Les vrais jumeaux peuvent devenir de "faux" jumeaux

En étudiant le fonctionnement génétique des jumeaux, les chercheurs peuvent mieux appréhender l’influence des habitudes et de modes de vie différents sur deux personnes partageant un patrimoine génétique quasi similaire.

De John Perritano
Publication 4 août 2023, 15:44 CEST
Les vraies jumelles Marzieh et Razieh font partie d'un groupe qui ne représente que 1 % de ...

Les vraies jumelles Marzieh et Razieh font partie d'un groupe qui ne représente que 1 % de la population mondiale : les personnes issues d’une grossesse multiple. Malgré cette infime proportion, ce groupe a eu un impact profond sur l'histoire et notamment sur les études scientifiques, lesquelles utilisent leurs gènes identiques pour mieux comprendre les maladies. 

PHOTOGRAPHIE DE Shiva Khademi, Middle East Images, Redux

Chaque année, des frères et sœurs jumeaux du monde entier se rendent à Twinsburg, dans l'Ohio, pour participer au Twins Days Festival, qui a lieu cette année du 4 au 6 août. Il s'agit du plus grand rassemblement de jumeaux au monde, et il est appelé à prendre encore plus d'ampleur si les tendances actuelles se confirment.

Entre 1915 et 1980 environ, un bébé sur 50 nés aux États-Unis était un jumeau. Depuis, ce chiffre est passé à un sur 30. En France, 12,9 % des naissances étaient des jumeaux en 1993, contre 17.2 % en 2017.

Pour les généticiens, il y a de quoi se réjouir de cette augmentation des naissances gémellaires. Les jumeaux constituent une mine d'informations biologiques unique en son genre et donc précieuse, puisqu’ils permettent aux scientifiques d’appréhender certaines maladies comme les troubles alimentaires et l'obésité, ou d’autres états comme l'orientation sexuelle et divers traits psychologiques.

Les études sur les jumeaux peuvent également donner aux chercheurs de nouvelles indications sur la manière dont des modes de vie et des habitudes différentes affectent deux personnes au patrimoine génétique quasi similaire. L'étude des jumeaux est extrêmement utile pour examiner les effets des facteurs génétiques et environnementaux capables d’influencer les caractéristiques héréditaires d'une génération à l'autre.

Des jumeaux du monde entier se rassemblent chaque année à Twinsburg, dans l'Ohio, pour célébrer leur gémellité. Le Twins Days Festival a été créé en 1976.

PHOTOGRAPHIE DE Jodi Cobb, Nat Geo Image Collection

 

NATURE ET CULTURE

C'est pour ces raisons que les jumeaux se retrouvent souvent en première ligne du débat qui oppose nature et culture. Pendant des décennies, l’humanité s’est demandé qui des gènes (la nature) ou de l'environnement (la culture) influençait le plus notre personnalité. Les études sur les jumeaux nous donnent un indice. Les vrais jumeaux, ou jumeaux monozygotes, partagent 99,99 % de leur ADN : ils ont la même couleur d’yeux, la même couleur de cheveux, les mêmes caractéristiques (ou presque). Les faux jumeaux, ou jumeaux dizygotes, partagent eux 50 % de leurs gènes. Ainsi, si un caractère s’exprime davantage chez de vrais jumeaux que chez de faux jumeaux, on peut en conclure que le gène impliqué a influencé ce caractère de manière significative. En revanche, si un caractère s’exprime de la même manière chez de vrais et de faux jumeaux, il y a de fortes chances pour que ce soit leur environnement, et non leurs gènes, qui ait influencé ce trait particulier.

Les vrais jumeaux peuvent également aider les scientifiques à déterminer l'impact de l'environnement sur le fonctionnement d'un gène, et par conséquent les aider à savoir si certains traits ou certaines maladies dépendent davantage de la génétique ou de l'environnement. En 2015, la revue Nature Genetics a procédé à un examen approfondi d’études du monde entier portant sur la gémellité ; les chercheurs ont conclu qu'en moyenne, les facteurs environnementaux et génétiques pouvaient à part égales influencer les traits d'une personne et les maladies dont elle peut souffrir.

 

PLUS JUMEAUX ?

Scott et Mark Kelly étaient autrefois de vrais jumeaux. Puis Scott Kelly a passé un an en orbite à bord de la Station spatiale internationale, et tout a changé. Lorsqu'il a atterri, il mesurait 5 cm de plus, avait beaucoup perdu en masse corporelle et, selon les chercheurs de la NASA, certains aspects de son ADN avaient changé. Son frère et lui n'étaient plus de vrais jumeaux.

Non, Scott ne s'est pas transformé en extraterrestre. Au contraire, le stress prolongé de la vie dans l'espace a modifié le fonctionnement de ses gènes, du moins pendant un certain temps. Étant donné que Scott et Mark partagent essentiellement le même ADN, les scientifiques ont comparé les gènes des deux hommes avant et après le voyage de Scott. Ils voulaient notamment savoir si les radiations pouvaient endommager les sections d'ADN situées à l'extrémité de chaque chromosome, appelées télomères.

Les télomères sont comme les bouts de plastique à l'extrémité des lacets qui empêchent le tissu de se défaire. Sans ces protections, les extrémités de l'ADN peuvent être endommagées. Les tests préliminaires ont révélé que la longueur moyenne des télomères de Scott avait augmenté de manière significative pendant qu'il était en orbite, et qu'ils avaient raccourci dans les 48 heures suivant l'atterrissage. Les télomères de son frère sont eux en revanche restés relativement stables.

L'année que Scott a passée en orbite a également modifié son système immunitaire, la formation de ses os, sa vue, et d'autres fonctions biologiques. La plupart de ces modifications génétiques sont revenues à la normale, mais les chercheurs ont constaté que 7 % de l’expression de ses gènes avaient également changé. L’expression génétique détermine si les gènes s'activent ou se désactivent, ce qui peut modifier le fonctionnement des cellules. Les scientifiques ne se sont pas alarmés car des facteurs environnementaux, en l'occurrence le stress d'un voyage dans l'espace, peuvent affecter ce processus. Ainsi, le corps de Scott a mis en veilleuse certains gènes et en a amplifié d'autres.

Bien que l'expression de ses gènes ait changé, son ADN lui n’a pas bougé. En outre, le fait que Scott et Mark ne soient « plus » de vrais jumeaux n’a rien de surprenant. Au niveau de la séquence la plus élémentaire, des changements chimiques peuvent se produire au fil du temps, affectant l'endroit et la manière dont les gènes sont exprimés, même chez de vrais jumeaux vivant sur terre. En réalité, Mark et Scott Kelly ne sont plus de « vrais » jumeaux depuis des années.

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    Gauche: Supérieur:

    Les vrais jumeaux Don (à gauche) et Ed Makielski, originaires d'Ypsilanti, dans le Michigan, portent des T-shirts assortis indiquant que Don est l'aîné des deux, lors de la 32e édition du Twins Days Festival à Twinsburg, dans l’Ohio.

    PHOTOGRAPHIE DE Jason Reed, Reuters, Redux
    Droite: Fond:

    Mark et Scott Kelly, astronautes de la NASA à la retraite et vrais jumeaux, ne sont plus identiques depuis que Scott a passé un an dans l’espace et que son corps s’en est retrouvé modifié. 

    PHOTOGRAPHIE DE NASA

     

    L’ORIENTATION SEXUELLE

    Des études portant sur des jumeaux, vrais et faux, suggèrent que l'hérédité serait l'un des principaux facteurs déterminant l'orientation sexuelle. En réalité, de nombreuses études affirment que la génétique supplanterait d'autres influences telles que celle de l’environnement familial, de l’éducation et de l'environnement global. Des études menées sur des jumeaux de sexe masculin suggèrent que jusqu'à 60 % de leur orientation sexuelle serait d'origine génétique.

    D'autres études ont démontré que les vrais jumeaux étaient plus susceptibles d'être attirés par les personnes du même sexe que les faux jumeaux ou les frères et sœurs non jumeaux. Dans une étude qui ne portait pas sur des jumeaux, les chercheurs ont examiné le patrimoine génétique de 456 hommes issus de 146 familles, qui avaient au moins deux frères homosexuels. Résultats : 60 % des homosexuels présentaient le même schéma génétique sur trois chromosomes spécifiques.

    La recherche sur les jumeaux peut révéler bien des choses sur le fonctionnement de l'être humain. Elle permet non seulement de comprendre la fonction des gènes, mais aussi d’affirmer que l'homosexualité ne serait pas plus un choix que l'hétérosexualité.

    Les paires de vrais et de faux jumeaux fournissent des indices sur la manière dont les gènes et l'environnement affectent le développement.

    PHOTOGRAPHIE DE Paolo Woods, Nat Geo Image Collection

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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