Black History Month : pourquoi le mois de février commémore l'histoire des personnes noires ?

Au début du 20e siècle, l'historien Carter G. Woodson se démena pour lutter contre l'invisibilisation des accomplissements des personnes noires aux États-Unis. Son travail acharné mena à la création d'une commémoration annuelle : le Black History Month.

De Erin Blakemore
Publication 7 févr. 2023, 17:40 CET
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L'historien et éducateur américain Carter Godwin Woodson est largement reconnu comme le fondateur du Black History Month pour son travail acharné au début du 20e siècle visant à promouvoir les riches traditions et accomplissements des personnes afro-américaines.

PHOTOGRAPHIE DE Hulton Archive, Getty

Au début du 20e siècle, l’historien Carter G. Woodson s’insurgeait contre l’invisibilisation des accomplissements des personnes noires dans le monde. Dans une société raciste qui leur donnait une image éloignée de la réalité et négligeait leurs contributions, il travailla sans relâche pour faire connaître la richesse de leur histoire. L’objectif de Woodson était que le monde connaisse la complexité de la vie historique des personnes d’origine africaine.

L’historien avait l’embarras du choix. En effet, les Africains contribuèrent à la domestication des animaux dès le 5e millénaire avant notre ère, et développèrent des sociétés complexes dans des conditions parfois difficiles. Celles et ceux qui furent par la suite réduits en esclavage alimentèrent le commerce mondial du textile tout en parvenant à résister à leurs oppresseurs et à obtenir leur liberté.

Malgré un racisme endémique et des lois discriminatoires, l’importance des Afro-Américains fut fondamentale aux États-Unis, de la participation de Crispus Attucks à la révolution américaine aux innovations révolutionnaires dans les transports, l’agriculture, la mode, l’alimentation et la vie quotidienne.

En célébrant ces réalisations, Woodson créa son propre héritage. Grâce à lui et à son combat, chaque mois de février, les États-Unis célèbrent désormais le Black History Month.

 

LE FONDATEUR DU BLACK HISTORY MONTH

Fils de parents anciennement esclaves qui n’avaient jamais appris à lire, Carter G. Woodson dut se battre pour obtenir une éducation. Né en Virginie, il travailla dans la ferme familiale et dans les mines de charbon de Virginie-Occidentale pendant toute sa jeunesse, raison pour laquelle il reçut une éducation irrégulière. Il lui fallut attendre ses 20 ans pour enfin pouvoir aller au lycée, et il poursuivit ses études à l’étranger et obtint un doctorat en histoire à l’Université de Harvard.

Des étudiants du Morehouse College d'Atlanta, en Géorgie, traversent la chapelle de l'école qui porte le nom du révérend Martin Luther King Jr. Cette université masculine historiquement noire fut fondée en 1867, deux ans après l'abolition de l'esclavage, afin de préparer les hommes noirs au ministère et à l'enseignement.

PHOTOGRAPHIE DE Ruddy Roye, Nat Geo Image Collection

Au fil du temps, Woodson acquit la conviction que, pour contrer les perceptions racistes erronées sur les capacités et les aspirations des personnes noires, le monde devait mieux comprendre leurs nombreuses contributions à la société. « Les [personnes noires] ne sont pas éduquées », écrivit-il. « Elles connaissent à peine toutes les choses qu’elles ne sont pas autorisées à faire. »

En 1915, alors que la nation célébrait le cinquantième anniversaire de l’émancipation des personnes asservies à la fin de la guerre de Sécession, Woodson prit les choses en main. Il fonda une organisation, connue aujourd’hui sous le nom d’Association for the Study of African American Life and History (littéralement : Association pour l’étude de la vie et de l’histoire afro-américaines – ASALH) destinée à diffuser l’histoire des Afro-Américains.

Avec un soutien et des fonds limités, Woodson et ses collègues lancèrent une exposition inédite sur l’histoire et les réalisations des personnes noires lors de l’Exposition of Negro Progress de 1915, un événement organisé à Chicago pour célébrer l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis. Ils créèrent également la première revue universitaire sur le sujet, aujourd’hui connue sous le nom de The Journal of African American History.

« Woodson submergeait son public d’une grande quantité d’informations dans ses discours, en commençant par l’histoire de l’Afrique et en passant par toute l’histoire afro-américaine », écrit la biographe Jacqueline Goggin. « Il les captivait grâce à ses talents d’orateur. »

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    Gauche: Supérieur:

    Le musée national de l'histoire et de la culture afro-américaines du Smithsonian, à Washington, présente de nombreux objets illustrant l'histoire et les accomplissements des personnes noires. Est notamment exposée la robe que Rosa Parks cousait lorsqu'elle fut arrêtée pour ne pas avoir cédé sa place dans un bus ségrégationniste.

    Droite: Fond:

    La guitare du musicien Chuck Berry, baptisée « Maybellene », est également exposée au musée national de l'histoire et de la culture afro-américaines du Smithsonian, à Washington.

    Photographies de Grant Cornett, Nat Geo Image Collection

    LES PREMIÈRES CÉLÉBRATIONS

    Woodson chercha sans cesse d’autres moyens de faire connaître l’histoire et les réalisations des personnes noires. En 1920, il encouragea ses co-membres de la fraternité Omega Psi Phi à observer une semaine entière destinée à la célébration de leur littérature et de leur histoire.

    En 1926, il lança ce qu’il appela la Negro History Week (littéralement : la semaine de l’histoire des personnes noires), qu’il célébra chaque année en février, le mois des anniversaires de l’abolitionniste Frederick Douglass et du président Abraham Lincoln. Pendant cette semaine, les éducateurs organisaient des spectacles mettant en scène des moments cruciaux de l’histoire des personnes noires, et les journaux afro-américains publiaient des articles destinés à raconter cette histoire. Selon l’historien Jeffrey Aaron Snyder, la semaine n’était pas seulement consacrée aux réalisations historiques : elle célébrait également le talent artistique actuel des hommes et femmes noirs dans la musique, la littérature et l’art.

    Des étudiant.es de l'université Clark Atlanta à Atlanta, en Géorgie, travaillent sur une leçon de chimie. Les scientifiques et chercheur.ses noir.es ont fait progresser presque tous les domaines des sciences, de l'exploration spatiale à la médecine.

    PHOTOGRAPHIE DE Nina Robinson, Nat Geo Image Collection

    Pour Woodson, cette action visant à diffuser l’histoire avait pour double objectif de renforcer le sentiment de fierté des populations noires, et de contrer les arguments racistes sur l’infériorité supposée de leurs accomplissements.

    « Pour justifier l’injustice faite aux [personnes noires], des individus […] ont recours à des mensonges malveillants en affirmant que [nous sommes] une race inférieure qui n’a jamais développé de civilisation. […] Pendant la Negro History Week, l’attention est attirée sur les [personnes noires] dans toutes les régions du monde, afin de montrer que leur travail, même celui réalisé lorsqu’elles étaient réduites en esclavage, ne doit pas être méprisé », écrivait-il en 1945.

     

    UN MOIS POUR CÉLÉBRER UNE HISTOIRE

    Woodson mourut en 1950, mais son héritage lui survécut : la diffusion de l’histoire pour laquelle il s’était tant battu continua, et alimenta par la même occasion le mouvement de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis.

    Dans les années 1960, la résistance aux lois Jim Crow et à la ségrégation s’intensifia, et l’histoire des personnes noires devint un élément essentiel des programmes suivis dans les Freedom Schools, des écoles alternatives gratuites conçues pour contrer l’enseignement de mauvaise qualité dispensé par les systèmes scolaires inégaux des États du sud du pays, ainsi que pour faire connaître leurs droits civils aux jeunes Afro-Américains.

    Dans le même temps, la Negro History Week créée par Woodson continua à gagner en popularité. En 1975, le président Gerald Ford diffusa un message officiel afin de reconnaître et honorer l’existence de cette célébration, ajoutant que le fait de réserver une semaine pour reconnaître les contributions des personnes noires à la vie et à la culture des États-Unis était « très approprié ».

    L’année suivante, pour le bicentenaire de la nation, l’ASALH étendit la Negro History Week au mois de février tout entier. Cette célébration eut lieu chaque année jusqu’en 1986, lorsque le Congrès adopta une loi désignant officiellement le mois de février comme le mois national de l’histoire des personnes noires (afro-américaines) : le Black History Month.

    Depuis 1996, le Black History Month est célébré dans tout le pays chaque année grâce au travail acharné d’un historien dévoué qui refusa de laisser l’excellence des personnes afro-américaines tomber dans l’oubli.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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