Le corset, une mode victorienne qui contraint toujours le corps des femmes

Retour sur notre obsession pour les tailles fines, des corsets victoriens aux Kardashian.

De Emily Alford
Publication 8 oct. 2025, 09:02 CEST
Ce corset a été fabriqué vers 1851 par Madame Roxy Caplin avec des baleines minimales et ...

Ce corset a été fabriqué vers 1851 par Madame Roxy Caplin avec des baleines minimales et flexibles pour obtenir des courbes à la mode. Il promet à celle que le portera un tour de taille de 48 centimètres seulement. On appelait « tight-lacers » les femmes qui, sous l’ère victorienne, avaient des tailles de 68 à 73 centimètres, ce qui ne manquait pas de susciter la controverse.

PHOTOGRAPHIE DE LONDON MUSEUM, Heritage Images, SCIENCE PHOTO LIBRARY

En 2014, dans un épisode de RuPaul’s Drag Race, la juge Michelle Visage mesurait du regard la robe à paillettes sans bretelles d’Adore Delano. « T’es serrée à la taille ? », demande la juge, manifestement mécontente, remarquant la laxité du corsage de sa tenue. La caméra se déporte alors vers la taille fine et au naturel d’Adore Delano. « Non, répond la candidate, je suis gaulée comme un pourceau [hog body en version originale] », dit-elle en se référant à sa silhouette naturelle, loin des proportions exagérées qu’un corset produirait. L’expression est aussitôt devenue un incontournable du vocabulaire de Drag Race signifiant l’inverse du mot snatched, autre terme populaire dans l’émission, issu de la culture des ballrooms des années 1980 et 1990, qui désigne une silhouette impeccable, régulière et en huit. Dans les premières saisons de l’émission, les juges manifestaient peu d’enthousiasme vis-à-vis des tailles laissées au naturel et des queens qui évitaient le rembourrage au niveau des hanches.

Depuis que Drag Race a popularisé le terme snatched, le concept a suivi son propre chemin. En Amérique du Nord, le marché des vêtements gainants est en plein essor, avec des ventes qui devraient dépasser les 11 milliards d’euros en 2033. Dans la seconde moitié des années 2000, des célébrités comme Kim Kardashian ont ravivé la popularité de la robe bandage d’Hervé Léger. Au début des années 2010, l’ère du bodycon battait son plein et a créé une demande en sous-vêtements ajustés et galbants susceptibles de créer l’illusion d’une taille de guêpe. Mais même lorsque les robes moulantes sont passées de mode, l’intérêt pour les vêtements gainants est demeuré. En 2019, Kim Kardashian a lancé sa propre ligne de vêtements gainants, SKIMS, aujourd’hui valorisée à près de 3,5 milliards d’euros. Récemment, la mode de la compression a migré de la taille vers le visage avec des produits comme le « jaw bra » de SKIMS (littéralement le « soutien-gorge de mâchoire ») qui promettent de sculpter le corps de la tête aux pieds, même si les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous.

Le terme « snatched » trouve son origine dans la culture des ballrooms des années 1980 et 1990. ...

Le terme « snatched » trouve son origine dans la culture des ballrooms des années 1980 et 1990. Ici, un membre de la communauté hongroise de ballroom se produit à l’occasion d’un événement inaugurant le mois des fiertés à Budapest, en Hongrie, le 7 juin 2025.

PHOTOGRAPHIE DE Marton Monus, Reuters, Redux

Mais notre obsession culturelle pour le modelage du corps date de plusieurs siècles. Le fait de garder un visage et un corps fermes par le biais de moyens socialement acceptables, comme l’exercice physique, les sous-vêtements de maintien, voire la chirurgie esthétique lorsqu’elle est discrète et de bon goût, est depuis longtemps un symbole à la fois de respect de soi et de respectabilité. L’idée qu’une femme bien élevée doive modifier son corps au moyen d’un corset remonte au 16e siècle, époque à laquelle il était de coutume, pour les femmes et les filles de l’aristocratie, comme Catherine de Médicis ou encore Élisabeth Ire, de porter des corps à baleines ou « bodies ». Dans toute l’Europe et dans les Amériques, les corsets remplissaient maintes fonctions. Il existait des corsets pour corriger la posture des enfants, des corsets pour maintenir le corps lors de travaux physiques, des corsets modifiés pour les femmes enceintes ou allaitantes, et même des corsets pour les militaires et les dandys du début du 19e siècle. En 1745, un Suisse s’étant rendu en Angleterre remarqua que même à la campagne « tout le monde portait le corset ». En effet, en Angleterre notamment, un corset lâche était vu comme le signe de mœurs relâchées.

Comme l’observe Valerie Steele dans son livre The Corset: A Cultural History, les corsets étaient symboles de « statut social, de discipline personnelle, de sens artistique, de respectabilité, de beauté, de jeunesse et d’attrait érotique ». Pour les femmes de la haute société, il était crucial d’afficher ses traits pour montrer son rang. Pour les femmes des classes populaires, l’imitation des élites devenait un moyen de tenter d’accéder à la mobilité sociale, que ce soit par le mariage ou par l’emploi.

Même lorsque les corsets passèrent de mode dans les années 1920, le fait d’avoir une présentation soignée, ciselée, snatched donc, a conservé son importance. Pour y parvenir, on surveillait son alimentation, on faisait de l’exercice et l’on recourait à d’autres techniques de modelage du corps, comme les vêtements gainants ou la chirurgie esthétique. Mais si ces standards ont longtemps été socialement imposés, on jugeait toutefois artificielles, dangereuses et ostentatoires les modifications excessives du corps, par exemple par un laçage trop serré ; sans parler des procédures modernes telles que la liposuccion, les liftings ou les injections. L’histoire du snatching est à double tranchant : d’un côté, celles qui ne portaient pas de corset étaient vues comme débauchées et négligées, et de l’autre, celles dont le corset était trop serré – qui modifiaient leur corps de manière trop manifeste – étaient vues comme superficielles et vaniteuses.

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    Publicité de 1907 pour un corset flexible n’étant fait ni d’os, ni d’acier.
    Gauche: Supérieur:

    Les femmes pratiquant le laçage extrême de leurs corsets firent l’objet de gravures satiriques et de textes moralisateurs. À la fin des années 1820, William Heath réalisa des satires mémorables en réaction à des modes exagérées. Ici, il figure une jeune femme dont la silhouette distincte repose sur une taille fortement corsetée et une jupe évasée ourlée de manière suffisamment courte pour révéler des pieds chaussés de simples rubans.

    ILLUSTRATION DE William Heath - Paul Pry, The Metropolitan Museum of Art
    Droite: Fond:

    Publicité de 1907 pour un corset flexible n’étant fait ni d’os, ni d’acier.

    PHOTOGRAPHIE DE Nawrocki, ClassicStock, Getty Images

     

    LES « FEMMES RIDICULES » QUI SERRAIENT TROP LEUR CORSET

    L’image la plus durable que nous ayons de la corseterie est celle de la taille de guêpe corsetée à l’extrême, source de nombreuses controverses. Selon Rebecca Gibson, maîtresse de conférences en anthropologie à l’Université du Commonwealth de Virginie et autrice de The Corseted Skeleton: A Bioarcheology of Binding, l’indignation et l’affolement du public autour du corsetage excessif était un phénomène victorien et ciblait les personnes, la plupart du temps des femmes (parfois des hommes), qui poussaient « trop loin » la pratique courante de la modification corporelle par la corseterie. Tandis qu’un corset standard pouvait réduire la taille de 2,5 à 5 centimètres, ce qui avait pour effet de réduire le tour de taille naturel au fil du temps, un processus que Rebecca Gibson compare au port d’appareils dentaires ; le laçage extrême contraignait les tailles à prendre des dimensions on ne peut moins naturelles. Des critiques dénonçaient ces tailles de guêpe artificielles et affirmaient en avoir vu certaines mesurant à peine 38 à 41 centimètres. Dès 1848, un numéro de l’hebdomadaire The Family Herald, mettait en garde : « Les femmes devraient avoir un tour de taille de 69 à 74 centimètres […], des milliers se corsètent jusqu’à atteindre 53 centimètres, et certaines moins de cinquante. »

    Dans la seconde moitié du 19e siècle, les adeptes du corsetage extrême furent les « bad girls » de leur époque. On les voyait alors soit comme des écervelées prêtes à mutiler leurs corps pour suivre la mode, soit comme des femmes dangereuses resserrant leur taille pour le plaisir sexuel, ou bien les deux à la fois. Valerie Steele écrit que « la littérature anti-corsets était semblable de par son ton et son argumentation aux diatribes sur les effets terribles de la masturbation et de la boisson ». L’indignation contre les femmes qui pratiquaient le corsetage extrême provenait de tous les côtés : des auteurs conservateurs effrayés par les personnes exprimant leur agentivité sexuelle à travers leurs vêtements autant que des réformatrices vestimentaires féministes exigeant des tenues plus égalitaires pour les femmes.

    Exemple somptueux d’une robe à la française ou saque. Une saque se portait toujours sur un ...

    Exemple somptueux d’une robe à la française ou saque. Une saque se portait toujours sur un corset. Petit à petit, ce style a évolué pour s’ajuster davantage à la taille, pour finir par ne conserver que les plis à l’arrière.

    PHOTOGRAPHIE DE The Metropolitan Museum of Art

    De 1867 à 1874, The Englishwoman’s Domestic Magazine publia plus de 150 lettres sur le sujet du corsetage extrême, à la fois en défense et en opposition à cette pratique. Selon Valerie Steele, bon nombre de ces lettres étaient en fait de la pornographie à peine voilée, avec des auteurs anonymes décrivant des rencontres sadomasochistes dans des écoles de laçage. Les rédactrices de ces lettres, qui affirmaient dans leur vaste majorité être des adolescentes, décrivaient comment on les avait envoyées dans des écoles de laçage à Londres, Paris ou encore Vienne en guise de punition pour avoir été trop turbulentes. Sur place, elles affirmaient avoir été corsetées de force par des directeurs et des maîtresses. Bien que ces écoles aient, selon les historiens, été purement fictives, les lettres de ce type circulaient largement dans les périodiques respectables de l’époque, prétendument lus par des lectrices elles-mêmes corsetées. La fascination pour le corsetage extrême et sa fétichisation soulignent la manière dont la modification excessive du corps pouvait à la fois être une source de divertissement et une limite de ce qui était acceptable culturellement.

    Certaines femmes acquirent une grande renommée pour leur tour de taille délibérément exagéré. Polaire, artiste de cabaret française et l’une des premières stars du cinéma, devint un phénomène international, notamment en raison de sa taille de guêpe. À l’apogée de sa carrière, à la fin du 19e siècle, elle se corsetait tant que sa taille atteignait tout juste 40 centimètres et il n’était pas rare qu’on la présente comme une sorte de curiosité pour attirer les foules. Mais même si le laçage extrême était une « pratique associée aux classes populaires », ainsi que l’écrit David Kunzel dans Fashion and Fetishism, les photographes victoriens avaient régulièrement recours à des techniques de retouche et à des illusions d’optique pour donner aux modèles la taille de guêpe popularisée par Polaire. Dans un numéro de Photography Annual daté de 1865, le photographe S. Herbert Fry expliquait qu’il utilisait des techniques de retouche pour créer « la taille exagérée d’une dame dont le tour n’était que de 46 centimètres ».

    La taille de guêpe, et la peine que certaines se donnent pour l’atteindre, demeure à la fois une source de mépris et d’admiration. En 2019, lors du Met Gala, Kim Kardashian a fait les gros titres pour sa silhouette spectaculaire en forme de huit dans une robe Thierry Mugler couleur chair ornée de gouttes de cristal. Sa taille fine a suscité à la fois colère et envie sur les réseaux sociaux ; certains se sont même inquiétés qu’elle se soit fait retirer des côtes pour obtenir ce résultat. Mais sa taille ultra-modelée était due à un corset sur mesure réalisé par le célèbre corsetier Mr. Pearl (il a fallu trois personnes pour que Kim Kardashian puisse enfiler le corset et elle aurait même pris des « cours de respiration avec corset »).

    Une grande partie des réactions à sa tenue avaient un ton victorien. Plusieurs médias ont souligné son « anxiété » face au port du corset. « Kim Kardashian déplore la douleur causée par sa robe lors du Met Gala », titrait l’un d’eux. De même, en 1887, le critique beauté Henry T. Finck se plaignit du fait que « la seule satisfaction qu’une femme peut tirer d’une taille de guêpe est la jalousie d’autres femmes ridicules ». Les réformatrices vestimentaires de l’époque partageaient ce point de vue, plaidant pour l’abolition, ou du moins l’assouplissement, du port des corsets. Leur opposition faisait d’elles des alliées inattendues de prétendus hommes de science qui croyaient que les corsets éloignaient les femmes de leur état maternel « naturel » :

    « Cela n’est plus une métaphore de dire que [la femme] est dressed to kill [littéralement « habillée pour tuer », c’est-à-dire « tirée à quatre épingles »]. Votre père ou votre époux pourraient-ils vivre dans vos vêtements ? », écrivait en 1873 la critique de la féminité domestique Elizabeth Stuart Phelps. « Pourrait-il mener ses affaires et subvenir aux besoins de sa famille dans vos corsets ? »

    Bien qu’opposés sur la plupart des sujets ayant trait aux femmes, les partisans des rôles de genre traditionnels, comme le phrénologue américain O.S. Fowler, s’opposaient également au corset. « Cela pervertit le caractère féminin, détourne son charme pur en un amas d’apparences artificielles, physiquement et mentalement, laissant désolé le cœur de l’homme faute d’avoir une véritable femme à aimer et pour qui vivre ; il profane même le temple de la chasteté féminine », écrivait O.S. Fowler en 1870.

    Mais selon Rebecca Gibson, la plupart des critiques n’étaient pas aussi extrêmes dans leurs positions sur le corset que les réformatrices vestimentaires ou que ceux qui accusaient le corset de faire des femmes qui donnaient des formes artificielles à leur corps des menteuses. « Dans la société occidentale, nous aimons trouver des façons de punir les femmes pour des décisions qui sont influencées par la culture et presque inévitables si elles veulent conserver leur pouvoir et leur popularité au sein de leur propre milieu », explique Rebecca Gibson.

    Kim Kardashian au gala de bienfaisance du Centre du costume du Metropolitan Museum of Art (Met ...

    Kim Kardashian au gala de bienfaisance du Centre du costume du Metropolitan Museum of Art (Met Gala) à New York, le 6 mai 2024.

    PHOTOGRAPHIE DE Nina Westervelt, The New York Times, Redux

    Tout au long des 18e et 19e siècles, la littérature et l’art moquèrent les femmes aux corsages extrêmes. Une illustration de 1777 intitulée Tight-Lacing figure une femme âgée et laide tenant un montant de lit tandis qu’une servante lace son corset et prenant appui du pied contre sa tournure. Une autre illustration, publiée dans en 1879 dans le magazine pour hommes La Vie Parisienne et intitulée Considérations sur le Corset, montre une maîtresse de maison s’appuyant contre une cheminée, tandis que son époux, ses domestiques et même un chien tirent sur les lacets d’un côté, pendant qu’une armée de cupidons tire de l’autre côté. Une illustration de 1898 dépeint un mari et une bonne serrant le corset d’une femme à tel point que celle-ci se fend en deux. Ces caricatures laissaient entendre que les femmes qui pratiquaient le corsetage extrême ne le faisaient pas pour des raisons de respectabilité, mais plutôt pour obtenir l’approbation d’autres femmes ou, pis encore, pour attirer l’attention. Dans The Complete Beauty Book of 1906, Elizabeth Anstruther se remémore ainsi une jeune adepte du corsetage extrême qu’elle affirmait avoir aperçue dans un célèbre café :

    « La fille, dont la taille devait naturellement faire cinquante centimètres, avait réduit celle-ci à un tour qui paraissait ne pas en dépasser trente mais en faisait probablement quarante. L’effet était si grotesque que l’on riait de façon audible sur son passage. »

     

    DES CORSETS À LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE

    Les ourlets plus courts et les tailles plus amples des années 1920, conjugués aux progrès des matériaux utilisés pour les gaines et les sous-vêtements, entraînèrent le déclin du corset, du moins en ce qui concerne son port quotidien, mais le désir d’avoir une silhouette sculptée demeurait. La médecine se professionnalisant et la chirurgie esthétique devenant un domaine à part entière, la modification corporelle se transposa au bloc opératoire, les chirurgiens promettaient une apparence sculptée de la tête aux pieds.

    Au début du 20e siècle, les médecins vantaient les mérites de la cire de paraffine pour corriger l’affaissement de la cloison nasale, l’un des effets de la syphilis, une maladie courante jusque dans les années 1940, lorsque l’on a découvert que la pénicilline constituait un remède efficace. On injectait de la paraffine liquide dans le creux des nez atteints, donnant aux patients le même aspect repulpé que promettent aujourd’hui les injections de collagène. Bien qu’éphémères en tant que mode en raison de la tendance de la paraffine à migrer quand elle est exposée à la lumière du soleil, ces injections furent également vantées pour leur capacité à lisser les rides et ridules, ce qui éveilla l’intérêt du public. Après des progrès rapides et décisifs dans le traitement de l’apparence des visages mutilés pendant la Première Guerre mondiale, des médecins, américains notamment, rapportèrent ces innovations chez eux, et mirent au point les premières chirurgies esthétiques, bien souvent des rhinoplasties et des liftings. À mesure que se répandait cette nouvelle forme de modification corporelle, des voix critiques s’élevèrent pour dénoncer celles et ceux, mais surtout celles, qui allaient trop loin.

    « Je suis simplement folle de joie », confiait au New York Times en 1920 une Parisienne venue à New York pour un lifting bien qu’elle fût quelque peu inquiète pour son visage fraîchement retendu. « Je n’ose sourire, concède-t-elle. Cela ferait revenir les rides. » Le Times invoque aussi Hamlet, rappelant que la raison « méprise ceux qui, s’étant vu donner un visage par Dieu, s’en font un autre ».

    Tout au long du 20e siècle, les débats sur la moralité, les implications féministes et la portée culturelle de la chirurgie esthétique devaient faire passer les querelles de la fin de l’ère victorienne sur le corsetage extrême pour désuètes. Les premiers chirurgiens esthétiques avancèrent que les hommes blessés au combat auraient besoin de chirurgie pour trouver un emploi. Les artistes s’y intéressèrent vite également, espérant qu’une retouche physique leur faciliterait l’accès à certains rôles, notamment en ce qui concerne les actrices vieillissantes. Bientôt, des personnes de tous les horizons soutinrent qu’un visage plus jeune pouvait favoriser leur carrière ou leur mariage, bien que la stigmatisation entourant la chirurgie esthétique à visée rajeunissante perdure. À la fin des années 1990 et dans les années 2000, des célébrités soupçonnées d’avoir modifié leur visage par la chirurgie faisaient la Une des magazines. « Chirurgie esthétique : et alors ? » pouvait-on lire en 2004 sur une couverture du magazine Jane où figurait Meg Ryan.

    Madonna lors du Blonde Ambition Tour, en 1990, portait un corset exagéré fabriqué par Jean-Paul Gaultier.

    Madonna lors du Blonde Ambition Tour, en 1990, portait un corset exagéré fabriqué par Jean-Paul Gaultier.

    PHOTOGRAPHIE DE Gie Knaeps, Getty Images

    Et effectivement, cela ne laissait pas indifférent : plus les produits injectables et les produits de comblement devenaient abordables, plus l’idéal du visage sculpté gagna les classes moyennes. Selon la Société américaine des chirurgiens esthétiques, ses membres affiliés ont réalisé 25,4 millions de procédures cosmétiques « minimalement invasives » en 2023, un nombre en augmentation de 9 % par rapport à l’année précédente. Les stars de télé-réalité et les influenceuses sont devenus les « bad girls » des procédures cosmétiques en restructurant leurs visages aussi volontairement que leurs tailles et en prouvant par là-même que des empires valant des milliards de dollars pouvaient se bâtir sur des modifications corporelles.

    Comme l’observe Victoria Pitts dans In The Flesh, une histoire contemporaine des modifications corporelles, « les corps humains sont entièrement façonnés et transformés par les pratiques culturelles ». Cependant, quand elles sont subies par des femmes, ces procédures sont souvent vues comme des formes genrées d’automutilation jusqu’à ce qu’elles soient plus largement acceptées. Ce seuil semble avoir été atteint en ce qui concerne le visage saturé d’injections qui caractérise la période récente. Dans des vidéos virales, célébrités et influenceuses expliquent quels actes chirurgicaux elles ont subis, et n’ont pas subis, tandis que d’autres racontent avoir fait inverser des procédures chirurgicales.

    Michelle Visage elle-même, autrefois peu enthousiasmée par les candidats de Drag Race boudant le look « snatched », anime aujourd’hui une émission intitulée Botched Presents: Plastic Surgery Rewind, où les participants sont accompagnés dans le processus d’inversion de procédures passées. Le snatching a de nouveau changé de sens. L’heure n’est plus au canon de beauté complètement sanglé, mais aux silhouettes redessinées, plus naturelles en apparence. La promesse du « jaw bra » de SKIMS repose sur une approche justement plus naturelle du snatching : un remodelage chez soi en portant les mêmes vêtements de compression utilisés après un acte de chirurgie esthétique pour réduire les gonflements, mais sans la douleur et les coûts de l’acte lui-même.

    « Il y a quelques années, c’était “plus c’est gros, mieux c’est”. De plus grosses lèvres, de plus grosses fesses, de plus grosses poitrines », explique David Rosenberg, chirurgien esthétique chez Rosenberg Plastics, à Beverly Hills, en Californie. « Aujourd’hui, j’entends le mot “snatched” tout le temps. Les patientes veulent des seins plus petits et plus naturels, des lèvres plus douces et une silhouette plus harmonieuse. On ne donne plus dans le “Regardez-moi”, mais plutôt dans le “Elle a simplement l’air comme ça au réveil”. »

    Peut-être que ce nouveau look épuré et plus sculpté est une réaction au passé récent où les joues, les lèvres et les fesses généreuses étaient de rigueur. Rebecca Gibson observe que ces changements ont tendance à être cycliques, avec des vagues suivies de retours de bâton : « La mode elle-même suit généralement un cycle de dix ans. Vous avez un retour de bâton et ensuite un retour de bâton au retour de bâton. Je pense que nous sommes actuellement confrontés à une réaction aux dix dernières années. » Alors que les modifications corporelles culturellement acceptées reviennent à une beauté sans effort, seul l’avenir dira qui sera pointé du doigt pour être allé trop loin, soit par négligence désinvolte, soit par vanité tapageuse.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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