L’étrange histoire des substances que nous mettons sur et dans notre corps

Qu’utilisaient les peuples anciens comme déodorant ? Comment les glaces à l’eau sont-elles devenues populaires ? L’histoire des petites choses de la vie quotidienne auxquelles nous ne faisons plus attention est souvent truffée d’heureux hasards.

De National Geographic Staff
Publication 13 août 2023, 10:28 CEST

La quinine peut être retrouvée dans l’eau tonique, comme sur l’image de cette boisson pétillante. Elle provient à l’origine d’une plante, le cinchona (Cinchona), d’Amérique du Sud. Elle était utilisée pour soigner toutes sortes de maladies. L’histoire raconte que les colons britanniques en Inde ont mélangé du gin avec leur eau tonique pour la rendre plus agréable à boire. Et c’est ainsi qu’est né le classique gin-tonic.

PHOTOGRAPHIE DE FOODFOLIO/PICTURE PRESS/REDUX, Picture Press, Redux

Pourquoi la pierre ponce a-t-elle un jour fait office de dentifrice ? Qui était cet enfant de 11 ans qui a accidentellement créé la première glace à l’eau ? Qui savait que les éponges végétales faisaient des merveilles pour la peau mais qu’elles avaient également été utilisées sur les navires de guerre ? Nos quotidiens ont toujours été bouleversés par ces choses que nous mettons dans et sur notre corps.

En voici quelques exemples. 

 

LA QUININE : D’UN ARBRISSEAU AU GIN-TONIC

La quinine est un élément fluorescent. Oui, si vous placez une bouteille d’eau tonique sous une lumière noire, elle brillera de l’intérieur.

L’arbrisseau cinchona provient des forêts tropicales d’Amérique du Sud. Il a permis de révolutionner la médecine et de quelque peu modifier nos habitudes en matière de boissons. Les peuples Quechuas du Pérou n’étaient pas au courant de la présence de l’alcaloïde qu’est la quinine dans l’écorce du cinchona. Toutefois, ils ont très bien compris qu’elle pouvait calmer la fièvre et les frissons violents causés par une maladie souvent mortelle : le paludisme, ce fléau transmis par les moustiques. La légende raconte qu’un Indigène atteint de fièvre se serait perdu dans la jungle. Il serait tombé sur une mare d’eau stagnante entourée de cinchona. Il aurait bu ce breuvage amer et pensé qu’il s’était empoisonné. Pourtant, peu de temps après, sa fièvre aurait disparu. Les peuples ont donc appris à peler l’écorce, à la broyer et à la mélanger avec de l’eau sucrée pour contrer son amertume. Ils venaient de créer en réalité une eau tonique salvatrice.

Aujourd’hui, les tireuses d’eau tonique des bars sont étiquetées d’un « Q », pour quinine.

Les récits divergent quant à la manière dont le remède a été connu en Europe, mais son introduction remonte au début du 17e siècle. Il était déjà renommé lorsque les chimistes Pierre-Joseph Pelletier et Joseph Caventou ont isolé et nommé l’alcaloïde en 1820.

La quinine était souvent mélangée à du vin et donnée aux soldats et aux marins, ce qui en fait le premier composé chimique à avoir été utilisé en tant que traitement. On raconte que la victoire ou la défaite d’une bataille dépendait de la bonne consommation de quinine par les troupes.

L’histoire raconte que les colons britanniques en Inde ont mélangé du gin dans leur eau tonique pour la rendre plus agréable à boire : ce serait ainsi que l’un des cocktails les plus classiques serait né.

Le cinchona provient des forêts tropicales d’Amérique du Sud. Les peuples Quechuas du Pérou ont appris à peler l’écorce, à la broyer et à la mélanger à de l’eau sucrée pour contrer son amertume, ce qui en a fait une eau tonique salvatrice, utilisée pour calmer la fièvre et les frissons violents causés par le paludisme. 

PHOTOGRAPHIE DE Nick Kurzenko, Getty

 

LA PIERRE PONCE ET SES UTILISATIONS INFINIES

Le mot « ponce » tire son origine du latin pumex qui signifie « mousse ». La pierre ponce est si légère qu’elle peut flotter dans l’eau.

Les peuples anciens ont trouvé une multitude d’utilisations à la pierre ponce. Cette pierre se forme lorsque des roches en fusion à très haute température jaillissent d’un volcan pour se refroidir rapidement. Même pulvérisée, elle conserve ses arêtes tranchantes.

C’était un produit si populaire qu’elle a voyagé jusqu’en Égypte, un pays dépourvu de volcans, où les archéologues en ont retrouvé sur des tables de travail antiques. Les Égyptiens trouvaient son pouvoir abrasif utile pour polir et exfolier. Ils mélangeaient la pierre ponce avec du vinaigre et l’utilisaient en tant que dentifrice, même si, au bout du compte, elle abîmait davantage l’émail des dents. Les Grecs et les Romains utilisaient la pierre ponce pour se débarrasser des poils indésirables. Sa popularité n’a cessé de croître jusqu’au 12e siècle, où elle a été mentionnée dans Trotula, un recueil de textes sur la santé des femmes qui a été largement consulté.

La densité de la pierre ponce est faible, ce qui en fait l’un des ingrédients principaux du béton. Mélangez de la pierre ponce à de la chaux et vous obtiendrez de la pouzzolane, cette sorte de béton lisse que les Romains ont utilisé pour construire la coupole du Panthéon. Aujourd’hui, l’ajout de pierre ponce abrasive dans les machines à laver industrielles donne aux jeans cet aspect délavé très apprécié. La pierre ponce broyée est un ingrédient des peintures de faible densité, est ajoutée au caoutchouc et aux plastiques pour ses propriétés antidérapantes et est utilisée en esthétique pour éliminer les peaux mortes lors d’une pédicure.

Même après plusieurs millénaires d’emploi de la pierre ponce, ses utilisations semblent encore infinies.

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    La pierre ponce, formée lorsque des roches en fusion à très haute température jaillissent d’un volcan pour se refroidir rapidement, est utilisée depuis des millénaires. Ici, une pierre ponce est utilisée pour frotter une verrue sur un pied.

    PHOTOGRAPHIE DE Elias Hassos, Picture Press, Redux

     

    LA SAUCE SALSA VERDE ET SES ORIGINES AZTÈQUES

    En 1997, le mois de mai a été déclaré mois national de la salsa aux États-Unis en reconnaissance de l’héritage de ce condiment.

    La salsa verde est associée à la cuisine traditionnelle mexicaine et à celle du Sud-Ouest américain. L’ingrédient principal en est la tomatille, un petit fruit vert originaire du Mexique et de l’Amérique centrale. Les récits des conquistadors espagnols du 16e siècle témoignent de l’engouement des Aztèques pour la salsa avant même l’arrivée des Espagnols. Bernardino de Sahagún, missionnaire de l’actuel Mexique, a documenté de nombreux aspects de la culture aztèque. Ses écrits évoquent les aliments disponibles sur les marchés aztèques, notamment des salsas à base de tomatilles.

    Au 20e siècle, les Américains en dehors de la communauté hispanique ont découvert la salsa. C’est vers les années 1940 que les premières salsas ont été commercialisées au Texas. À mesure que la culture du sud de la frontière se répandait, l’appétence pour la salsa également. Au début des années 2000, on la retrouvait dans l’ensemble des cuisines et restaurants du pays.

    En Amérique latine, les salsas sont différentes selon les régions. La salsa verde d’Argentine s’appelle le chimichurri : il est préparé avec du persil, de l’ail, de l’huile d’olive et des épices.

    L’ingrédient principal de la salsa verde est la tomatille, un petit fruit vert originaire du Mexique et d’Amérique centrale. Les salsas diffèrent dans toute l’Amérique latine. La salsa verde d’Argentine, ci-dessus, s’appelle le chimichurri : il est préparé avec du persil, de l’ail, de l’huile d’olive et des épices.

    PHOTOGRAPHIE DE Michael Holz, Picture Press, Redux

     

    ÉPONGES NATURELLES : PLUTÔT FILTRE À MOTEUR OU PEAU DOUCE ?

    On croit tous à tort que les éponges naturelles proviennent de la mer. Il s’agit en réalité d’une cucurbitacée qui pousse à l’état sauvage depuis des milliers d’années. L’éponge naturelle, qu’on appelle aussi courge éponge (Luffa aegyptiaca) ou luffa, possède une enveloppe extérieure facile à enlever. Elle sert à protéger un réseau dense de faisceaux vasculaires qui, une fois nettoyés et séchés, forment une maille absorbante, idéale pour servir d’éponge.

    L’éponge naturelle est cultivée depuis si longtemps qu’il est difficile d’en connaître ses origines. On sait toutefois qu’elle se développe dans les climats tropicaux. La courge naturelle et son jus sont utilisés dans les pays d’Asie pour toutes sortes de choses, du traitement des affections respiratoires à l’exfoliation de la peau.

    Les colons ont apporté cette plante en Amérique du Nord, où elle est devenue l’une des premières cultures domestiquées dans les colonies. Jusqu’à la fin du 19e siècle, les bains n’étaient pas monnaie courante aux États-Unis. Les éponges servaient donc principalement à frotter les théières. Une fois que les médecins ont déclaré que les « bains avec friction » éliminaient les poisons de la peau et la rendaient éclatante, les femmes américaines ont commencé à s’intéresser à ce gommage efficace. En 1893, le journaliste Nell Cusack a écrit que l’enthousiasme des femmes pour l’éponge rendait leur visage « rouge écrevisse ».

    La marine américaine s’est plus tard servie des éponges naturelles pour filtrer l’huile des moteurs de bateau lors de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, l'usage de l'éponge naturelle qui subsiste le plus aujourd'hui est tout simplement celui d'éponge.

    L’éponge naturelle, cette cucurbitacée qui pousse à l’état sauvage depuis des milliers d’années, a toujours été utilisée à de nombreuses fins, notamment comme filtre à huile ou éponge pour le bain. 

    PHOTOGRAPHIE DE ADENILSON BUZINARO PEREZ, iStock, Getty

     

    LE DÉODORANT : RETOUR AUX SOURCES

    L’origine du déodorant est anecdotique : la reine Élisabeth Ire, qui n’avait pas beaucoup d’autres options, tentait de bannir les mauvaises odeurs en portant un diffuseur rempli d’aromates.

    Les premiers brevets de déodorants ont été déposés dans les années 1860, mais les odeurs corporelles ont toujours été un problème. Depuis le début de l’Histoire de l’humanité, nous avons cherché des moyens de bannir les mauvaises odeurs et de les remplacer par d’autres, plus agréables. Les solutions les plus courantes résidaient dans les bains, généralement peu fréquents, et les parfums forts. Les Égyptiens, Grecs et Romains se lavaient tous avec des huiles parfumées et retiraient les poils des parties du corps sujettes à la transpiration. En Asie, les peuples ont découvert que l’application de pierres de sels minéraux sous leurs bras aidait à contenir les mauvaises odeurs.

    À mesure que les bains quotidiens se sont installés dans notre ère moderne, les déodorants chimiques se sont répandus. Les versions en aérosols, dont Gilette et Right Guard étaient les pionniers, se sont popularisées dans les années 1960. Plus tard, l’intérêt pour ces formats a diminué, à cause de leurs dégâts environnementaux et sanitaires. De nombreuses personnes ont réadopté les déodorants naturels sous forme de pierres. Les pierres en alun de potassium et d’ammonium sont très solubles. Appliquées sous les bras, elles se dissolvent rapidement lors de la transpiration et laissent une couche de sel qui joue un rôle de barrière avec les bactéries responsables des odeurs.

    L’hygiène personnelle repose sur toute une gamme de produits, dont le déodorant en pierre que l’on voit ci-dessus. Appliqué sous les bras, il se dissout rapidement lors de la transpiration et laisse une couche de sel qui joue un rôle de barrière avec les bactéries responsables des odeurs.

    PHOTOGRAPHIE DE Punkbarby, Alamy

     

    LES GLACES À L’EAU : D’UNE SIMPLE ERREUR À LA FORTUNE

    Tout le monde aime les glaces à l’eau au goût de fruit, particulièrement lors d’une journée de chaleur étouffante.

    C’est d’ailleurs un enfant assoiffé, et apparemment distrait, qui a inventé ce qui allait devenir une sucrerie populaire pour les années à venir. L’histoire raconte qu’en 1905, Frank Epperson, alors âgé de 11 ans, a utilisé un mélange de poudre et d’eau pour faire une boisson sucrée. Il a ensuite laissé le verre contenant sa boisson, ainsi que le bâtonnet de bois utilisé pour mélanger, dehors, alors qu’une nuit froide s’annonçait en Californie.

    Le matin, il a retrouvé son mélange gelé dans le verre autour du bâtonnet. Il venait de créer la première sucrerie gelée sur un bâtonnet.

    Plus tard, il s’est orienté vers l’immobilier mais a conservé son idée de « sucette gelée ». Après avoir proposé sa sucrerie dans une fête foraine, qui a reçu un franc succès, il a déposé une demande de brevet pour « Eppsicle » en 1924. Plus tard, il a changé pour « Popsicle », d’après le nom que donnaient ses enfants à cette gourmandise glacée.

    En 1925, Epperson s’est associé à une entreprise pour distribuer ses Popsicles. Ayant besoin d’argent après le krach boursier de 1929, il a vendu ses droits de brevet. Aujourd’hui, c’est Unilever Corporation qui détient la marque Popsicle. Toutes sortes de magasins proposent désormais une variété de parfums, allant de la mandarine à la betterave en passant par l’avocat. Le Popsicle qui se vend le mieux reste toutefois celui à la cerise.

    Le Popsicle à deux bâtonnets a été inventé pendant la Grande Dépression, pour permettre à deux enfants de partager une friandise à cinq centimes. Sa commercialisation a été arrêtée en 1986.

    Ces sucreries gelées ont une origine surprenante. Il s’avère qu’en 1905, Frank Epperson, âgé de 11 ans, utilisait un mélange de poudre et d’eau pour préparer une boisson sucrée. Il a laissé le gobelet contenant la boisson et le bâtonnet en bois à l’extérieur par une nuit glaciale. Le mélange a gelé dans le gobelet autour du bâton, ce qui a donné naissance au célèbre Popsicle.

    PHOTOGRAPHIE DE FoodCentrale, Springlane, Redux

    Ce texte a été extrait et adapté du volume 2 de l’ouvrage An Uncommon History of Common Things (L’histoire peu commune des choses communes). Ce livre de National Geographic explore les origines de centaines d'objets que nous utilisons tous les jours, ainsi que les raisons de l’importante place qu’ils occupent désormais dans notre vie.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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