2020, l'année qui nous a mis à l'épreuve
Un virus, le changement climatique et des manifestations ont secoué le monde.

Sur le front d'une crise mondiale. Istanbul, Turquie. Un employé municipal désinfecte une rue du quartier d’ordinaire touristique de Beyoğlu. Quand les villes se sont confinées, une grande partie de la population a pu rester chez elle. Mais des gens – considérés depuis peu comme étant essentiels – ont dû continuer à travailler. La Turquie a envoyé des bataillons de travailleurs en tenue de protection pour asperger les rues. Le gouvernement espérait contenir le virus et, peut-être, rassurer ses citoyens. L’Organisation mondiale de la santé a déclaré par la suite que la méthode était inefficace pour empêcher le coronavirus de se propager et que les désinfectants pouvaient être nocifs pour la santé.
L’anxiété des mères noires. Little Rock, Arkansas, États-Unis. Dans sa série photographique «Stranger Fruit», Jon Henry demande à des mères noires de poser avec leur fils (vivant) en s’inspirant de la pietà – représentation de la Vierge Marie éplorée tenant sur ses genoux le Christ mort. Son projet est une réponse à la violence policière envers la communauté noire et au souvenir de l’inquiétude
permanente de sa mère quand il était enfant. «Cela me rend très triste que des mères doivent réellement subir cela, dit une femme. Mon fils a pu se lever et se rhabiller. D’autres, non.» Cette famille se trouve devant Little Rock Central High School, un lycée où eut lieu un affrontement à propos de l’intégration raciale, en 1957.
Une réaction forte contre le racisme systémique. Richmond, Virginie, États-Unis. La statue du général sudiste Robert Lee est transformée en un monument dédié au mouvement Black Lives Matter, sur lequel est projeté le portrait de George Floyd. «Le processus de guérison peut commencer, a tweeté Levar Stoney, le maire de Richmond. Pour la sécurité publique, pour notre histoire, pour notre avenir –les monuments à la gloire de la “Cause perdue” [ndlr: les partisans de la Confédération sudiste] sont démontés.» Des actions en justice ont tenté d’empêcher le déboulonnage de cette statue.
Mobilisation contre les violences policières. Paris, France. Des manifestants sont réunis sur la place de la République, à Paris, à l’appel des proches d’Adama Traoré, un jeune homme noir mort en juillet 2016 après son interpellation par des gendarmes, en banlieue parisienne. L’affaire a engendré une mobilisation inédite contre les violences policières en France, aiguillonnée en 2020 par l’actualité américaine et le meurtre de George Floyd. « Sans justice, vous n’aurez jamais la paix », proclame le tee-shirt d’Assa Traoré (au centre de la photo), la sœur d’Adama. Un slogan directement inspiré du «No justice, no peace» brandi par le mouvement Black Lives Matter.
Une tentative pour identifier les malades. Terre de feu, Argentine. En Argentine, la Terre de Feu a été l’une des régions les plus sévère ment frappées par le coronavirus. À Ushuaia, les autorités locales ont installé des caméras thermiques à l’entrée des deux plus grands supermarchés, les seuls magasins restés ouverts durant le confinement. Les autorités pensaient que ces équipements aideraient à identifier les personnes ayant de la fièvre. Un médecin et un responsable municipal supervisaient chaque appareil, et renvoyaient chez eux les clients dont la température était élevée. Mais les caméras n’ont pas permis de détecter les malades du Covid-19, car elles ne mesurent que la température de la peau, qui varie selon l’environnement extérieur.
L’Épicentre d'un séisme sanitaire. Mulhouse, France. Changement d’équipe du personnel sanitaire de l’armée, dans un hôpital de campagne, à Mulhouse. Cette région de l’est de la France a été considérée à l’époque comme l’épicentre du Covid-19 dans le pays. Selon toute vraisemblance, le virus se serait propagé lors d’un rassemblement religieux de plus de 2 000 personnes.
Le désespoir chez les plus vulnérables. Lucknow, Inde. En Inde, 139 millions de personnes sont des migrants internes ayant quitté leur zone rurale pour travailler en ville, estime-t-on. Quand le pays a décrété le confinement, des millions d’individus ont perdu leur emploi et tenté de rentrer chez eux. Les transports publics étant à l’arrêt, ils ont marché, fait du vélo ou sont montés dans un camion, comme ici, près de Lucknow. Le gouvernement a fini par prendre des dispositions pour que les trains et les bus convoient les travailleurs migrants. La pandémie plongera 400 millions de travailleurs indiens du secteur informel dans une pauvreté encore plus grande, redoute l’Organisation internationale du travail.
L’enterrement d'une mère et de son fils. Londres, Angleterre. Parents et amis sont réunis pour l’enterrement simultané d’Alexteen Alvira Roberts, âgée de 104 ans, et de son fils, Brandis Metcalf Roberts, 79 ans. Celui-ci est mort de complications liées au Covid-19 dans une maison de retraite. Alexteen, Jamaïcaine arrivée au Royaume-Uni en 1955, est décédée de causes naturelles. En Angleterre et au pays de Galles, les Noirs ont environ quatre fois plus de risque de mourir du virus que les Blancs, selon le Bureau national des statistiques (ONS). Un taux de mortalité élevé qui reflète les inégalités auxquelles les groupes minoritaires sont confrontés depuis des siècles.
L’ultime bénédiction. Novara, Italie. À Novara, dans le nord-ouest de l’Italie, un prêtre bénit des cercueils arrivant de Bergame, l’un des premiers épicentres de l’épidémie en Italie. Les morgues et les crématoriums de la ville étant saturés, l’armée a transporté des cadavres ailleurs dans la région, afin qu’ils soient préparés pour la crémation ou l’inhumation. Certaines familles ont dû attendre des semaines avant de savoir où leurs proches décédés avaient été emmenés. Les employés des entreprises de pompes funèbres sont devenus des travailleurs en première ligne, s’échinant pour faire face aux ravages physiques et mentaux causés par un virus qui a dévasté la population.
Une explosion exacerbe les appels au changement. Beyrouth, Liban. En août, une explosion de nitrate d’ammonium entreposé dans le port de Beyrouth détruit des quartiers historiques et rase des bâtiments. Bilan : environ 200 morts et 6 500 blessés. Ariana Sursock, 18 ans, est alors dans la résidence familiale, le palais Sursock, bâti en 1870, avec sa grand-mère de 98 ans. Celle-ci décédera des blessures dues aux éclats de verre et aux débris. L’explosion, liée à un contrôle insuffisant des protocoles de sécurité par le gouvernement, déclenche des manifestations et des appels au changement politique. « Je ne vais pas entamer les réparations avant de savoir où va le pays », confie Roderick Sursock, le père d’Ariana.
Pas assez froid pour les phoques. Près des îles de La Madeleine, Québec. La glace où des phoques du Groenland mettent bas est parsemée de taches de sang, dans le golfe du Saint-Laurent. Les bébés ont besoin de glace solide pour survivre. Cependant, ces dernières années, le taux de mortalité a augmenté chez les jeunes phoques, du fait du réchauffement climatique et du manque de glace stable. Cela pourrait finir par pousser cette population de phoques du Groenland à quitter le golfe, en quête d’autres lieux où mettre bas – qui sont de plus en plus difficiles à trouver.
Tempête d'insectes en Afrique de l'Est. Barsalinga, Kenya. Les essaims de criquets pèlerins ont commencé à arriver en Afrique de l’Est fin 2019. Un terrifiant péril pour les agriculteurs. En janvier, le Kenya a connu la pire invasion de criquets en soixante-dix ans. Les insectes pullulent quand des zones arides connaissent de fortes pluies et une explosion de la végétation. Des vents en provenance de la péninsule Arabique poussent les essaims vers la Corne de l’Afrique. Des millions d’habitants y sont frappés par la famine. Une seule nuée peut abriter jusqu’à 70 milliards de criquets et détruire plus de 135 000 t de cultures par jour. Même un plus petit essaim de 40 millions de criquets peut dévorer en une journée autant que 35 000 personnes.