Ces femmes ont risqué leur vie pour devenir les premières aviatrices de l'Histoire

« Une femme qui s’épanouit dans le ciel n’aura plus jamais sa vie dictée par le temps libre d’un homme. »

De Rachel Hartigan
Publication 13 mars 2023, 15:09 CET
Au Smith College Flying Club, fondé en 1934, les apprenties pilotes suivaient des cours abordant chaque aspect de l’entretien d’un ...

Au Smith College Flying Club, fondé en 1934, les apprenties pilotes suivaient des cours abordant chaque aspect de l’entretien d’un avion, les instructions de vol ou encore la tenue du carnet de vol.

PHOTOGRAPHIE DE George Woodruff, Bettmann Archive, Getty Image

L’histoire des premières aviatrices est marquée par une bravoure étonnante et des vies fauchées trop tôt.

Le 8 mars 1910, il y a 113 ans, l’ancienne actrice de théâtre Raymonde de Laroche est devenue la première femme à obtenir sa licence d’aviatrice au monde. Neuf ans plus tard, elle est morte dans le crash d’un avion expérimental qu’elle pilotait.

La journaliste de renom Harriet Quimby est devenue la première Américaine à obtenir sa licence de pilote en 1911. Elle est morte un an plus tard, lorsque son nouvel avion s’est écrasé dans le port de Boston.

La combinaison sur mesure en satin violet d’Harriet Quimby alliait féminité et praticité.

PHOTOGRAPHIE DE Theodore Marceau, Alpha Stock, Alamy

Après avoir été obligée de quitter les États-Unis et de se rendre en France pour apprendre à piloter des avions, Bessie Coleman est devenue en 1921 la première aviatrice noire. Elle a perdu la vie cinq ans plus tard, dans le crash de son avion après qu’une clé à molette a glissé dans les commandes de l’appareil, les bloquant.

Voler n’était pas sans risques au début de l’aviation. Selon l’historienne Eileen Lebow, aujourd’hui décédée, les aéronefs étaient « des engins fragiles fabriqués avec du bambou, du fil de fer et du tissu ». Il n’y avait pas de ceinture ni même de toit pour retenir le pilote si l’avion venait à se retourner. Cela n’a cependant pas empêché des femmes comme Raymonde de Laroche, Harriet Quimby ou encore Bessie Coleman de risquer leur vie pour la liberté promise par ces vols.

Bessie Coleman, the first Black woman flier, learned French so she could take flying lessons in Europe after no one would teach her in the United States.

PHOTOGRAPHIE DE George Rinhart, Corbis, Getty Images

« L’aviation était une nouvelle profession apparemment libérée des attentes liées au genre et au sexe qui limitaient l’accès des femmes à d’autres postes » a déclaré en 2022 l’historienne Susan Ware lors d’une conférence sur Amelia Earhart et l'histoire de l'aviation au National Air and Space Museum (musée national de l’air et de l’espace). « Les femmes accédaient à cette profession au début ».

C’était, pour la plupart des pilotes, l’occasion de vivre des émotions enivrantes, mais aussi d’être appréciées individuellement. « Ces femmes voulaient être jugées en tant qu’êtres humains et non comme femmes », a ajouté Susan Ware.

Bessie Coleman considérait l’aviation comme un moyen d’atteindre l’égalité raciale et l’égalité des sexes. « Je savais qu’il n’y avait aucun aviateur ou aviatrice de couleur noire et qu’il était très important que nous soyons représentés », avait-elle confié peu après son retour aux États-Unis en 1921. « Il était de mon devoir de risquer ma vie en apprenant à piloter et d’encourager les hommes et femmes noirs laissés pour compte à voler ». Elle avait pour projet d’ouvrir une école d’aviation pour les Afro-Américains lorsqu’elle est morte.

Les premières aviatrices s’imaginaient pour beaucoup qu’elles gagneraient en indépendance si elles faisaient leurs preuves dans ce domaine. Une journaliste et pilote amatrice a ainsi écrit en 1930 : « Une femme qui s’épanouit dans le ciel n’aura plus jamais sa vie dictée par le temps libre d’un homme ».

Surnommée la « femme-oiseau » par la presse française, Raymonde de Laroche est devenue la première femme à obtenir sa licence de pilote le 8 mars 1910. Elle qui a voulu s’engager dans l’armée de l’air française pendant la Première Guerre mondiale, s’est heurtée au refus de l’administration en raison de son genre.

PHOTOGRAPHIE DE Chris Hellier, Corbis via Getty Images

Cette indépendance devait en partie provenir de la facilité avec laquelle l’aviation permettrait de voyager. Bon nombre de personnes, dont Amelia Earhart, pensaient que les familles finiraient par posséder des avions comme elles possédaient déjà des vélos ou des voitures.

D’autres femmes étaient séduites par l’idée d’indépendance financière promise par le secteur. Neta Snook, qui a effectué son premier vol en solitaire dans un aéronef qu’elle avait reconstruit, a gagné sa vie en proposant ses services pour la publicité aérienne, en réalisant des essais de vol avec des aéronefs expérimentaux, en proposant des sorties en avion et en enseignant le pilotage à des aviateurs novices, dont Amelia Earhart. Elle a quitté le monde de l’aviation alors qu’elle était âgée d’une vingtaine d’années après être tombée enceinte. Gladys Roy, quant à elle, a gagné sa vie en tant que cascadeuse de cirque volant. Elle a ainsi dansé le Charleston et joué au tennis sur les ailes d’avions en plein vol lors de shows aériens sous le regard émerveillé des spectateurs. Elle est décédée à l’âge de 25 ans, après avoir accidentellement percuté l’hélice en rotation d’un avion.

Gauche: Supérieur:

L’aviatrice casse-cou Gladys Roy s’entraîne pour ses numéros d’acrobatie en vol en se balançant sur le toit d’un immeuble de Los Angeles.

PHOTOGRAPHIE DE Topical Press Agency, Getty Images
Droite: Fond:

Gladys Roy a affronté Ivan Unger au tennis sur un avion en vol lors d’une cascade réalisée en 1925.

PHOTOGRAPHIE DE Apic, Getty Images

Les sœurs Katherine et Marjorie Stinson ont, quant à elles, vu à plus long terme. Avec leur mère et leur frère, elles ont fondé une école de pilotage basée au Texas, où se sont notamment entraînés les pilotes canadiens à l’approche de la Première Guerre mondiale. Lorsque les États-Unis sont entrés en guerre, tous les établissements d’aviation civile du pays, y compris l’école de vol Stinson, ont été fermés. Katherine est partie pour l’Europe où elle a servi comme ambulancière tandis que Marjorie est devenue rapporteuse aéronautique pour la Navy.

La guerre et le développement de l’aviation commerciale ont eu raison des espoirs d’égalité hommes-femmes dans le secteur. Alors que des aviatrices chevronnées comme Raymonde De Laroche et Katherine Stinson voulaient s’engager pour servir dans l’armée de l’air naissante de leur pays respectif lors de la Grande Guerre, elles ont été écartées, l’administration militaire préférant entraîner des hommes sans expérience. Il en a été de même lors de la Seconde Guerre mondiale, bien que les aviatrices du Women Airforce Service Pilots (Service de pilotes féminines de l’armée de l’air, ou WASP) aient transporté des avions militaires américains en tant que pilotes civiles pendant le conflit. Les régiments de combat aérien de l’Union soviétique comptaient eux trois femmes dans leurs rangs.

Dans des conditions de vol simulées, les aviatrices du Women Airforce Service Pilots (WASP) apprennent à manipuler de l’équipement à haute altitude dans une salle pressurisée de la base Randolph de l’armée de l’air américaine située à San Antonio, au Texas. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les femmes du WASP ont servi en tant que pilotes de transport civil pour l’armée américaine.

PHOTOGRAPHIE DE PhotoQuest, Getty Images

Le rêve de chaque famille de posséder un avion privé ne s’est jamais réalisé, notamment en raison du coût trop élevé des infrastructures nécessaires. En lieu et place, c’est l’aviation commerciale qui s’est développée, recrutant des hommes pour la plupart formés comme pilotes par l’armée. Comme l’a fait remarquer Amelia Earhart, si les femmes « avaient reçu la même formation et bénéficié des mêmes équipements que les hommes, [elles auraient] certainement fait aussi bien ».

Devenue la première femme pilote de ligne en 1934, Helen Richey a par la suite été contrainte de quitter son poste. Sous la pression d’un syndicat de pilotes exclusivement masculins, le département du Commerce des États-Unis avait décrété que les femmes n’étaient pas autorisées à emprunter certains itinéraires par mauvais temps (il avait précédemment envisagé « d’empêcher les pilotes féminines de voler neuf jours par mois, pendant leur menstruation », a rapporté Susan Ware).

Il faudra attendre 1973 et le recrutement d’Emily Howell Warner par la compagnie aérienne américaine Frontier pour qu’une autre femme accède à un poste de pilote de ligne.

Sur ce cliché pris en 1934, Helen Richey serre la main de W.W. Howes, directeur général adjoint de la Poste américaine, avant de réaliser le premier vol effectué par une femme pour les services postaux aériens.

PHOTOGRAPHIE DE Bettmann, Getty Images

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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