L'un des phénomènes les plus rares de l'Univers aurait frappé la Terre en 2023

La gigantesque explosion de rayons gamma détectée par un satellite européen en novembre dernier aurait été provoquée par l'un des objets les plus rares et les plus impressionnants de l'Univers : un magnétar, situé dans une tout autre galaxie.

De Adam Kovac
Publication 26 avr. 2024, 18:06 CEST
PIA08093

Les télescopes spatiaux Spitzer, Hubble et Chandra de la NASA ont uni leurs forces pour créer cette image composite de la galaxie M82, vue en différentes longueurs d'onde. Les couleurs ne correspondent pas à la réalité.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL-Caltech, STScI, CXC, UofA, ESA, AURA, JHU

Le 12 novembre 2023, le satellite INTEGRAL de l’Agence spatiale européenne a détecté une gigantesque émission de rayons gamma. Bien que cette dernière n’ait duré qu’un dixième de seconde, les astronomes du monde entier ont été immédiatement alertés et se sont empressés d’orienter leurs instruments vers l’espace lointain afin d’en trouver la source. C’est alors que la situation a pris une étrange tournure.

Les rayons gamma sont des jets d’énergie particulièrement brillants qui proviennent de l’espace lointain et peuvent occasionnellement frapper la Terre. Les astronomes connaissant bien ce phénomène observé depuis les années 1960, ils ont d’abord soupçonné que l’éruption de novembre était le résultat de la collision de deux lointaines étoiles à neutrons, de denses noyaux qui constituent les vestiges d’étoiles mortes ayant explosé en supernovas. En effet, lorsqu’ils entrent en collision, ces astres peuvent exploser et émettre de nombreux rayonnements, tels que des rayons gamma, suivis d’ondes gravitationnelles.

« S’il s’était agi d’un sursaut gamma classique, nous nous serions attendus à observer ce que l’on appelle sa rémanence », explique Sandro Mereghetti, chercheur à l’Istituto di astrofisica spaziale e fisica cosmica di Milano, en Italie. « Même les sursauts gamma les plus légers sont suivis d’une émission [rémanente] de rayonnements en rayons X, en optique et en radio pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. »

Toutefois, ce n’est pas du tout ce que les astronomes ont observé à la suite du flash de novembre dernier.

 

UN PHÉNOMÈNE RARE

Les rayons X étaient introuvables. Une équipe de scientifiques, dont Mereghetti faisait partie, a alors émis l’hypothèse que la source du rayonnement gamma pourrait en réalité être l’un des phénomènes les plus rares et les plus puissants de l’Univers : une éruption géante émise par un magnétar, un type d’étoile à neutrons extrêmement magnétique qui, malgré sa petite taille, comparable à celle d’une petite ville, présente la même masse que notre Soleil.

Comme toutes les étoiles à neutrons, les magnétars naissent de l’effondrement d’étoiles bien plus grandes. Pour des raisons qui sont encore mystérieuses pour les astronomes, ces astres possèdent cependant des champs magnétiques particulièrement intenses, qui sont des milliers de fois plus puissants que ceux des autres étoiles à neutrons.

« Les magnétars puisent leur énergie dans la désintégration du champ magnétique », révèle Mereghetti. « Ce processus génère beaucoup de chaleur, ces objets sont donc très chauds, ce qui provoque l’émission d’éruptions géantes. » Selon le chercheur, cela se produit lorsque les lignes des champs magnétiques de l’étoile finissent par se briser. Un processus similaire a lieu sur le Soleil, provoquant des éruptions d’énergie connues sous le nom d’éjections de masse coronale (EMC) qui, si elles atteignent la Terre, peuvent entraîner la formation d’aurores boréales.

Bien que très puissantes, car composées de milliards de tonnes de plasma, ces EMC paraissent toutefois inoffensives à côté d’une éruption géante de magnétar, qui peut émettre, en un centième de seconde seulement, autant d’énergie que le Soleil en émet en un million d’années.

« Les étoiles à neutrons constituent la matière la plus dense de l’Univers ; si l’on y ajoute encore plus de masse, elles finissent donc par s’effondrer en un trou noir, qui est une absence de matière », explique Eric Burns, professeur adjoint d’astrophysique à l’Université d’État de Louisiane, qui n’était pas impliqué dans ces nouveaux travaux. « Cette extrême densité permet à ces objets de posséder des champs magnétiques incroyablement puissants. S’ils n’étaient pas aussi denses, les champs magnétiques les désintègreraient. »

Du fait de ces conditions uniques, les magnétars sont des objets rares, et leurs éruptions le sont encore plus. Selon Mereghetti, tandis que des sursauts gamma sont détectés environ une fois par mois, au cours des cinquante dernières années, seules trois éruptions géantes de magnétars ont été repérées au milieu des 100 milliards d’étoiles de la Voie lactée. Et il est encore plus difficile de repérer de telles éruptions en dehors de notre galaxie, le détecteur devant être orienté dans la bonne direction et être capable de différencier leur rayonnement des autres sources d’explosions de rayons gamma.

C’est pourtant ce que Merenghetti et ses collègues sont parvenus à faire pour la toute première fois.

 

UN COUP DE CHANCE

Dans un nouvel article publié dans la revue Nature, Mereghetti et son équipe expliquent que l’éruption détectée en novembre 2023 est le résultat de l’éruption géante d’un magnétar situé dans la galaxie M82, qui se trouve à 12 000 années-lumière de nous.

« Quelques cas de découvertes d’éruptions géantes dans des galaxies étrangères ont déjà été rapportés par le passé, mais elles étaient incertaines. Celle-ci s’avère beaucoup plus convaincante, car elle est la mieux localisée et est le résultat d’une bien meilleure procédure. »

Les astronomes sont « exceptionnellement surexcités » par ces résultats, notamment car elle provient de la galaxie M82, admet Burns. En raison des effets de sa proximité avec une autre galaxie, M82 abrite de nombreuses étoiles massives, dix fois plus que notre Voie lactée. En outre, les étoiles y ont une vie rapide et y sont très brillantes, ce qui en fait un objet d’étude particulièrement intéressant. 

« Nous pensons que les magnétars sont assez nombreux dans M82. La découverte de cet événement dans cette galaxie plutôt que dans une autre n’est donc peut-être pas une coïncidence », suggère Mereghetti.

La découverte de son équipe a été purement fortuite : en effet, au moment de l’émission du rayon gamma, l’INTEGRAL était déjà orienté vers les alentours de M82. Le satellite lui-même devrait bientôt rentrer dans l’atmosphère terrestre, et aucun remplacement n’est encore prévu : d’ici là, la galaxie M82 fera donc l’objet d’une attention accrue dans l’espoir de repérer de nouvelles éruptions géantes, selon Mereghetti. Celles-ci pourraient fournir aux astronomes des données précieuses concernant les propriétés physiques des champs magnétiques intenses et le cycle de vie des étoiles.

« Les étoiles naissent, vivent, meurent, explosent et produisent d’autres étoiles », poursuit-il. « Il y a un cycle, une sorte de biologie dans l’Univers, et les magnétars constituent l’un des éléments de la structure évolutive de la vie des étoiles. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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