Hawaï : ces sentiers de randonnée ne figurent dans aucun guide

De la plage sur laquelle est née la danse hula aux sites sacrés où errent les esprits, ces kilomètres de sentiers qui échappent à la foule vous raconteront l’histoire d’Hawaï.

De Catherine Toth Fox
Publication 15 déc. 2023, 10:42 CET
Le long d'un chemin utilisé par les anciens Hawaïens, le sentier de 5 kilomètres menant à ...

Le long d'un chemin utilisé par les anciens Hawaïens, le sentier de 5 kilomètres menant à Ka'ena Point sur l’île O'ahu suit désormais une voie ferrée du 19e siècle.

PHOTOGRAPHIE DE Mauritius Images, Alamy

Selon la légende hawaïenne, la déesse Hi'iaka, a emprunté un sentier poussiéreux sur la côte au vent de Big Island, à Hawaï, jusqu'à une plage où elle a retrouvé ses sœurs, dont Pélé, déesse des volcans.

C’est là, sur cette plage isolée du district de Puna, qu’Hi'iaka a dansé ce que certains considèrent comme le premier hula.

Le chemin menant à la plage Hā'ena, également appelée Shipman Beach, est toujours intact. Parfois boueux et glissant, ce sentier de cinq kilomètres amène les visiteurs sur un rivage peu fréquenté, connu pour son sable fin au beau milieu d'une côte par ailleurs accidentée et rocheuse.

Un marcheur parcourt le sentier de vingt kilomètres d'Hoapili, sous les arbres aux troncs tordus de l'île de Maui.

PHOTOGRAPHIE DE Peter Unger, Getty Images

Durant l’Antiquité, il s’agissait de l’un des nombreux chemins (ala hele) des îles Hawaï à relier les villages de pêcheurs de la côte entre eux. Au milieu du 19e siècle, ce sentier a été modifié pour devenir plus droit et élargi pour faciliter le passage aux chevaux et aux chariots à roues. 

À mesure que la population s’installait à l’intérieur des terres, ces agencements de bord de mer ont été abandonnés et le sentier négligé. Aujourd'hui, peu de personnes qui s'aventurent sur le Puna Trail pour se rendre sur les sables blancs d’Hā'ena connaissent son importance culturelle. « On pourrait penser que cela ne représente pas grand-chose, » explique Jackson Bauer, qui travaille pour le Nā Ala Hele Trail and Access Program, qui gère les ressources publiques liées à l'entretien des sentiers. « Mais imaginez la déesse Hi'iaka marcher sur ce sentier. »

 

HISTOIRE DES SENTIERS HAWAÏENS 

L’une des dernières lois approuvées par la reine Lili’uokalani avant que ne soit renversée la monarchie hawaïenne, est le Highways Act de 1892, qui stipule que tout sentier ou route existant alors à Hawaï appartient au gouvernement, même sur des terres privées. Cela implique également que ces sentiers, qui étaient utilisés par les anciens Hawaïens entre autres pour se nourrir, se battre et se rendre aux lieux de culte, sont destinés à un usage public et sont accessibles à tous. 

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    Le sentier Puna, sur Big Island mène à la plage Hā‘ena, également connue sous le nom de Shipman Beach, où, à en croire la légende, est né le hula.

    PHOTOGRAPHIE DE pawel.gaul, Getty Images

    Cette loi est intervenue à un moment crucial pour l'établissement des droits fonciers des autochtones hawaïens. En 1848, le Grand Māhele, proposé par le roi Kamehameha III, a redistribué presque deux millions d'hectares de terres, abolissant le système féodal et conduisant à un système de propriété privée. Adoptée avant qu'Hawaï ne devienne un territoire et un État des États-Unis, cette loi garantissait que le public, en particulier les autochtones hawaïens, pourrait continuer à se rendre dans des sites culturels.

    Grâce à la reine, prévoyante, l’État gère aujourd'hui des centaines de kilomètres de sentiers publics qui mènent à des lieux patrimoniaux et à des forêts naturelles, ou qui suivent des cours d'eau sinueux et des crêtes bordées d'arbres. Bien qu’un grand nombre d'entre eux soient aujourd'hui des routes ou des autoroutes, notamment le Ala Moana Boulevard à O'ahu, très animé, qui était un sentier pédestre vieux de plusieurs siècles qui longeait la côte sud, d'autres sont des sentiers oubliés que l'on ne trouve pas dans les guides de randonnée. Ils sont souvent moins populaires que les circuits plus modernes sur les sommets ou les crêtes, avec leurs vues panoramiques et leurs parkings. Cela fait cependant partie de leur attrait.

    Le programme Nā Ala Hele s’occupe d’identifier ces routes et sentiers. Le personnel étudie des cartes dessinées à la main au 19e siècle pour trouver des signes de l'existence d'anciens sentiers afin de les préserver.

    Le Ala Kahakai National Historic Trail, géré séparément, en partie par le National Park Service (service des parcs nationaux des États-Unis) est un réseau de 280 kilomètres qui relie des communautés, des temples, des zones de pêche et d'autres sites à Hawaï. On pense que certaines parties du réseau servaient aux ali'i, la royauté hawaïenne, et que d'autres étaient destinées aux messagers, qui trouvaient la marche plus rapide que la navigation dans certaines parties de l'île.

    Une autre histoire sur ces sentiers raconte qu'un coureur rapide quitta un village de l'extrémité nord-ouest de l'île pour se rendre à Hilo, plus au sud et à l’est, et revint, après avoir parcouru environ 130 kilomètres dans chaque sens à l'intérieur de l'île, afin d’apporter au roi un poisson de son vivier, encore vivant à la fin de sa course.

    Le sentier pédestre qui longe la côte sud de la région de Kona, à Hawaï, donne vue sur la baie d'Alahaka et le Ala Kahakai National Historic Traii.

    PHOTOGRAPHIE DE jferrer, Getty Images

    Le sentier Alakai Swamp Trail de 10 kilomètres à Kaua'i serpente à travers une tourbière montagneuse rare, où un sentier de promenade offre le meilleur point de vue où repérer des drépanidinés, oiseaux hawaïens, dont certains sont en danger critique d'extinction.

    PHOTOGRAPHIE DE Allan Baxter, Getty Images

    « Nombres de ces anciens sentiers ont été empruntés pendant plus de mille ans et le sont encore aujourd’hui. C'est ce qui les rend passionnants, » explique Bauer avant d’indiquer les principales routes des îles, de l'Ali'i Drive à Kailua-Kona, bordée de boutiques, à la Pali Highway à O'ahu, qui relie Honolulu à la partie de l'île exposée aux vents. « Ces sentiers sont gorgés d’histoire et nous voulons les garder en vie. »

     

    DANS LES PAS DES ESPRITS

    Lorsque mon fils de six ans et moi nous promenons le long de la côte sauvage de Ka'ena Point State Park à O'ahu, nous marchons sur les traces des anciens Hawaïens. Le sentier de cinq kilomètres qui mène à la pointe serpente à travers l'un des derniers écosystèmes de dunes côtières intactes des îles hawaïennes principales. 

    Environ 2 000 oiseaux marins, dont l'albatros de Laysan et le puffin fouquet, se reproduisent à Ka'ena Point. L’endroit abrite également des espèces sauvages indigènes, telles que la frégate du pacifique, le phaéton à brins rouges et les phoques moines d'Hawaï, en danger d'extinction.

    Le chemin qui s’offre à nous est bordé de plantes côtières indigènes comme le naupaka (scaevola taccada), un arbuste aux petites fleurs blanches, le 'ilima, un couvre-sol indigène aux fleurs jaunes souvent enfilées en leis, et le naio. Nous pourrions croiser une famille en train de pêcher dans un trou « moï », un trou dans le rivage rocheux où l'on peut trouver du « moï », un poisson du pacifique. Dans toutes les îles, le moï, connu pour son goût légèrement sucré et sa texture ferme, était un poisson souvent réservé à la royauté.

    Je montre à mon fils les endroits de la côte où ses grands-parents, mes parents, qui sont au moins de la troisième génération de kama'āina (nés à Hawaï), pêchaient le papio (carangue) et même le moï. Les restrictions sur les poissons ont fini par être levées.

    Le Ka'ena Point trail emmène les randonneurs à travers l'un des derniers écosystèmes de dunes de sable côtières intactes d'Hawaï.

    PHOTOGRAPHIE DE LanaCanada, Getty Images

    Le Ka'ena Point State Park abrite des espèces sauvages indigènes, notamment des phoques moines hawaïens, ici en photo, en danger d'extinction.

    PHOTOGRAPHIE DE Frans Lanting, National Geographic Image Collection

    La pointe elle-même est connue sous le nom de leina-a-ka'uhane, un lieu d’où sauteraient les âmes et où les esprits des personnes récemment décédées peuvent être réunis avec leurs ancêtres. Un grand rocher incliné d’où sauter fait face à l'océan.

    « Il est encore là. On peut encore le voir », déclare La'akea Perry, un kumu hula, maître enseignant le hula, qui emmène les clients du Four Seasons Resort O'ahu à Ko Olina pour des visites guidées le long du sentier menant à Ka'ena Point. « Lorsque vous marchez là, c'est comme si vous vous rendiez sur la tombe de quelqu'un. Vous marchez sur ce sentier en sachant que les esprits ont emprunté le même chemin pour arriver à leur point final. »

    La vallée luxuriante de Pololū est accessible par le Pololū Trail, un sentier de deux kilomètres aller-retour sur Big Island.

    PHOTOGRAPHIE DE LanaCanada, Getty Images

    « Les gens vivaient et mouraient le long de ces sentiers, qui servaient à la fois à l’agriculture et à se rendre à l’océan. Ils faisaient tout ici », explique Bauer. « S'il y a un sentier, c'est que beaucoup d'autres choses à proximité doivent être préservées. Les sentiers nous indiquent ces choses-là. »

    Catherine Toth Fox est née et a grandi à O'ahu. Elle est rédactrice spécialisée dans la gastronomie et les voyages, passionnée de randonnée et rédactrice en chef du Hawai'i magazine.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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