Le télescope James Webb a repéré une nouvelle ceinture d'astéroïdes autour de l'étoile Fomalhaut

Située à 25 années-lumière de la Terre, Fomalhaut compte parmi les étoiles les plus brillantes du ciel nocturne. Les ceintures d'astéroïdes qui l'entourent pourraient nous permettre d'expliquer la formation des systèmes planétaires.

De Megan Gannon
Publication 9 mai 2023, 16:43 CEST
Trois ceintures de débris poussiéreux imbriqués s'étendent à 22,5 milliards de kilomètres de la jeune étoile Fomalhaut. ...

Trois ceintures de débris poussiéreux imbriqués s'étendent à 22,5 milliards de kilomètres de la jeune étoile Fomalhaut. Il est probable que les ceintures intérieures soit le fruit des forces gravitationnelles de planètes que nous ne pouvons pas voir, comme le montre cette image prise par le télescope spatial James Webb, qui cache la lumière de l'étoile pour révéler la matière environnante.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, ESA, CSA, Traitement de l'image par András Gáspár, Université d'Arizona, et Alyssa Pagan, STScI

Une nouvelle image capturée par le télescope spatial James Webb (JWST) révèle un aperçu stupéfiant des ceintures de débris poussiéreux qui orbitent autour d’une étoile. Comparables à la ceinture d’astéroïdes de notre propre système solaire, ces anneaux de roches et de glaces brisées pourraient bien aider les scientifiques à expliquer le phénomène qui mène à la formation des systèmes planétaires.

Les disques de débris photographiés sont en orbite autour d’un astre plus jeune et plus gros que notre Soleil, et situé à environ 25 années-lumière de la Terre. Cette étoile, connue sous le nom de Fomalhaut, est l’une des plus brillantes du ciel nocturne et habite la constellation du Poisson austral. Alors que deux ceintures avaient déjà été observées autour de Fomalhaut par le passé, la nouvelle image publiée hier dans la revue Nature Astronomy montre que trois ceintures tiennent en réalité compagnie l’étoile.

« Je pense qu’il est impossible de regarder cette image sans se dire que c’est absolument magnifique », affirme Alycia Weinberger, astronome à la Carnegie Institution for Science de Washington, qui n’était pas impliquée dans l’étude.

Fomalhaut est bien plus chaude que notre Soleil, et environ quinze fois plus brillante. Située à 25 années-lumière de la Terre, elle brûle de l'hydrogène à un rythme si effréné qu'elle s'éteindra dans un milliard d'années seulement, soit environ 10 % de la durée de vie de notre étoile.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, Agence Spatiale Européenne, et le Digitized Sky Survey 2

Fomalhaut est bien connue des astronomes, car elle possède l’une des premières ceintures jamais repérées en dehors du système solaire. Dans les années 1980, des chercheurs qui utilisaient l’Infrared Astronomical Satellite pour observer les cieux avaient en effet découvert des ceintures de débris autour de quatre étoiles, surnommées les fabulous four (les quatre fabuleuses) : Fomalhaut, Véga, Beta Pictoris et Epsilon Eridani.

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    Le système de Fomalhaut est devenu encore plus intrigant lorsque, en 2008, des astronomes ont détecté avec le télescope spatial Hubble ce qui semblait être une planète massive en orbite autour de l’étoile. Fomalhaut b était la première exoplanète directement observée en lumière visible. Cette dernière a cependant disparu des radars lors des observations suivantes et, en 2020, une étude menée par András Gáspár de l’Université de l’Arizona a révélé qu’il s’agissait probablement d’un nuage de poussière issu d’une collision entre deux objets plus petits.

    Gáspár attend depuis des années de pouvoir observer le système Fomalhaut de plus près avec le JWST, qui est le plus grand télescope spatial de l’Histoire. C’est pourquoi il a commencé, dès 2016, à concevoir un programme d’observation de l’étoile à l’aide de l’un de ses instruments : le MIRI (Mid-Infrared Instrument). Le JWST a été lancé en décembre 2021 et, en octobre 2022, Gáspár a enfin eu l’occasion de redécouvrir Fomalhaut.

    Ce que l'on pensait être une exoplanète massive, Fomalhaut b (dans l'encadré), a été capturé en lumière visible par le télescope spatial Hubble, en 2008. Le JWST ne l'a cependant pas détectée dans l'infrarouge moyen ; il s'agissait donc probablement d'un nuage de poussière provenant d'une collision entre deux mini-planètes.

    PHOTOGRAPHIE DE Paul Kalas, Université de Californie, Berkeley, NASA, Agence Spatiale Européenne

    « La situation dépeinte par [l’image] est très différente de celle que nous nous attendions à observer », explique Gáspár. « C’est vraiment passionnant. Nous voyons un système très complexe et très dynamique. »

     

    DES RESTES SPATIAUX

    Autour du Soleil, la ceinture d’astéroïdes et la ceinture de Kuiper, plus éloignée, abritent les restes du système solaire : des astéroïdes, comètes, planétésimaux et autres débris anciens qui n’ont pas été incorporés dans les planètes. Bien que de tels disques de débris tournent probablement autour de milliers d’autres étoiles, leur observation n’est pas chose aisée.

    Le MIRI capte la lumière infrarouge moyenne, que l’œil humain ne peut pas voir. Ce type de lumière est particulièrement utile pour observer la poussière. Même si les télescopes spatiaux précédents disposaient eux aussi d’instruments pouvant accéder à l’infrarouge moyen, le MIRI propose une ouverture beaucoup plus grande, ce qui signifie qu’il peut collecter davantage de lumière et ainsi détecter des objets moins lumineux.

    « C’est sans précédent », se réjouit Gáspár. « Et je ne pense pas que nous pourrons refaire une telle observation avant la fin de ma carrière. C’est vraiment une occasion unique pour les astronomes. »

    Grâce au MIRI, Gáspár et ses collègues ont constaté que le système Fomalhaut possède non seulement un disque interne comme la ceinture d’astéroïdes et un grand anneau de poussière extérieur comme la ceinture de Kuiper, mais aussi un anneau intermédiaire, plus flou. Les écarts entre les anneaux et leur mauvais alignement suggèrent que des planètes invisibles, trop petites pour être observées avec le télescope, sont en orbite autour de l’étoile.

    « C’est fantastique d’enfin découvrir toute la structure à l’intérieur de la ceinture de poussière principale que les autres télescopes n’ont jamais pu observer auparavant », confie Samantha Lawler, astronome à l’Université de Regina, au Canada, qui n’était pas impliquée dans ces nouvelles recherches. « Je pourrais passer beaucoup de temps à regarder cette image. »

    La ceinture intermédiaire a été une véritable surprise, car les images précédentes n’avaient rien montré à cet endroit, ajoute-t-elle.

    Alors que l'on pensait que Fomalhaut b était une planète, les chercheurs pensent aujourd'hui qu'il s'agit d'un nuage de poussière issu d'une collision entre deux objets protoplanétaires de 200 kilomètres de large. Le « grand nuage de poussière » récemment découvert pourrait être le résultat d'une telle collision, mais entre deux objets beaucoup plus grands. Selon une autre théorie, il s'agirait d'une « galaxie d'arrière-plan qui nous jouerait des tours, et qui se situerait juste derrière l'anneau extérieur. Une observation complémentaire devrait nous aider à trancher », écrit András Gáspár, de l’Université de l'Arizona à Tucson et auteur principal du nouvel article.

    PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne, NASA, and M. Kornmesser

    « C’est très cohérent avec la théorie selon laquelle Fomalhaut b, la potentielle exoplanète, serait un nuage de poussière issu d’une collision », explique Lawler.

    La poussière qui compose cet anneau intermédiaire n’est pas immobile depuis 400 millions d’années, qui est l’âge estimé de Fomalhaut : elle se régénère probablement en permanence grâce à de nouvelles collisions entre des astéroïdes et des comètes. L’équipe chargée de l’étude pense avoir repéré un autre nuage de poussière issu d’une collision et qui serait en train de s’étendre.

    Ce « grand nuage de poussière » a été repéré dans la ceinture extérieure, et sa taille, ainsi que celle des grains de poussière qui réfléchissent la lumière au télescope, suggèrent qu’il serait le fruit de la collision de deux planétésimaux d’environ 725 kilomètres de large chacun.

    « Nous pensons que des collisions se produisent dans les disques de débris », explique l’astrophysicienne Meredith MacGregor, de l’Université du Colorado à Boulder, qui n’était pas impliquée dans l’étude. « Les petits grains de poussière sont éliminés sur des échelles de temps plus courtes que l’âge du système, ce qui signifie que la poussière que nous voyons aujourd’hui s’est probablement régénérée par le biais de collisions. »

    Néanmoins, l’astrophysicienne souligne que « nous ne suivons pas régulièrement les événements individuels de collision. Il est essentiel de s’assurer que [la poussière] est bien associée au système et qu’il ne s’agit pas d’un objet d’arrière-plan. »

    Avant l'image de Fomalhaut prise par le JWST, les autres télescopes ne pouvaient voir que la ceinture extérieure, comme sur cette image prise en 2012 par l'observatoire spatial Herschel de l'Agence spatiale européenne.

    PHOTOGRAPHIE DE Agence Spatiale Européenne, Herschel, PACS, Bram Acke, KU Leuven, Belgique

     

    DES MILLIERS DE SYSTÈMES UNIQUES

    Ces observations sont prometteuses pour les chercheurs qui attendaient de découvrir les nombreuses possibilités offertes par le JWST. « C’est incroyable de voir la qualité des données et de penser à tous les nouveaux [projets] scientifiques que nous pourrons réaliser », affirme MacGregor.

    Gáspár prévoit déjà d’observer les disques de débris qui entourent les étoiles Véga et Epsilon Eridani à l’aide du JWST. « Aucun de ces disques n’a été vraiment bien observé, et nous savons qu’ils sont là. Nous aurons donc l’occasion de voir ces systèmes bien définis pour la première fois. » En comprenant mieux les disques de débris qui orbitent autour d’autres étoiles, les scientifiques pourraient enfin parvenir à expliquer la formation des systèmes planétaires.

    « Ce que nous aimerions vraiment comprendre, c’est où les planètes peuvent se former. À quelle distance de leur étoile peuvent-elles se former ? Comment se déplacent-elles après leur formation ? » explique Weinberger. « Nous pensons pouvoir déduire ces informations en examinant la structure des disques. »

    En analysant les ceintures de roche et de glace qui entourent d’autres étoiles, les scientifiques pourraient également estimer avec davantage de précision si la structure de notre système solaire est habituelle, ou si elle résulte d’un phénomène plus étrange et unique.

    « À ce jour, 5 000 autres exoplanètes ont déjà été découvertes, et nombre d’entre elles se trouvent dans des systèmes qui ne ressemblent en rien à notre système solaire », conclut-elle.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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