en direct de l’événement a été suivie par pas moins de 3,7 millions de personnes. Alors que le vaisseau survolait la planète, Elon Musk, le fondateur de l’entreprise, a félicité l’équipe de SpaceX sur son réseau social X.

Bien que ses essais actuels soient pour le moment destinés à d'autres usages, SpaceX espère un jour utiliser ses fusées pour transporter des humains sur Mars.

PHOTOGRAPHIE DE John Krauss

 

DE NOMBREUX OBJECTIFS

Le projet d’amerrissage de l’étage de propulsion de la mégafusée ne s’est pas non plus déroulé comme prévu. Alors que le vaisseau s’envolait, le propulseur de 70 mètres de haut a allumé treize de ses moteurs pendant 1 minute pour se réorienter en vue d’un amerrissage en douceur dans le golfe du Mexique. À l’avenir, l’objectif sera de faire atterrir ces propulseurs directement sur la rampe de lancement, ce qui permettrait de gagner du temps avant leur réutilisation.

Pour le lancement du 14 mars, les moteurs devaient s’allumer juste avant l’amerrissage afin de permettre à la fusée de se poser dans l’eau en douceur ; les caméras installées à bord se sont toutefois tournées peu après l’allumage et le signal a été rapidement interrompu. SpaceX a confirmé la perte du propulseur, mais a également révélé que la mission avait permis de recueillir de nombreuses données, car l’appareil a tenu plus longtemps que lors des essais précédents.

Au cours de sa traversée de l’espace, le vaisseau Starship a également testé une toute nouvelle manœuvre consistant à transférer 11 tonnes d’oxygène liquide super-froid entre deux réservoirs intérieurs : un système qui, un jour, permettra d’assurer le transfert de propergol entre deux vaisseaux en orbite.

Sans ce système novateur, le Starship ne pourra pas effectuer le voyage jusqu’à la surface lunaire, une étape essentielle de la mission Artemis III de la NASA, destinée à établir une colonie humaine sur la Lune. Dans le cadre de cette mission, le Space Launch System et la capsule Orion de la NASA, qui sont en cours de développement, seront utilisés pour transporter les astronautes jusqu’à l’orbite lunaire, où un vaisseau Starship les attendra pour la descente sur la Lune.

Bien que SpaceX ait été engagée pour transporter des astronautes de la NASA, l’entreprise d’Elon Musk a également pour objectif d’établir un jour une colonie sur Mars, alimentée et soutenue par des vaisseaux spatiaux. À plus court terme, ces engins seront aussi utilisés pour des livraisons rapides de marchandises entre diverses bases spatiales terrestres, mais aussi en tant que distributeur massif de satellites. Pendant le vol d’essai du Starship, l’ouverture et la fermeture de ses portes de chargement, des étapes nécessaires pour relâcher des satellites et des sondes d’exploration de l’espace lointain, ont également été testées.

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    Le Starship pèse plus de 5 000 tonnes, ce qui en fait le plus grand objet volant jamais construit. Bien que l'essai soit considéré comme un succès partiel, la fusée n'a pas survécu à sa redescente sur Terre.

    PHOTOGRAPHIE DE Cheney Orr, Reuters, Redux

     

    DES MÉTHODES PEU CONVENTIONNELLES

    La méthodologie de SpaceX en matière de vols d’essai est pour le moins inhabituelle. En effet, tandis que les programmes de développement traditionnels construisent leurs engins à la perfection avant d’organiser des tests en conditions réelles afin de confirmer leur bon fonctionnement, l’entreprise de Musk suit quant à elle des étapes bien différentes : construire, tester, détruire et recommencer. « Chacun de ces vols d’essai reste un simple test », a déclaré SpaceX dans un communiqué avant le lancement. « Nous ne les organisons pas dans un laboratoire ou sur un banc d’essai ; nous mettons nos équipements de vol dans des conditions de vol réelles afin de maximiser notre apprentissage. »

    Les résultats de cette méthode unique ont été aussi spectaculaires que violents. Lors du premier lancement « intégré » du Starship en avril 2023, les étages ne sont pas parvenus à se séparer, ce qui a entraîné une autodestruction de l’appareil 4 minutes seulement après son décollage. Selon le U.S. Fish and Wildlife Service, l’organisme américain chargé de la gestion et la préservation de la faune sauvage, certains débris de béton se sont écrasés dans une réserve naturelle, jusqu’à 10 kilomètres de la rampe de lancement. Lors du deuxième vol, en novembre 2023, les deux étages de la mégafusée ont réussi à se séparer, ce qui constituait une avancée significative, mais le propulseur a explosé avant d'amerrir sur le golfe du Mexique ; 8 minutes plus tard, à 150 kilomètres d’altitude, l’étage supérieur du Starship a pris feu et explosé en plein vol après avoir évacué un excès d’oxygène liquide.

    La Federal Aviation Administration (FAA) a exigé la mise en place de modifications en matière de sécurité lors de ces vols d’essais. SpaceX s’est conformée à ces demandes et a établi une liste des changements apportés, qui incluait notamment « des modifications matérielles sur les prochains véhicules Starship en vue d’améliorer la réduction des fuites, la protection contre les incendies, et des opérations de perfectionnement relatives au conduit d’évacuation du propergol afin d’en accroître la fiabilité ». Le mercredi 13 mars, la FAA a délivré un permis autorisant le lancement, et a déclaré que l’entreprise s’était « conformée à toutes les exigences en matière de sécurité, d’environnement, de politique et de responsabilité financière ».

    Ce vol ouvre la voie à de nouveaux lancements, et le programme Starship s’apprête à accélérer le pas. Kelvin Coleman, administrateur chargé du transport spatial commercial auprès de la FAA, a déclaré ce 23 février que SpaceX avait demandé une autorisation pour l’organisation de pas moins de neuf vols depuis sa Starbase, dans le sud du Texas, rien que pour cette année. « C’est un nombre important de lancements. Nous avons eu de nombreuses et longues discussions avec SpaceX afin d’essayer de déterminer comment nous pourrons y parvenir. Nous sommes impliqués dans la mission de l’entreprise, nous travaillerons donc avec elle pour lui permettre de reprendre ses activités dès qu’elle le pourra. »

    L’avenir de la Starbase n’a jamais été certain. En 2022, Elon Musk a révélé que le port spatial ne serait probablement utilisé que dans le cadre de vols d’essai, et non pour les missions réelles. Cependant, depuis cette déclaration, malgré la construction prévue de sites de lancement en Floride, SpaceX a également entrepris la construction d’une autre rampe de lancement au sein de sa Starbase avec pour objectif de l’utiliser pour des opérations réelles. La société prévoit également la construction d’un complexe de bureaux, de nouveaux logements pour les employés et d’une nouvelle usine pour fabriquer les étages supérieurs et inférieurs sur son site du Texas.

    Une fois les plans d’expansion de la Starbase concrétisés, les équipes ont installé une nouvelle enseigne sur le port spatial, portant la mention « Gateway to Mars » (littéralement, « Portail vers Mars »). La réussite de l’essai du 14 mars et les projets de préparation de la Starbase à des missions interplanétaires, ce surnom n’a jamais été aussi proche de la réalité.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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