Rares images d’un grand requin blanc aperçu au large des côtes du Maine
Brian Skerry, photographe pour National Geographic, a passé plus de 10 000 heures sous l’eau, mais c’est la première fois qu’il prend un grand requin blanc en photo dans le Maine, si près des côtes.

Un grand requin blanc juvénile de près de 3 mètres de long, nage sous la surface de l’eau à environ 25 kilomètres de la côte de Harpswell, dans le Maine.
Dès que le photographe et explorateur National Geographic, Brian Skerry, a aperçu l’énorme animal, il a tout de suite su quelle créature lui rendait son regard. « Ce n’est pas une silhouette que l’on confond facilement », plaisante-t-il.
À seulement un mètre de lui se trouvait un grand requin blanc de 3 mètres de long.
Les requins équipés de puces GPS ont déjà été aperçus au large des côtes américaines de l’État du Maine, mais Brian Skerry pense qu’il s’agit de la première photo sous-marine que l’on a d’un grand requin blanc dans cette région. Le photographe plonge dans ces eaux depuis près de cinquante ans. Il a passé plus de 10 000 heures sous l’eau, photographiant la faune marine depuis la surface et en-dessous.
Auparavant rares, les grands requins blancs s’épanouissent désormais dans le golfe du Maine qui s’étend de Cap Cod, dans le Massachusetts, à Nova Scotia, au Canada. Si ces chiffres en hausse rendent plus aisée la photographie d’un requin dans les eaux proches des côtes, les experts se veulent rassurants : le risque de se faire mordre par un grand requin blanc reste très faible.
UNE BRÈVE RENCONTRE
Le face-à-face de Brian Skerry, le 8 juillet, n’a pas duré longtemps. « Peut-être trois minutes », suppose le photographe. « Et puis elle est partie et on ne l’a jamais revue. »
Il a eu de la chance, son appareil photo était prêt. Il a capturé un cliché de ce qu’il pense être un spécimen femelle juvénile, la bouche légèrement entrouverte et le ventre blanc brillant contre le vert intimidant de l’eau. Le reflet du requin sur la surface flotte au-dessus de lui comme un halo.
« Les grands requins blancs ont toujours vécu ici », explique John Chisholm, biologiste marin au sein de l’aquarium de Nouvelle-Angleterre, à Boston. Il dit n'avoir jamais vu une photo d'un grand requin blanc prise dans le Maine.
Dans le golfe du Maine, les grands requins blancs figurent depuis toujours sur les registres de pêche, et des dents vieilles de 1 000 ans ont été découvertes au cours de fouilles archéologiques. Mais la pêche aux trophées, ainsi que les captures accessoires commerciales dans les années 1970 et 1980 auraient participé à un déclin de 73 % de leur population.
En 1972, la loi sur la protection des mammifères marins aux États-Unis (Marine Mammal Protection Act) a établi des protections juridiques pour les phoques, protégeant ainsi l’une des principales proies des grands requins blancs.
Près de deux décennies plus tard, en 1997, le Service national de la Pêche maritime des États-Unis a commencé à réguler de manière plus stricte, en la prohibant dans certains cas, la pêche des requins. Une législation protective du Massachussetts a été renforcée en 2005 après que l’État a banni la possession et la vente lucrative de nageoires de requins. Ils sont à présent protégés à travers leur territoire du nord-ouest de l’Atlantique. Il est illégal de capturer, de conserver ou de posséder un grand requin blanc dans les eaux américaines.
Cela a aidé les populations de grands requins blancs à rebondir. Les scientifiques ont enregistré plus d’une centaine d'individus dans les eaux du Maine entre 2012 et 2023.
« Nous avons commencé à apercevoir plus de phoques et de grands requins blancs, dans des proportions de plus en plus importantes que ce que nous avions pu observer de mémoire récente à Cape Cod », se réjouit Camrin Braun, scientifique assistant au sein de l’Institution océanographique Woods Hole sur les groupes de prédateurs marins. Camrin Braun n’avait également aucune connaissance d’une telle image de grand requin blanc dans le Maine.
Une attaque mortelle de requin en 2020, la première de l’histoire de l’État, a sensibilisé le public au retour des grands requins blancs au large des côtes, ajoute-t-il.
QUE NOUS APPREND CETTE PHOTO ?
Le réchauffement des températures à la surface pourrait-il attirer plus de requins vers les côtes du Maine ?
Le golfe du Maine se réchauffe plus vite que 97 % des océans du globe. « C’est l’un des épicentres du réchauffement sur la planète », explique Camrin Braun.
Des eaux plus chaudes pourraient permettre aux juvéniles de se rendre plus loin, au Nord, vers des eaux qui étaient auparavant trop froides pour les grands requins blancs. John Chisholm pense toutefois qu’une augmentation de la population de requins serait plus susceptible d’être due aux réglementations en matière de conservation.
Le fait que l’on aperçoive plus de grands requins blancs pourrait aussi être lié au nombre de personnes se trouvant sur l’eau avec un téléphone équipé d’un appareil photo. Il y a vingt ans, John Chisholm pouvait attendre des jours, des semaines, voire des années pour confirmer la présence d’un requin. À présent, il reçoit des dizaines de photos chaque jour grâce à l’application Sharktivity.
Et même si une photo d’un grand requin blanc a fait surface, ce n’est pas une raison pour que les baigneurs de la Nouvelle Angleterre craignent plus de mettre un pied dans l’océan. John Chisholm rappelle qu'il y a plus de risques de se blesser sur le chemin de la plage en voiture qu’il n’y en a de se faire mordre par un requin.
Nous pouvons coexister avec les requins si l’on se montre prudent « tout comme une personne vivant en Alaska se balade dans les bois en sachant qu’il pourrait y rencontrer un grizzli », compare Brian Skerry. « Nous pouvons apprendre à apprécier ces animaux, même si nous ne voulons pas nager jusqu’à eux et leur faire un câlin. »
Pour être malin comme un requin, ne nagez pas seul, dans des eaux troubles ou si vous apercevez des phoques ou un grand banc de poissons. Évitez de nager à l’aube ou au crépuscule et « ne faites pas trop de bruit, cela peut attirer les requins », avertit John Chisholm.
En tant que super-prédateurs, les requins jouent un rôle vital dans la bonne santé des océans. Mais nous représentons un plus grand danger pour eux, qu’eux ne le sont pour nous. Les humains tuent près de 100 millions de requins chaque année, déplore Brian Skerry. « Un océan vraiment effrayant, ce serait un océan sans requins. »
La National Geographic Society s’est engagée à mettre en lumière et à protéger les merveilles de notre monde. Elle a financé le travail de l’explorateur Brian Skerry grâce à une collaboration avec Builders Vision. Pour en apprendre plus sur le soutien que la Society apporte aux explorateurs, cliquez ici.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
