Amazonie : images rares de peintures rupestres millénaires

Des Andes à l'Atlantique, le photographe et explorateur National Geographic Thomas Peschak immortalise le vaste écosystème de l'Amazonie et tente d'éveiller les consciences sur le lien fragile entre les Hommes et la nature.

De Thomas Peschak
Photographies de Thomas Peschak
Publication 3 avr. 2023, 11:00 CEST
Amazon Portfolio Waterfall

Le parc national de Chiribiquete, la plus grande zone protégée de Colombie, se distingue par ses tepuis, des pics tabulaires qui s'élèvent dans la forêt tropicale. La région, dont les cours d'eau se jettent dans l'Amazone, est l'une des plus riches en biodiversité au monde et abrite de nombreuses espèces endémiques peu communes.

PHOTOGRAPHIE DE Thomas Peschak

Cet article est le fruit d’un partenariat avec Rolex, qui s’associe à la National Geographic Society dans le cadre d’expéditions scientifiques visant à explorer, étudier et documenter les changements qui affectent les régions les plus singulières de notre planète.

Deux jaguars sautent dans la rivière à la poursuite de pacas. Ces grands rongeurs au pelage tacheté et rayé sont d’habiles nageurs. Les piranhas, attirés par l’agitation, rôdent à proximité. 

Je photographie cette scène fascinante, mais contrairement à mon habitude lorsque je suis en mission, je ne suis pas dans l’eau. Cette fois-ci, j’observe cette vie aquatique depuis une corniche rocheuse située dans les hauteurs d’une forêt tropicale. Les jaguars, les pacas et les piranhas que je mémorise dans mon appareil ne sont pas faits de chair et de sang ; ce sont des œuvres d’art préhistoriques peintes avec de l’hématite, un oxyde de fer rouge sang. Je suis bouche bée, comme si je voyais le plafond de la chapelle Sixtine pour la première fois.

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    La National Geographic Society, qui s'engage à mettre en avant et à protéger les merveilles de notre monde, finance le travail de l'explorateur Thomas Peschak sur le monde naturel depuis 2019.

    Illustration de JOE MCKENDRY

    Ces pictogrammes qui décorent le parc national de Chiribiquete, en Colombie, sont vieux de plusieurs dizaines de milliers d'années et témoignent de la longue relation de l’humanité avec le plus grand écosystème d’eau douce du monde. Je participe à la Perpetual Planet Amazon Expedition, un programme né du partenariat entre la National Geographic Society et Rolex, dans le cadre duquel je travaille en étroite collaboration avec d’autres explorateurs National Geographic afin de mener des recherches dans l’espoir d’assurer l’avenir de ce royaume aquatique bien trop négligé par la science et les médias.

    Les forêts tropicales, qui constituent un contrepoids essentiel mais menacé face au changement climatique, ont longtemps éclipsé le puissant fleuve. L’Amazone coule sur près de 6 700 kilomètres, des Andes à l’Atlantique, et est l’artère principale d’un réseau de plus d’un millier d’affluents et de dizaines de milliers de cours d’eau sur une superficie aussi grande que celle de l’Australie. Pendant deux ans, ma mission sera de photographier le fleuve et son écosystème sous tous leurs angles. Contrairement à la plupart de celles et ceux qui se sont aventurés dans cette région du monde pour en raconter l’histoire, je plongerai sous la surface et révèlerai un monde aquatique rarement vu par les humains.

    Dans la cosmologie des Tikuna, l'un des plus grands groupes natifs d'Amazonie, les dauphins roses sont des esprits espiègles et des gardiens du royaume aquatique. Ici, les aînées Nuria Pinto et Pastora Guerrero se joignent aux danseurs portant des costumes de dauphins fabriqués à partir de l'écorce interne du sapucaia.

    PHOTOGRAPHIE DE Thomas Peschak

    Il y a quelques mois, à mon point de départ géographique, j’ai photographié le sommet du Nevado Mismi dans le sud-ouest du Pérou, le point le plus éloigné de l’embouchure de l’Amazone, où les eaux coulent toute l’année sans interruption. Je me trouve désormais à Chiribiquete pour explorer un tout autre type de début et d’origine.

    Ici, les premiers conteurs de l’histoire de l’Amazone ont dépeint les plus anciens récits visuels jamais observés sur le continent américain. Plus de 75 000 peintures ont été découvertes sur plus de 70 fresques, faisant de ce parc national le Louvre de l’art rupestre des Amériques. Les pictogrammes représentent la faune et la flore, les humains, mais aussi des motifs géométriques. Les jaguars, parfois représentés grandeur nature, comptent parmi les motifs les plus répandus dans cette collection.

    Des jaguars sautent sur des pacas entourés de piranhas sur ce panneau, baptisé Hojarasca (« Feuilles tombées »). Plus de 75 000 peintures ont été découvertes à Chiribiquete. Certaines datent de 20 000 ans, ce qui en fait l'art rupestre le plus ancien jamais découvert sur le continent américain. Les pictogrammes représentent la faune et la flore, les humains, mais aussi des motifs géométriques. Les grands jaguars et la vie aquatique sont des motifs courants.

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    Gauche: Supérieur:

    Les artistes chamans des temps anciens choisissaient des endroits spectaculaires pour créer leurs pictogrammes. Le panneau Hojarasca (« Feuilles tombées »), qui représente des jaguars en train de chasser des pacas au milieu des piranhas, se trouve sur le pilier à l'extrême gauche, derrière celui du premier plan. Cette expédition n'était que la neuvième à obtenir l'autorisation d'explorer le vaste parc national de Chiribiquete.

    Droite: Fond:

    Le camp de base de l'expédition a été installé sur une petite parcelle de roche irrégulière qui devient une véritable fournaise pendant la journée, la roche chauffée par le soleil faisant grimper la température dans les tentes à plus de 38 °C. En raison du manque d'ombre et du nombre impressionnant d'abeilles, le campement était loin d'être aussi idyllique que ne le pensaient les explorateurs.

    Photographies de Thomas Peschak

    Je voyage avec une petite équipe composée de Fernando Trujillo, biologiste aquatique et explorateur National Geographic, et de Carlos Castaño-Uribe, archéologue. Un groupe d’alpinistes colombiens et de spécialistes de la jungle nous accompagne également afin d’éviter tout risque de nous perdre dans cette nature sauvage. Nous ne sommes que la neuvième expédition à obtenir l’autorisation d’explorer le plus grand parc de Colombie, dont le rôle est de protéger ce paysage spectaculaire composé d'une forêt tropicale dense et de montagnes tabulaires, appelées des tepuis.

    Je documente les mers les plus sauvages de notre planète depuis vingt-cinq ans, d’abord en tant que biologiste marin, puis en tant que photojournaliste. Je sais comment ne pas me faire mordre par un requin ou écraser par une baleine en plein repas, mais dans la jungle, je suis un véritable novice. Néanmoins, pour ma défense, Chiribiquete est incroyablement difficile à explorer, et les artistes des temps anciens n’ont pas choisi les endroits les plus accessibles pour immortaliser leur travail.

     

    UN PAYSAGE DIFFICILE ET PASSIONNANT

    L’hélicoptère décolle du petit aéroport de San José del Guaviare, dans le centre-sud de la Colombie. Le paysage en contrebas est un magnifique mélange de pâturages et de prairies. Un grand tapis de forêt vierge s’étend jusqu’à l’horizon. Lorsque les premières montagnes apparaissent, le pilote commence la descente ; nous naviguons dans des canyons si étroits que je pourrais presque en toucher les falaises. Nous atterrissons sur un amas inégal de roches. L’hélicoptère tient à peine.

     

    Le lieu semble idyllique, mais il fait si chaud que nous avons l’impression d’avoir installé notre campement sur une véritable fournaise. Le soleil chauffe la roche, et la température dans nos tentes dépasse les 38 °C. J’essaie de m’endormir, en attendant désespérément le passage d’une brise. Je transpire tellement que des taches d'humidité apparaissent sur mon matelas.

    Les hélicoptères sont indispensables pour se rendre à Chiribiquete et dans ses environs, car le terrain est extrêmement accidenté et difficile à parcourir à pied. Pour atteindre les œuvres d'art rupestre peintes dans certains des endroits les plus inaccessibles, il faut descendre en rappel le long des falaises, se frayer un passage à travers la brousse de la forêt tropicale épaisse, et lutter contre des abeilles tenaces.

    PHOTOGRAPHIE DE Thomas Peschak

    Le scientifique et explorateur National Geographic Fernando Trujillo (à gauche) et son équipe examinent un boto (ou dauphin rose), une espèce emblématique des cours d'eau amazoniens. Leurs évaluations, qui suivent des protocoles de sécurité établis, permettent de fournir des informations essentielles non seulement sur la santé des populations de dauphins, mais aussi sur celle des cours d'eau.

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    Nous nous réveillons au son de dizaines de milliers de petits hélicoptères. Des abeilles sont là ; comme tous les membres de la famille des Halictes, elles sont attirées par la transpiration. Bientôt, l’intégralité du camp (boîtiers de caméra, bottes, vêtements, assiettes, couverts, tout ce qui avait été laissé à l’extérieur) est recouverte d’abeilles. J’ai commis l’erreur de laisser la fermeture éclair de ma tente légèrement ouverte ; rapidement, je me retrouve donc avec des dizaines de colocataires. Je laisse les abeilles se désaltérer dans le lac de sueur qui inonde mon nombril. Rien ne sert de résister. Les abeilles nous submergent. Elles se glissent dans nos nez et nos oreilles ; l’une d’entre elles se glisse même sous ma paupière. La moustiquaire de tête devient obligatoire.

    Dans les plaines adjacentes aux cours d’eau qui traversent le parc, ces abeilles sont moins nombreuses, mais il est recommandé de ne pas y rester. Des vestiges des forces rebelles des FARC (les Forces armées révolutionnaires de Colombie) utiliseraient ces rivières lorsque le niveau de l’eau est suffisamment élevé. Je préfère largement les abeilles aux fusils d’assaut.

    Un jour, lors d’une expédition en 2017, Trujillo s’est réveillé aux premières heures du matin en entendant des bruits de pas. Pensant qu’il s’agissait d’un autre chercheur, il s’est rendormi. Le lendemain matin, les scientifiques ont découvert des empreintes plus petites, pieds nus, à côté de leurs empreintes de bottes. Les Karijona, Murio ou Urumi, des peuples non-contactés ou qui vivent isolés depuis de violents affrontements avec les exploitants de caoutchouc au 19e siècle, habitent en amont des principaux cours d’eau du parc. Plus de 80 kilomètres de terrain ardu les séparent de notre campement, mais avant de m’endormir, je tends l’oreille pour saisir tout bruissement de feuilles ou craquement de brindilles.

    Les ruisseaux et les rivières qui coulent des plateaux rocheux sont limpides et abritent des plantes et animaux uniques. Dans la Serranía de La Macarena, une chaîne de montagnes située au nord-ouest de Chiribiquete, cette plante endémique (Macarenia clavigera) devient rouge à la lumière du soleil, mais reste verte dans les cours d'eau ombragés.

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    Un poisson-tigre (Hoplias malabaricus) se repose sous une cascade de la rivière Caños Cristales dans la Serranía de La Macarena, dissimulé par un rideau d'eau aérée et camouflé contre un rebord rocheux. Ce prédateur embusqué attend que de petits poissons en bancs nagent à sa portée, puis s'élance à toute vitesse pour avaler sa proie tout entière.

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    Dans les années 1940, Richard Evans Schultes, ethnobotaniste à Harvard, est devenu le premier scientifique à documenter ce qu’il a qualifié de « peintures indiennes » sur les falaises de Chiribiquete. Il ne savait pas qu’il se trouvait dans l’un des lieux d’art rupestre les plus vastes du monde. Ce n’est devenu évident que dans les années 1980, lorsqu’une tempête a fait dévier l’avion de Castaño-Uribe de sa trajectoire, lui permettant de repérer une chaîne de montagnes qui ne figurait alors sur aucune de ses cartes. C’est quand l’archéologue y est retourné pour explorer les lieux qu’il a aperçu les pictogrammes et a décidé de consacrer sa vie à Chiribiquete. Depuis, il a non seulement publié les premières descriptions détaillées des peintures qu’il a reliées à la cosmologie des populations natives, mais a également contribué à la création du parc en 1989, à son agrandissement en 2013 et 2018, et à son ajout à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2018.

    D’après la datation au radiocarbone, les peintures les plus anciennes auraient environ 20 000 ans, mais les plus récentes remonteraient aux années 1970 seulement ; et des preuves convaincantes indiquent que certaines seraient encore plus récentes. Lors d’une autre expédition, Castaño-Uribe a trouvé un petit foyer avec des os d’animaux ainsi que des pigments sous certaines peintures, ce qui laisse penser que l’art continue de jouer un rôle important dans la cosmologie et les activités cérémonielles des peuples natifs de la région.

     

    MARCHE, ESCALADE ET DANGER

    Avant le début de notre expédition, Castaño-Uribe a consulté un chaman de la sierra Nevada de Santa Marta, une chaîne de montagnes située non loin de la côte caraïbe. Pour garantir un retour en toute sécurité et apaiser les esprits présents sur ces lieux, le chaman lui a conseillé de faire une offrande de tabac (sacré pour de nombreux groupes natifs d’Amazonie) avant de s’approcher des peintures. Au pied d’une tour de grès, Castaño-Uribe fait donc circuler de gros cigares que l’on pourrait très bien retrouver dans les mains de joueurs de poker. Nous tirons des bouffées vigoureuses, nous baignons dans la fumée. Nous plaçons ensuite nos paumes sur le rocher et nous déclarons sincèrement nos intentions. En guise de protection supplémentaire, Castaño-Uribe expire de la fumée au-dessus de chacune de nos têtes.

    Ce n’est qu’ensuite que nous commençons notre exploration de la zone.

    Des abeilles (de la famille des Halictes) envahissent le vidéaste Otto Whitehead. En quelques minutes, des centaines d'individus se sont posés sur lui pour absorber les nutriments et les protéines contenus dans sa transpiration. Au moins onze espèces d'abeilles sans dard arpentent les tepuis de Chiribiquete. Pour cette expédition, une moustiquaire de tête était indispensable.

    PHOTOGRAPHIE DE Thomas Peschak

    Après des heures de marche au milieu d’un feuillage dense, nous arrivons enfin dans un canyon sombre situé sur une corniche étroite à côté d’une falaise verticale. Nous nous trouvons sur le site Los Gemelos (« Les Jumeaux »). Le magnifique art rupestre qui décore les lieux représente des raies, des loutres et des tortues, et est farouchement protégé par des abeilles. Cette fois-ci, ce sont des abeilles à miel, bien plus virulentes. 

    En moins d’une demi-heure, l’équipe compte collectivement plus d’une centaine de piqûres. Nous décidons donc de battre en retraite, mais les abeilles nous suivent ; la paroi rocheuse que nous devons escalader à l’aide d’une corde est vite embouteillée. Castaño-Uribe et moi attendons pour descendre lorsqu’il décide qu’il ne supporte plus de se faire piquer. Il contourne la corde et, accroupi, escalade la falaise presque verticale de 10 mètres, sautant de racine en racine, de branche en branche, tel Tarzan. Voulant moi aussi échapper aux abeilles, je le suis, et malgré mes quinze ans de moins, j’ai du mal à le suivre.

    Chaque matin, nous partons en hélicoptère puis à pied, gravissons des pentes abruptes et densément boisées, descendons en rappel le long de falaises et utilisons des échelles pour nous déplacer dans des canyons sombres et humides. Moins d’une demi-heure après le début de l’une de nos ascensions, je suis à deux doigts de m’effondrer à cause de mes choix vestimentaires blindés : je porte un pantalon treillis épais, deux chemises, des gants, une moustiquaire de tête, et une paire de guêtres pour me protéger des morsures de serpent. Je suis prêt à tout pour me protéger des ennemis, réels ou imaginaires.

    Le Caño Cristales arbore ces fosses, connues sous le nom de marmites de géant. Ces dernières se forment lorsque des galets durs tombent dans de petites cavités et sont ballottés par le courant, ce qui, au fil du temps, affine la cavité et sculpte des trous ronds dans le lit de la rivière en quartzite.

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    Les montagnes du parc s'élèvent depuis le tapis de la forêt tropicale, ce qui engendre des microclimats complexes. La vapeur d'eau monte, alimente les nuages, et accélère ainsi la formation de la pluie. Plus de la moitié des précipitations en Amazonie proviennent de l'évaporation de sa propre eau. Un cinquième de l'eau douce de la planète se trouve dans le bassin amazonien.

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    La piqûre féroce des fourmis balle de fusil, qui atteint la note de 4 sur l’échelle de Schmidt, est comparée à la douleur que l’on pourrait ressentir en marchant sur des charbons ardents avec un clou de 5 centimètres enfoncé dans le talon. Le fer de lance, dont le venin peut être mortel, est responsable de la majorité des morsures de serpent en Amazonie. La piqûre d’une femelle phlébotome, un petit insecte, peut transmettre la leishmaniose, une maladie parasitaire souvent mortelle. À chaque pas pénible sous le poids de la chaleur étouffante, je me demande un peu plus ce que je fais en Amazonie.

    Je me rappelle toutefois que ce passage difficile n’est qu’un petit chapitre de mon voyage. Bientôt, je serai de nouveau dans mon élément, sous l’eau, à photographier des espèces si étranges qu’elles pourraient apparaître dans des films Star Wars. Les dauphins roses de l’Amazone, par exemple, se servent de leur sonar pour se repérer dans les forêts inondées. Les arapaïmas, des poissons osseux aussi lourds que des gorilles à dos argenté, bondissent hors de l’eau comme des marlins. Les anguilles électriques, quant à elles, peuvent délivrer des chocs de 600 volts assez puissants pour tuer un être humain.

    L'archéologue Carlos Castaño-Uribe est impressionné par le panneau d'art rupestre Los Gemelos (« Les Jumeaux »). Ces pictogrammes représentant des jaguars, des loutres, des raies et des tortues sont stupéfiants et farouchement protégés par des abeilles. Après avoir subi plus d'une centaine de piqûres, l'équipe de l'expédition a abandonné précipitamment ce site.

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    Certains de mes collaborateurs, également explorateurs National Geographic, comptent parmi les scientifiques les plus compétentes de l’Amazonie : Fernando Trujillo, João Campos-Silva, Ruthmery Pillco Huarcaya, Angelo Bernardino, Thiago Silva, Baker Perry et Hinsby Cadillo-Quiroz. Ces spécialistes réalisent des travaux novateurs sur les dauphins roses, les arapaïmas, les ours à lunettes, les mangroves, les forêts alluviales, le changement climatique et la pollution au mercure. L’année prochaine, National Geographic consacrera un numéro entier de son magazine à l’Amazonie, et présentera notamment leurs études et mes photographies.

     

    SE RECONNECTER AVEC LA TERRE

    De célèbres naturalistes du 19e siècle comme Henry Walter Bates, Alfred Russel Wallace et Alexander von Humboldt ont réalisé de magnifiques illustrations de ce qu’ils avaient pu observer lors de leurs explorations dans le bassin amazonien. Je suis cependant venu à Chiribiquete pour découvrir le travail des premiers habitants de l’Amazonie à avoir représenté la faune et la flore, et notamment les animaux aquatiques que j’espère photographier. Sur des parois rocheuses abruptes, ces artistes ont peint des poissons, des tortues, des caïmans, et d’autres formes de vie.

    Au cours de nos cinq jours à Chiribiquete, nous avons vu des centaines de pictogrammes. Le panneau Hojarasca (« Feuilles tombées »), qui représente des jaguars chassant des pacas au milieu d’un groupe de piranhas, est celui qui m’a le plus parlé. L’œuvre étant peinte sur un surplomb, j’ai eu la sensation d’être sous l'eau et de regarder la scène se dérouler au-dessus de moi.

    Les tapirs mangent des plantes aquatiques et marchent sous l'eau comme les hippopotames. Les jeunes arborent des rayures et des taches qui les aident à se camoufler. Cet individu est un orphelin sauvé qui sera réintroduit dans la nature. Entre les repas, il peut partir explorer les forêts et les broussailles d'un ranch dans la Serranía de la Macarena.

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    Selon Castaño-Uribe, ces peintures ont probablement été réalisées par des chamans et avaient une certaine importance dans des rituels religieux. En ingérant des plantes sacrées, les chamans Baniwa croient pouvoir se transformer en jaguars et parler avec les esprits. Chez les Ticuna, les dauphins roses sont sacrés ; ils figurent dans leurs danses et, selon la légende, habiteraient dans des malocas au fond du fleuve. Les anacondas sont quant à eux souvent considérés comme les créateurs de l’univers, et selon une légende desano, un serpent géant aurait remonté l’Amazone en portant sur son dos les ancêtres de toute l’humanité.

    Il est probable que les chamans peignaient pour communiquer avec des êtres surnaturels afin d’assurer l’équilibre entre les humains et le reste de la nature. Je raconte des histoires parce que nous devons recalibrer de toute urgence notre relation avec la biodiversité terrestres. Le monde aquatique de l’Amazonie est menacé par les barrages, l’exploitation minière, la surpêche, la pollution et le changement climatique. En observant ces images intemporelles, je me sens profondément lié à ces artistes et à leurs peintures. Je me rends compte que les histoires que nous racontons sont similaires, et j’espère que mes images résisteront à l’épreuve du temps.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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