Archéologie : le mystère de l’Arche d’alliance, relique sacrée et objet de pouvoir

Sources traditionnelles et savants spéculent depuis longtemps sur l’emplacement de ce coffre sacré. Mais remonter sa piste s’avère plus compliqué qu’il n’y paraît.

De Javier Alonso López
Publication 30 déc. 2025, 09:09 CET
UN COFFRE SACRÉ Ce modèle de l’Arche d’alliance se fonde sur une description présente dans l’Exode : ...

UN COFFRE SACRÉ Ce modèle de l’Arche d’alliance se fonde sur une description présente dans l’Exode : un coffre en bois couvert d’or avec deux chérubins ailés qui aurait contenu les Dix Commandements, les Tables gravées données à Moïse par Yahvé sur le mont Sinaï.

PHOTOGRAPHIE DE World History Archive, Album

En l’an 70 de notre ère, après un siège brutal de plusieurs mois, les troupes romaines du général Titus prirent d’assaut Jérusalem pour réprimer une révolte juive contre le pouvoir impérial. La ville tomba et le Second Temple, cœur spirituel du judaïsme, fut pillé et brûlé. Des soldats romains confisquèrent ses trésors sacrés. Un artefact crucial en particulier manquait à l’appel : l’Arche d’alliance. L’historien juif Flavius Josèphe, témoin direct des événements, en fit le récit quelques années plus tard dans La Guerre des Juifs, ouvrage où sont détaillées la destruction du temple et la parade triomphale qui suivit dans Rome.

« Une table d’or, du poids de plusieurs talents, et un chandelier d’or du même travail […] [et] comme dernière pièce du butin, une copie de la loi des Juifs. » Parmi tous les trésors, il n’est pas fait mention de l’Arche, censée abriter les Tables de la Loi. L’Arche n’avait pas été détruite lors du siège. Elle s’était volatilisée quelques siècles auparavant.

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L’Arche permet aux Hébreux fuyant l’Égypte de traverser le Jourdain à sec. Cet épisode biblique est représenté sur cette peinture à l’huile de Juan Montero de Rojas, musée du Prado, vers 1667.

PHOTOGRAPHIE DE Album

 

LES ORIGINES DE L’ARCHE

L’histoire de l’Arche est difficile à établir avec précision, notamment parce que les sources fournissent des récits différents. Certains universitaires ont avancé l’hypothèse qu’il ait pu exister plus d’une arche – peut-être construites à des moments différents, peut-être simultanément – laissant ouverte la question de savoir laquelle, s’il y en a une, fut l’originale. Le Tanakh (la Bible hébraïque) décrit en longueur les origines de l’Arche. Après leur fuite d’Égypte durant l’Exode, au 13e siècle av. J.-C., les Israélites s’installèrent dans le Sinaï, qui est décrit comme une région sauvage à la périphérie de l’Égypte. Ils y restèrent deux années lors desquelles ils reçurent la loi divine et des prescriptions pour leur avenir en tant que nation. Yahvé (Dieu) donna à Moïse les Tables de la Loi, sur lesquelles il avait inscrit ses Dix Commandements. Yahvé ordonna à Moïse de les conserver dans un coffre de bois et d’or qui devait présenter cinq caractéristiques principales. Le coffre devait être fait en bois d’acacia, devait mesurer 2,5 x 1,5 x 1,5 coudées (soit environ 114 x 69 x 69 centimètres) et être plaqué d’or à l’intérieur et à l’extérieur.

Quatre anneaux devaient être attachés au bas de chaque coin, dans lesquels on insérerait des barres de transport en bois d’acacia, elles aussi couvertes d’or. Enfin, les Israélites devaient y placer les Tables de la Loi, un pot de manne et la verge d’Aaron, le frère de Moïse, à laquelle on attribuait des pouvoirs miraculeux.

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    Moïse brise les premières Tables de la Loi après être descendu du mont Sinaï et avoir trouvé le peuple d’Israël en train de vénérer un veau d’or. Gravure de Gustave Doré, 1866.

    PHOTOGRAPHIE DE ANDRES COURT

    Les Israélites apportèrent à la construction de l’Arche des siècles d’exposition à la culture égyptienne. Sa forme est profondément imprégnée du style ritualiste de l’âge du bronze récent (1550-1200 av. J.-C. environ), notamment de celui des coffres naviformes utilisés lors des fêtes religieuses égyptiennes pour transporter les effigies des dieux. La construction de l’arche évoque également les châsses en bois couvertes d’or découvertes dans le tombeau de Toutankhamon. Les chérubins au sommet de l’Arche, des gardiens ailés, ressemblent de manière frappante à des personnages de l’art égyptien et proche-oriental. Sur le sarcophage en quartzite de Toutankhamon, des déesses aux ailes déployées sont par exemple sculptées à chaque coin, protégeant le pharaon dans la mort. Pourtant, l’inclusion de ces chérubins fait surgir une tension théologique : cela semble contredire le commandement qui dit « Tu ne te feras point d’idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre » (Exode 20:4) 

    Cette contradiction entre le commandement interdisant la fabrication d’images gravées et l’inclusion de chérubins au sommet de l’Arche d’alliance intrigue les chercheurs depuis longtemps. Pour résoudre cette énigme, de nombreux spécialistes de la Bible et théologiens ont insisté sur le contexte ainsi que sur la raison d’être de ces chérubins. Il ne s’agissait pas d’idoles destinées au culte, mais de gardiens symboliques de la présence divine, placés au sommet de l’Arche dans le sanctuaire le plus intérieur, soustrait au regard et à la compagnie des fidèles ordinaires. Leur rôle n’était pas figuratif mais théologique : ils encadraient le « propitiatoire », l’espace où la présence de Dieu était réputée demeurer. Les chérubins étaient institués par la volonté divine et relevaient davantage de l’art rituel que d’images interdites, ce qui souligne le caractère unique et encadré du culte israélite. L’Arche d’alliance prit une place centrale dans la vie religieuse israélite et durant leurs quarante années d’errance dans le désert après leur fuite d’Égypte, l’Arche les précédait toujours. Les Israélites croyaient que l’Arche et son précieux contenu avaient le pouvoir de les protéger et de punir leurs ennemis.

     

    LE VOYAGE

    Josué succéda à Moïse à sa mort et finit par conduire son peuple à Canaan, la Terre promise. Selon le Livre de Josué, lorsqu’ils atteignirent le Jourdain, celui-ci était en crue. Suivant l’ordre de Dieu, les sacrificateurs qui portaient l’Arche marchèrent sur l’eau, qui s’arrêta miraculeusement de couler, permettant ainsi aux Israélites de traverser à sec. Lorsque leur première épreuve militaire se présenta, la capture de la ville de Jéricho, leur marche autour de la cité, derrière l’Arche toujours, provoqua l’effondrement de ses murs. L’Arche dégageait une aura de puissance immense, dangereuse. On disait qu’en regarder l’intérieur ou la toucher pouvait entraîner la mort.

    Après plusieurs conquêtes, les Israélites finirent par s’établir à Canaan et firent de la ville de Silo leur centre religieux. Là, ils installèrent le Tabernacle (une tente portable) et placèrent le coffre sacré dans sa chambre la plus intérieure, son premier sanctuaire permanent. Mais lorsqu’ils affrontèrent les Philistins à Eben-Ezer en 1116 avant Jésus-Christ, les Israélites l’emportèrent avec eux sur le champ de bataille pour s’assurer sa protection. Mais ils perdirent la bataille et l’Arche elle-même. Les Philistins s’en emparèrent et la firent passer par les villes d’Ashdod, de Gath et d’Éqron, mais partout où elle passait, des fléaux s’abattaient. Convaincus qu’ils avaient courroucé le dieu israélite, les Philistins leur retournèrent l’Arche.

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    Reconstitution du Temple de Jérusalem à l’époque romaine. L’Arche d’alliance était censée s’y trouver, mais avait en fait disparu depuis bien longtemps.

    PHOTOGRAPHIE DE Getty Images

    Plus tard, le roi David (r. 1000-962 av. J.-C.), deuxième roi de l’Israël unifié, fit transporter l’Arche dans sa nouvelle capitale, Jérusalem, où on l’hébergea également dans un sanctuaire sous tente. Son fils, Salomon, lui offrit enfin une demeure permanente, le temple du mont Moriah. Là, dans le Saint des Saints, le coffre sacré reposa, soustrait aux regards, accessible une fois l’an, et seulement au grand prêtre.

     

    LA LOCALISATION DE L’ARCHE

    Les livres des Chroniques font allusion à la présence probable de l’Arche dans le temple à l’époque du roi Josias de Judée, qui vécut durant la seconde moitié du septième siècle avant notre ère : « Il dit aux Lévites qui enseignaient tout Israël et qui étaient consacrés à l’Éternel : Placez l’arche sainte dans la maison qu’a bâtie Salomon, fils de David, roi d’Israël ; vous n’avez plus qu’à la porter sur l’épaule. » (2 Chroniques 35:3). Le passage ne donne pas la localisation de l’Arche avant que ne soit donné l’ordre de la placer dans le temple.

    Des sources non bibliques parlent de la conquête de Jérusalem et de la destruction du Temple par Nabuchodonosor II de Babylone en 585 avant notre ère, mais ne font nulle mention d’une découverte de l’Arche par lui. Le coffre sacré est tout aussi absent des récits de la destruction du Temple par Titus six siècles plus tard. La Bible ne dit pas quand, ni comment, l’Arche disparut du Temple. Sur la base de sources bibliques et d’autres témoignages, certains spécialistes avancent que la disparition aurait eu lieu à un moment donné entre l’époque de Josias, à la fin du septième siècle avant notre ère, et 586 avant notre ère, date à laquelle les Babyloniens capturèrent Jérusalem.

    Diverses explications émergèrent quant au possible sort subi par l’objet. Plusieurs écrits non bibliques mais religieux évoquent le destin de l’Arche. Le Talmud, corpus fondamental de la loi civile et religieuse juive compilé entre les troisième et sixième siècles de notre ère, raconte que quelques années avant la destruction du Premier Temple par les Babyloniens, en 586 avant notre ère, le roi Josias aurait pressenti la menace et caché l’Arche. Selon cette version, celle-ci fut enterrée avec d’autres artefacts sacrés dans une chambre sous le Temple que Salomon avait prévue à cet effet plusieurs siècles auparavant.

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    Ce relief du palais du roi Sennachérib, à Ninive, montre la conquête de Lachish par les Assyriens en 701 av. J.-C. La ville, située à 40 km au sud-ouest de Jérusalem, serait de nouveau détruite en 586 av. J.-C., cette fois-ci par les Babyloniens.

    PHOTOGRAPHIE DE ACI

    Des récits supplémentaires figurent dans les Apocryphes, des textes chrétiens non bibliques. Un texte apocryphe inspiré du Livre d’Esdras décrit des scènes de dévastation alors que les forces du roi Nabuchodonosor détruisaient le Temple. Parmi les horreurs rapportées, le texte affirme que si les Babyloniens emportèrent l’Arche. Si cela est avéré, cela signifierait que le coffre aurait été emporté à Babylone ; toutefois, aucune source ancienne ne confirme ce récit.

    Un autre se concentre sur un prophète du début du sixième siècle avant notre ère : Jérémie. Selon le deuxième Livre des Maccabées, un texte reconnu comme partie intégrante du canon biblique par certaines confessions chrétiennes, mais pas par d’autres, Jérémie reçut une révélation divine l’avertissant de la chute de Jérusalem : « Le prophète, sur un ordre reçu de Dieu, fit transporter avec lui le tabernacle et l’arche, et [il] se rendit ainsi à la montagne que gravit Moïse et d’où il contempla l’héritage de Dieu. » Les spécialistes estiment que la montagne évoquée est le mont Nébo, en actuelle Jordanie, des hauteurs duquel Moïse aurait aperçu la Terre promise avant sa mort. Là, Jérémie aurait caché les objets sacrés dans une grotte et scellé l’entrée. Selon cette légende, aucune des personnes qui l’accompagnèrent ne parvint ensuite à en retrouver l’emplacement.

     

    LES PILLARDS

    Les spécialistes ont parfois spéculé quant au sort de l’Arche dans les textes bibliques et religieux où aucune allusion explicite n’est faite au coffre sacré. Dans le premier Livre des Rois, au chapitre 14, on peut lire : « La cinquième année du règne de Roboam, Shishaq, roi d’Égypte, monta contre Jérusalem. Il s’empara des trésors de la maison du Seigneur et des trésors de la maison du roi ; il s’empara de tout. » La plupart des chercheurs identifient ce Shishaq au pharaon Sheshonq Ier, fondateur de la 22e dynastie qui, vers 935 avant notre ère, entreprit une campagne militaire en Palestine.

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    Jérémie, figuré sur une mosaïque de la basilique Saint-Marc de Venise prophétisa la disparition de l’Arche d’alliance.

    PHOTOGRAPHIE DE Scala, Florence

    Si Sheshonq Ier attaqua bel et bien Jérusalem et emporta comme il est dit « les trésors de la maison du Seigneur », alors l’Arche faisait peut-être partie du butin. Cependant, dans ce texte, Jérusalem n’est pas incluse dans la liste des villes soumises au cours de la campagne. Toutes les cités conquises qui y sont mentionnées sont en fait situées dans le désert du Néguev, région du sud du royaume de Juda, proche de l’Égypte mais éloignée de Jérusalem.

    Il n’est pas fait mention d’un objet ressemblant à l’Arche dans les sources égyptiennes. On pourrait avancer que pour les Égyptiens, le coffre sacré n’était rien de plus qu’une boîte en bois couverte d’or et qu’habitués à voir des objets bien plus somptueux, ils n’y firent pas beaucoup attention. Il s’agit bien entendu de la théorie explorée dans Les Aventuriers de l’arche perdue de Steven Spielberg, une aventure du chasseur de trésors et professeur d’archéologie Indiana Jones. 

    Dans le film, l’Arche est censée se trouver à Tanis, ville du delta du Nil, dans un lieu connu sous le nom de « Puits des Âmes », où elle aurait été cachée par Shishaq. Il est probable que le pharaon ait effectivement été enterré dans la nécropole royale de Tanis, bien que sa tombe n’ait jamais été découverte ; et si elle l’avait été, on se serait probablement aperçu qu’on l’avait pillée voilà déjà plusieurs siècles.

    Des chasseurs d’Arche ont découvert dans la Bible d’autres passages qui pourraient faire allusion à l’Arche d’alliance sans la nommer explicitement. Un tel passage remonte à l’époque précédant la destruction du Premier Temple de Salomon. 

    Durant le règne du roi « impie » Manassé, au septième siècle avant notre ère, Juda était de nouveau en proie aux agressions assyriennes. Dans la Bible, le deuxième Livre des Chroniques raconte la capture de Manassé et son transfert à Babylone, un crochet au nez, maintenu par des chaînes de bronze. Bien qu’on ait fini par le libérer, il revint à Jérusalem vassal, sujet de l’Empire assyrien. Il aurait donc été tenu de payer un tribut, de faire des offrandes régulières, au roi assyrien. La Bible dépeint Manassé comme un souverain ayant désacralisé le Temple et s’étant détourné de Yahvé. Cela a conduit certains à avancer que l’Arche couverte d’or pourrait avoir été offerte comme tribut. Une autre théorie est que les grands prêtres retirèrent l’Arche du Temple de sorte que Manassé ne puisse pas la faire fondre.

     

    MYSTÈRE SUR LA MONTAGNE

    Il existe des hypothèses contemporaines concernant la localisation de l’Arche d’alliance. L’une des théories les plus respectées fut proposée par Leen Ritmeyer, archéologue néerlandais et spécialiste du mont du Temple. En 1996, il publia un article affirmant qu’il croyait que le Saint des Saints se trouvait dans le Premier Temple et qu’il était possible que l’Arche s’y trouve encore. Le Saint des Saints n’était visité qu’une fois par an par le grand prêtre et était donc effectivement soustrait aux regards. Cela pourrait expliquer pourquoi il n’est fait aucune référence à l’Arche dans la littérature juive ultérieure. 

    Le dôme du Rocher, duquel le prophète Mohammed serait monté au ciel, se trouve sur le ...

    Le dôme du Rocher, duquel le prophète Mohammed serait monté au ciel, se trouve sur le mont du Temple, à Jérusalem.

    PHOTOGRAPHIE DE NICK BRUNDLE PHOTOGRAPHY, Getty Images

    Leen Ritmeyer avance que le Saint des Saints gît sous une dépression rectangulaire dans le sol du dôme du Rocher, qui se trouve sur le mont du Temple. Le dôme du Rocher fait partie du complexe de la mosquée Al-Aqsa, vénéré par les musulmans. La théorie selon laquelle l’Arche se trouverait encore sous le dôme du Rocher est partagée par certains juifs orthodoxes et conservateurs qui militent pour la construction d’un troisième temple à l’emplacement des deux précédents. En raison du caractère central du site dans le judaïsme et dans l’islam, le mont du Temple est un point de tension régional majeur.

    Pour l’instant, l’Arche demeure une énigme, son destin obscurci par des strates historiques, théologiques et politiques. Chaque nouvelle théorie, chaque nouvelle spéculation, continue de captiver l’imagination des croyants autant que des non-croyants.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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