Charlotte, la princesse belge devenue impératrice du Mexique

La chute de l’empire de Charlotte et de Maximilien Ier du Mexique en 1867, brisa le cœur et l’esprit de la souveraine.

De Braden Phillips
Publication 16 oct. 2023, 16:38 CEST
L’impératrice Charlotte, peinte en 1865 par Albert Gräfle, s’intéressait de près à l’amélioration des conditions de travail ...

L’impératrice Charlotte, peinte en 1865 par Albert Gräfle, s’intéressait de près à l’amélioration des conditions de travail dans l’agriculture et aux affaires autochtones. Elle estimait que l’insuccès des nombreux gouvernements des décennies précédentes était lié au fait qu’ils « [n’avaient] jamais eu de racines dans la population indigène, qui est la seule à fonctionner et à permettre à l’État de vivre ». Sa connaissance de la culture locale s’étendait aux dîners et aux galas, lors desquels elle servait au moins un ou deux plats nationaux. Elle connaissait également les différences régionales en matière de nourriture, bien que les chefs européens aient eu du mal à s’adapter à ses préférences.

PHOTOGRAPHIE DE DEA, Getty

Intelligence, beauté et amour : tout souriait à la princesse de Belgique. Elle était parvenue à éviter les mariages arrangés qui incombaient souvent à la royauté : ses fiançailles à l’âge de 17 ans avec Maximilien de Habsbourg, le frère cadet de l’empereur d’Autriche, qui lui plaisait autant physiquement qu’intellectuellement, étaient autant un choix amoureux que politique. Tous deux finirent par se rendre en Amérique du Nord, où ils furent sacrés empereur et impératrice du Mexique. Née Marie-Charlotte, la nouvelle impératrice se fit également connaître sous le nom de Carlota.

Le bonheur personnel était cependant difficilement conciliable avec la géopolitique turbulente du milieu du 19e siècle. En 1864, poussés par la quête de sens de toute une vie, Charlotte et son mari acceptèrent de gouverner le Mexique. Leur règne prit fin tragiquement avec la mort de Maximilien, un évènement qui eut des effets durables sur la santé mentale de Charlotte, qui fit le deuil de son mari dans l’isolement et la folie. 

Cet éventail fut offert à Charlotte par son mari.

PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

UNE PRINCESSE JOVIALE

Née en 1840, Charlotte était l’enfant préféré de Léopold Ier, roi des Belges. Cela ne faisait que neuf ans que la Belgique avait déclaré son indépendance des Pays-Bas du Nord. La princesse et ses trois frères étaient issus du second mariage de Léopold. Il avait d’abord épousé Charlotte, princesse de Galles, fille du futur George IV d’Angleterre, qui mourut en couches en 1817.

Léopold épousa Louise d’Orléans en 1832, mais ne se remit jamais du décès de sa première femme. Plus de vingt ans après la mort de celle-ci, il donna à sa fille le nom de Charlotte. Les liens du roi des Belges avec la monarchie anglaise occupèrent une place importante dans l’enfance de Charlotte ; elle passait ses vacances au château de Windsor, où elle fut influencée par la nièce de son père, la reine Victoria.

Lorsque Charlotte eut 10 ans, sa mère mourut de la tuberculose. Selon M.M. McAllen, auteure de Maximilian and Charlotte : Europe's Last Empire in Mexico, Charlotte semble tout de même avoir eu une enfance heureuse : « Elle fut très touchée [par cette perte] mais elle fut aidée par son père qui lui apporta davantage d'attention ». Le premier roi des Belges se faisait accompagner de sa jeune fille, très instruite, lors de ses réunions d’État afin de la faire profiter de ses célèbres compétences diplomatiques.

 

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    UNE ARCHIDUCHESSE FRUSTRÉE

    En 1856, à l’âge de 15 ans, elle fit la connaissance de l’archiduc Maximilien, dont elle tomba amoureuse. De huit ans son aîné, il était le frère cadet de l’empereur autrichien François-Joseph. Outre son charme et son allure, Maximilien partageait la vision libérale et réformatrice de Charlotte.

    Aux prémices de leur relation, Maximilien ne semblait pas partager les sentiments de Charlotte. « Elle est très intelligente, ce qui est un peu inquiétant, mais il ne fait aucun doute que j’arriverai à passer outre », écrivait-il à François-Joseph, peut-être sur le ton de la plaisanterie. Après leur mariage, qui eut lieu juste après le 17e anniversaire de Charlotte en 1857, les jeunes mariés voulurent se trouver un rôle. L’archiduchesse Charlotte souhaitait mettre en pratique ses idéaux réformateurs, quand Maximilien, qui pâtissait depuis toujours d’être l’héritier « remplaçant » de son frère, cherchait à se rendre utile.

    L’occasion se présenta lorsque François-Joseph promut Maximilien au poste de gouverneur de Lombardie-Vénétie, qui correspond aujourd’hui au nord-est de l’Italie. Le poste comportait cependant son lot de problématiques puisque Maximilien avait pour mission de réprimer les nationalistes italiens qui se rebellaient contre la domination autrichienne.

    « J’ai un mauvais pressentiment », observait Charlotte, « mais je vois aussi la satisfaction… de faire quelque chose de bien ». Maximilien tenta d’amadouer les nationalistes en leur accordant plus d’autonomie, mais François-Joseph exigeait plus de fermeté de son cadet. Lorsque Napoléon III envoya des forces armées pour soutenir les Italiens à la fin de l’année 1858, Maximilien hésita à riposter, ce qui provoqua la colère de son frère. Maximilen fut rétrogradé puis destitué. Un an plus tard, l’Autriche perdit la Lombardie mais put conserver Venise.

     

    UNE RETRAITE ROYALE

    Pour se remettre de cet échec, Maximilien et Charlotte se firent construire un château de conte de fées : Miramare, sur la mer Adriatique, près de Trieste. Ils s'y installèrent et, si Charlotte avait jusque-là trouvé satisfaction, aménageant les jardins, peignant et jouant du piano, elle comprit que son mariage avec Maximilien commençait à battre de l’aile.  

    À en croire les rumeurs, Maximilien avait des agissements salaces : il aurait eu des liaisons et se serait rendu dans des maisons closes. On ne sait si Charlotte eut vent de ses aventures, mais on murmurait que l’archiduc n’était pas le bienvenu dans son lit. L’incapacité du couple à avoir des enfants ne fit qu’alimenter les spéculations.

    L’évolution de la situation internationale offrit bientôt à Maximilien et à Charlotte une nouvelle occasion de régner. Leur prochaine aventure ne les conduisit pas en Europe mais de l’autre côté de l’océan, en Amérique du Nord. Le Mexique s’était débarrassé de la domination de l'Espagne en 1821, qui ne reconnut son indépendance qu’en 1836.

    Le château de Miramare à Trieste (Italie actuelle) fut construit par l’archiduc Maximilien et l’archiduchesse Charlotte avant leur départ pour le Mexique.

    PHOTOGRAPHIE DE Andrea Pavan, Fototeca 9x12

     

    LEUR NOMINATION AU MEXIQUE

    Le Mexique fut en proie à une longue instabilité politique jusqu’en 1860, où les forces libérales dirigées par Benito Juárez prirent le contrôle du pays. Les États-Unis, voisins du Mexique, reconnurent le gouvernement de Juárez, mais étaient trop occupés par leur propre guerre civile pour lui apporter un grand soutien.

    L’Europe vit le Mexique comme un pays vulnérable, et Napoléon III, voulut se l’approprier. Encouragée par les conservateurs et les catholiques mexicains, la France envahit le pays en 1862 et occupa Mexico. Pour diriger son nouvel « empire », Napoléon y établit un prince européen : l’archiduc Maximilien.

    L’empereur autrichien François-Joseph approuva la nomination de son jeune frère, mais conseilla à ce dernier de bien s’assurer du soutien militaire de la France et de se faire accepter comme empereur par la majorité des Mexicains. La France organisa ce que de nombreux historiens considèrent comme un faux référendum qui montra que Maximilien disposait du soutien populaire au Mexique.

     

    UNE IMPÉRATRICE DÉTERMINÉE

    Charlotte vit le fait de régner sur le Mexique comme une noble mission. « Une monarchie est possible », affirmait-elle, persuadée que ce régime pouvait assurer la stabilité politique du pays. En 1864, le couple élut domicile au château de Chapultepec, à l’extérieur de Mexico, et tenta d’obtenir le soutien à la fois des conservateurs catholiques et des libéraux de Juárez. Leur approche soi-disant équilibrée ne fit qu’aliéner les deux camps. Charlotte joua un rôle central, présidant le Conseil des ministres et tenant des audiences publiques le dimanche. « L’impératrice aurait dû être l’homme et la femme », écrivait Maximilien. « Elle préfère le tambour, je préfère le bâton. »

    Les tourmentes politiques commencèrent à se retourner contre l’empereur et l’impératrice du Mexique ; après la fin de la guerre de Sécession, les États-Unis commencèrent à soutenir plus activement les libéraux. Au début de l’année 1866, Napoléon III retira les forces françaises, abandonnant Maximilien à son sort. Le nouveau roi des Belges, Léopold II, frère de Charlotte, conseilla à Maximilien d’abdiquer, ce à quoi Charlotte s'opposa fermement : « Rien ne peut nous délier de notre serment. »

    Prête à tout pour sauver leur empire, Charlotte prit congé de Maximilien pour plaider sa cause en Europe, sans savoir qu’elle ne le reverrait jamais. En dépit des sollicitations de Charlotte, Napoléon refusa de leur apporter son soutien et leur recommanda d’abdiquer. Cet échec provoqua une grave dépression chez Charlotte, qui se mit à croire que des assassins français essayaient de l’empoisonner. Elle implora également l’aide du pape Pie IX à Rome, qui refusa lui-aussi de lui apporter son aide.

     

    LA CHUTE

    Troublé par son comportement, son frère Philippe, comte de Flandre, la convainquit de retourner à Miramare. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, Maximilien et ses soldats étaient faits prisonniers par les forces mexicaines en mai 1867. Un mois plus tard, Maximilien était exécuté par un peloton d’exécution mexicain, ce qui mit officiellement fin à son règne éphémère. 

    La santé de Charlotte se détériora à Miramare, où la famille de son mari s’occupait d’elle. Ses médecins lui diagnostiquèrent une « folie avec des idées fixes de persécution ». Charlotte finit par retourner en Belgique avec ses frères, mais son état ne s’améliorera pas pour autant. La médecine ne fut pas en mesure d’identifier la cause de sa psychose ni de la traiter avec succès. L’ancienne impératrice vécut encore soixante ans et passa une grande partie de sa vie recluse, avant de mourir au château de Bouchout (12e siècle), au nord de Bruxelles, en 1927.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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