La cour de Louis XIV ou l’apogée de la perruque

À la cour du roi de France, les perruques géantes étaient l’accessoire indispensable. En raison de l’amour fou du roi pour les coiffures volumineuses, la tendance s’exporta dans toute l’Europe du 17e siècle.

De Barbara Rosillo
Publication 3 nov. 2023, 18:03 CET
Comme le roi Louis XIV (avec la perruque argentée) aimait avoir les cheveux longs et les porter ...

Comme le roi Louis XIV (avec la perruque argentée) aimait avoir les cheveux longs et les porter haut, ses courtisans suivirent le mouvement. Même les visiteurs, comme le prince électeur de Saxe (en rouge), portaient de grandes perruques, comme le montre cette peinture de 1715 réalisée par Louis de Silvestre.

PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

Louis XIV, célèbre pour son sens du style ostentatoire, portait des perruques aux longues mèches soyeuses, et les hommes de tout le continent, des rois aux roturiers, suivirent son exemple.

Les perruques existaient déjà depuis des millénaires en Europe et dans le bassin méditerranéen quand Louis XIV les remit au goût du jour. Certaines des plus anciennes perruques de l’histoire furent portées par l’élite de l’Égypte ancienne, dans la vie comme dans la mort. Les archéologues ont découvert des momies portant des perruques ainsi que des boîtes à perruques, et d’autres objets personnels dans certaines tombes.

En Grèce antique, les perruques étaient surtout utilisées au théâtre, par les comédiens. Certains Romains portaient des perruques pour suivre la mode ; les femmes riches préféraient les cheveux blonds importés d’Allemagne. Au Moyen Âge, l’Église dissuada les fidèles de porter des perruques, préconisant des coiffures plus simples pour les femmes comme pour les hommes.

L’attitude à l’égard des perruques changea radicalement sous le règne de la reine Élisabeth Ire d’Angleterre (1558-1603). La souveraine vieillissante dissimulait ses cheveux clairsemés à l’aide d’une collection de plus de 80 perruques rousses. En anglais, le terme archaïque « periwig », inspiré du français « perruque », fit l’une de ses premières apparitions écrites dans les années 1590, dans la première pièce de William Shakespeare, Les Deux Gentilshommes de Vérone.

Ces racines anglaises firent place à la domination française au milieu du 17e siècle, lorsque le roi de France, âgé de 23 ans, devint prématurément chauve en 1624. Avant de perdre ses cheveux, Louis XIII exhibait une longue et belle chevelure naturelle, signe de santé et de virilité. Avec le temps, l’amincissement des cheveux et la calvitie étaient devenus synonymes de maladie, peut-être parce que les personnes atteintes de la syphilis étaient « traitées » au mercure qui, en raison de sa toxicité, provoquait la chute des cheveux. Pour donner l’apparence de longues mèches, la coiffure du roi était constituée de trois larges pans de cheveux assemblés. Une fois adopté par Louis XIII, le port de la perruque se répandit dans l’élite de la cour en tant que symbole de statut social.

 

LE RENOUVEAU DES MÈCHES ET POSTICHES

Louis XIII est peut-être le souverain à l’origine de cette tendance, mais son successeur, Louis XIV, lui fit atteindre de nouveaux sommets. Le roi, âgé de quatre ans, succéda à son père en 1643, à l’époque où Madrid était la capitale européenne de la mode. Le goût prononcé des Espagnols pour les vêtements élégants, sombres et sévères s’imposait alors.

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    Louis XIV était extravagant de la tête aux pieds. Le roi popularisa les chaussures à talons rouges, comme cette reproduction de l'une de ses paires de talons. Dans la France du 17e siècle, la teinture rouge coûtait cher, c’est pourquoi son utilisation était synonyme d’opulence et de majesté.

    PHOTOGRAPHIE DE Album

    En grandissant, Louis XIV coiffait ses cheveux bruns en longues boucles ondulées. Avant que son crâne ne commençât à se dégarnir, le roi complétait sa chevelure naturelle avec des chutes de cheveux pour lui apporter plus de volume. Puis, comme son père, il commença à perdre ses cheveux et se mit à porter des perruques régulièrement pour dissimuler sa calvitie. À la trentaine, Louis XIV en eut assez des demi-mesures et se mit à porter une longue perruque aux boucles bien définies, créée spécialement par son coiffeur personnel, Benoît Binet.

    Le roi employait 48 perruquiers. Ces derniers firent montre d’innovation en nouant des mèches de cheveux qu’ils entrelaçaient en motifs complexes à l’aide de fils de soie, créant un effet de tresses en cascades. Les bandes tissées étaient ensuite cousues sur une coiffe en textile léger, adaptée à la tête de la personne qui la portait. La lourde perruque longue popularisée par Louis XIV était une création laborieuse qui nécessitait environ dix têtes de cheveux humains.

     

    UNE MODE CONTAGIEUSE

    La cour de Louis XIV commença à dominer la mode de l’élite européenne. La France devenait plus puissance sur les plans économique et militaire, éclipsant l’ancienne grande puissance européenne qu’était l’Espagne. Surnommé le Roi Soleil pour son style éblouissant, Louis XIV fit de la perruque un accessoire indispensable à la cour, pour les hommes comme pour les femmes. Il appliqua à bien d’autres domaines le même niveau d’exigence que celui qu’il imposait à ses perruquiers.

    Après son exil, Charles II, représenté sur un buste de 1684, revint en Angleterre habillé selon la mode française, notamment avec de grandes perruques.

    PHOTOGRAPHIE DE Age Fotostock

    Le goût de Louis XIV pour les perruques s’exporta bien au-delà des frontières françaises, atteignant les cours royales de toute l’Europe et devenant un élément de base de l’habit des nobles européens. Lorsque le roi Charles II remonta sur le trône d’Angleterre en 1660 après un long exil en France, il apporta avec lui la mode française, dont notamment de grandes perruques aux longues mèches. Charles aurait privilégié les perruques non pas pour cacher sa calvitie, mais pour dissimuler un autre signe du vieillissement : les cheveux gris. C’est à cette époque que le terme « bigwig » (gros bonnet) devint populaire en Angleterre, en raison de la consommation ostentatoire de la haute société. Les riches mécènes pouvaient débourser jusqu’à 800 shillings pour une perruque (en tenant compte de l’inflation, cela représenterait aujourd’hui près de 8 000 livres sterling, soit plus de 9 000 euros).

     

    UN ACCESSOIRE INCOMMODE

    Les perruques avaient beau être à la pointe de la mode, elles comportaient leur lot d’inconvénients pour leurs porteurs. Les hommes devaient apprendre à gérer leur impressionnante coiffure à la cour, par exemple en maintenant leur perruque lors d’une révérence pour éviter qu’elle ne tombe sur le visage. Ajoutons à cela que les perruques longues pouvaient être d’une chaleur étouffante et peser plus d’un kilo. Sans oublier qu'elles pouvaient facilement s’enflammer à cause des bougies utilisées pour éclairer les intérieurs.

    Les postiches furent également associées à de sinistres superstitions. Pendant la grande peste qui sévit à Londres en 1665 et 1666, la population craignait que les perruquiers n’utilisassent les cheveux des morts. En 1665, le diariste londonien Samuel Pepys hésita à porter une perruque « parce que la peste sévissait à Westminster quand [il l’avait] achetée ». Il décida finalement qu’assez de temps s’était écoulé depuis son achat pour qu’il pût la porter en toute sécurité.

     

    L'ÉCONOMIE DE LA PERRUQUE

    Une fois établies à la cour, les perruques devinrent de rigueur parmi les ordres professionnels de haut rang, tels que les juges, les prêtres, les financiers, les marchands, les commerçants, les artisans prestigieux, les domestiques respectés et les coiffeurs qui fabriquaient et entretenaient les perruques. 

    Des clients essaient des perruques dans un salon de coiffure sur cette gravure du 18e siècle de Thomas Rowlandson.

    PHOTOGRAPHIE DE Wellcome Collection

    Pour répondre à la demande croissante, le nombre de maîtres perruquiers fit un bond en France sous le règne de Louis XIV. À Paris, il passa de 200 en 1673 à 945 en 1771. En province, les compagnons perruquiers parcouraient également le pays, et bientôt les gens ordinaires se mirent à porter des perruques, à la consternation des classes supérieures.

    Au cœur de l’économie de la perruque se trouvait le cheveu lui-même. Les perruques les plus chères utilisaient des cheveux de femmes du fait de leur longueur et parce qu’on les croyait de meilleure qualité que ceux des hommes. Dans les foires, les marchands achetaient les cheveux des paysannes. Les cheveux blonds ou gris argenté, suivis des cheveux noirs, étaient souvent très demandés. Mais les plus précieux étaient les cheveux naturellement bouclés. En raison du grand nombre de perruques à fabriquer, les artisans français achetaient des cheveux en provenance de toute l’Europe. En Angleterre, des traités furent rédigés pour défendre les cheveux humains d’origine nationale, alors en concurrence non seulement avec les cheveux du reste de l’Europe, mais aussi avec le crin de cheval (provenant des crinières) ou le poil de chèvre pour les perruques les moins chères.

     

    LA FIN D’UNE ÈRE

    La mort de Louis XIV en 1715 marqua la fin de l’engouement pour les perruques imposantes. Lorsque Louis XV atteignit l’âge adulte, il privilégia des coiffures plus simples à sa cour. Les portraits du nouveau roi le représentent avec des cheveux poudrés : des boucles encadrent son visage, tandis que le reste de sa chevelure est tiré vers l’arrière en une queue de cheval basse.

    Les profonds changements sociaux survenus à la fin du 18e siècle mirent par la suite fin à la mode des perruques. Dans l’imaginaire populaire, elles furent associées aux excès de l’ancien régime français, notamment celles très imposantes de Marie-Antoinette et de la cour de Louis XVI, qui furent détrônés lors de la Révolution française. 

    À l’instar de Napoléon lui-même, les hommes du monde commencèrent à rejeter les perruques. Certaines professions continuèrent cependant à en autoriser l’usage. Si les aristocrates n’en portaient plus, leur personnel se l’était lui approprié. En Angleterre, les juges ont conservé la perruque comme symbole de leur rôle officiel. Cette coutume perdure encore aujourd’hui : dans les affaires pénales, les juges anglais portent des perruques dont les côtés sont plus courts et qui finissent à l’arrière en une queue de cheval.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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