Pourquoi la civilisation maya s'est-elle effondrée ?

Luttes pour le pouvoir ? Sécheresse ? Surpopulation ? Des indices cachés dans la jungle nous éclairent sur ce qui est réellement arrivé aux Mayas.

De Ana García Barrios
Publication 15 août 2023, 17:43 CEST
Temple in Tikal

Au-dessus des épaisses racines des arbres de la jungle du Petén s’élève le temple V de l’ancienne cité maya de Tikal, dans l’actuel Guatemala. La structure de 57 mètres de haut située au sud de l’acropole centrale fut construite vers l’an 600 de notre ère.

PHOTOGRAPHIE DE Brian van Tigehm, Alamy, ACI

La civilisation maya s’étendait autrefois sur un vaste territoire en Méso-Amérique, dans ce qui correspond aujourd’hui au sud du Mexique et à l’Amérique centrale. Bien qu’elle abritât des villes prospères et des milliers d’habitants, en l’espace de deux siècles, les principales cités de cette civilisation furent désertées, ses grands temples abandonnés et ses œuvres d’art éclatantes laissées inachevées.

Dater précisément le début de la culture maya s’avère aussi ardu que déterminer sa chute. Selon de nombreux chercheurs, elle aurait commencé à se constituer entre 7000 et 2000 avant J.-C., après que des chasseurs-cueilleurs d’Amérique du Sud se furent installés en Méso-Amérique. La culture du maïs, leur aliment de base, aurait explosé vers 4000 avant J.-C., permettant ainsi à la culture maya de s’épanouir et de s’étendre.

Ses interactions avec la civilisation olmèque voisine auraient stimulé les progrès de l’architecture maya, comme en témoigne la construction d’immenses complexes rituels bordés de villes. Parmi les centres urbains les plus importants, citons Uxmal, Palenque, Chichén Itzá, Tikal, Copán et Calakmul. Construits pendant la période classique (200-900 apr. J.-C.), les temples mayas pyramidaux et autres bâtiments grandioses (considérés par certains comme des palais), étaient décorés d’innombrables œuvres d’art dédiées aux dieux.

 

LES LUTTES POUR LE POUVOIR

Les chercheurs ont démontré que la civilisation Maya n’était pas un empire unifié, mais qu’il s'agissait plutôt d’une société partagée. Des luttes pour le pouvoir eurent bien lieu, mais celles-ci furent menées par des cités-États rivales ou des ajaws (dirigeants) locaux. Cancún (dans l’actuel Mexique) était l’une de ces prospères enclaves mayas. Elle occupait une position stratégique sur les routes commerciales de la région et était politiquement liée à la puissante cité maya de Calakmul. De nombreuses inscriptions ont été retrouvées sur les monuments, mais aucune n’est postérieure à l’an 800.

Un panneau sculpté en l’an 795 montre l’ajaw de Cancuén, Tajal Chan Ahk, accompagné d’un noble de rang inférieur et d’un prêtre.

PHOTOGRAPHIE DE Alamy, ACI

Selon les preuves archéologiques, la ville aurait cette année-là été la cible d'une violente attaque. La famille royale et d’autres membres de la noblesse furent assassinés et leurs cadavres ainsi que les emblèmes du pouvoir et leurs bijoux en jadéite furent jetés dans trois espaces funéraires improvisés. Dans le plus grand d’entre eux, les archéologues ont mis au jour trente-huit corps portant des traces de traumatismes brutaux.

Si une telle violence n’avait rien d’inhabituel dans la région, cet incident s’inscrit lui dans un contexte plus large. Au cours des premières décennies du 9e siècle, une crise politique et sociale toucha presque toutes les villes mayas. À la fin de la période classique, les sculpteurs mayas avaient cessé de tailler des monuments, les scribes avaient cessé d’enregistrer les actes de leurs souverains et les ouvriers avaient interrompu la construction des palais et des temples. Les villes furent abandonnées. La chute de l’empire maya ne faisait que commencer.

Cet effondrement, un déclin qui s’est étendu de ville en ville, dura plus de cent ans. Il commença dans la région de Petexbatún et traversa les terres près du fleuve Usumacinta.

Les villes tombant comme des dominos, la jungle commença à reprendre du terrain sur la civilisation maya, les racines et les vrilles des plantes envahissant palais, temples et places.

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    La grande pyramide de Calakmul, dans l’État mexicain de Campeche, émerge de la végétation luxuriante qui l’entoure. La ville déclina au début du 9e siècle. Aucune inscription postérieure à 909 n’a été retrouvée.

    PHOTOGRAPHIE DE Alfredo Matus, Alamy, ACI
    Droite: Fond:

    Cette pyramide fut érigée en 734 sur la Grande Place de Tikal pour abriter la dépouille du souverain Jasaw Chan K'awiil I. Comme d’autres cités mayas, Tikal fut abandonnée vers l’an 900.

    PHOTOGRAPHIE DE AWL Images

    À LA RECHERCHE D’INDICES

    Cachés dans la jungle, les vestiges de l’architecture maya fournissent des indications intéressantes sur la rapidité de cet effondrement. Sur les murs de l’un des derniers bâtiments érigés dans la ville de Bonampak, dans la région du fleuve Usumacinta, des peintures murales aux couleurs flamboyantes illustrent une bataille victorieuse livrée par les ajaws en 791, ainsi qu’une cérémonie royale spectaculaire. 

    Reste que cette œuvre d’art n’a jamais été achevée. On distingue sur les murs des esquisses incomplètes ; c’est comme si les artistes avaient posé leurs outils et puis quitté les lieux en plein travail.

    Il existe un exemple tout aussi dramatique à Yaxchilán, une cité proche de Bonampak. En 800, le roi fit ériger un imposant bâtiment qu’il décora de nombreuses sculptures. Les linteaux, les stèles et les escaliers de l’édifice furent minutieusement sculptés de scènes et de textes royaux, mais huit ans plus tard seulement, l’œuvre fut abandonnée. Le dernier texte retrouvé sur le site fut écrit en 808.

    Au début du 9e siècle, les bâtisseurs commencèrent à travailler sur un magnifique temple dans la cité d’Aguateca, dans l’actuel Guatemala. Mais en 810, les travaux s’arrêtèrent brusquement, laissant le temple à moitié achevé. Les stèles qui avaient été lissées pour être sculptées, furent laissées telles quelles. Si l’on en croit les palissades et les fortifications défensives construites, les habitants d’Aguateca étaient victimes d’une menace extérieure. Quelques années plus tard, la cité était déserte : ce qui frappa les cités comme Aguateca, le fit brutalement.

    L’effondrement de la civilisation maya a été étudié par d’innombrables chercheurs qui ont élaboré des théories fascinantes pour résoudre ce mystère. Beaucoup s’accordent à dire que ce qui provoqua la chute de la société maya fut une combinaison complexe de facteurs, et non un événement particulier. 

     

    CONTRAINTES ET TENSIONS

    Il existe de nombreuses théories pour expliquer l’effondrement des Mayas, et la plupart d’entre elles s’appuient sur plusieurs facteurs communs. L’une de ces théories soutient que la surpopulation des cités mayas aurait contribué à déclencher cette crise par la surexploitation des ressources locales. Au début du 9e siècle, la civilisation maya atteignit le sommet de sa courbe démographique. Tikal, dans l’actuel Guatemala, était la plus peuplée de toutes les cités mayas et comptait environ 50 000 habitants. Selon certains chercheurs, même si l’agriculture locale s’était étendue, elle aurait eu du mal à subvenir aux besoins de la population. En termes de démographie, on ne sait pas exactement comment les populations se sont réparties après avoir abandonné leurs villes.

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    Figurine d'un dignitaire maya de la fin de la période classique, datant de 600 à 900 de notre ère.

    PHOTOGRAPHIE DE Alamy, ACI
    Droite: Fond:

    Buste d'un haut dignitaire maya réalisé entre 600 et 900 de notre ère.

    PHOTOGRAPHIE DE AKG, Album

    Il se pourrait également que la sécheresse soit à l’origine de l’effondrement. Des études récentes sur le paléoclimat mésoaméricain suggèrent qu’aux alentours du 9e siècle, certaines régions des basses-terres mayas auraient souffert d’une pénurie d’eau prolongée, qui aurait alors entraîné des pertes de récoltes et des famines localisées. Les pénuries alimentaires pourraient avoir remis en cause le contrôle de la région par les dirigeants mayas et les populations pourraient alors avoir fui à la recherche de terres plus fertiles, ou s’être rebellées contre leurs ajaws.

    Les conflits armés résultant des luttes pour le pouvoir contribuèrent eux aussi sans doute à l’effondrement des Mayas. Les combats bloquèrent les routes et les voies commerciales, empêchant la circulation rapide des marchandises, ce qui entraîna des pénuries, un effondrement de l’économie et des migrations massives de population. On note une augmentation au 9e siècle du nombre de textes faisant allusion à des guerres entre cités. Différents panneaux sculptés représentent des ajaws qui retiennent leurs ennemis prisonniers, les noms des souverains vaincus étant gravés sur leurs jambes et leurs tuniques.

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    Cette pierre connue sous le nom de stèle 12, est un monolithe de la période classique maya qui représente l’humiliation des captifs après une bataille livrée entre la cité de Piedras Negras (dans l’actuel Guatemala) et la cité de Pomoná au printemps 792.

    PHOTOGRAPHIE DE Archivo Digital Munae. Ministerio de Cultura y Deportes de Guatemala
    Droite: Fond:

    Ce dessin de 1986 de la stèle 12 représente le souverain victorieux de Piedras Negras, K'inich Yat Ahk II, assis au-dessus de ses prisonniers vaincus. Ses nobles portent des coiffes et sont parés de nombreux bijoux. Aux pieds de l’ajaw est agenouillé un sajal (noble ou gouverneur) captif. D’autres prisonniers sont ligotés et dépouillés de leurs vêtements et de leurs parures. Les personnages sont identifiés ; leurs noms sont écrits en glyphes derrière eux. Certains sont des sajals secondaires de Pomoná et sont représentés dans une position de respect envers leur ravisseur, la main droite sur l’épaule gauche. Le style de la stèle semble correspondre aux canons artistiques de Pomoná. Il est possible qu’elle ait été réalisée par des artisans de cette cité qui ont été capturés lors de la même bataille et contraints de réaliser ce monument. Les conflits entre les cités-États mayas se multiplièrent à l’époque de l’effondrement. 

    PHOTOGRAPHIE DE Linda Schele, Cortesia Ancient Americas at LACMA

    L’AGITATION POLITIQUE

    Plus étrange encore, les cités mayas des régions septentrionales de la péninsule du Yucatan connurent un effondrement similaire près d’un siècle et demi plus tard. La cité d’Uxmal, par exemple, était devenue au 10e siècle le principal centre de pouvoir de la région de Puuc. Un énorme palais servait à la fois de résidence royale et de lieu de réunion pour la noblesse. S’y trouvaient également un terrain de jeu de balle, ainsi qu’un complexe cérémoniel appelé Quadrilatère des Nonnes. Les reliefs, les peintures et les inscriptions de cette période évoquent des scènes de guerre, avec des guerriers en tenue de combat et des prisonniers sacrifiés. 

    Les anciennes ruines d’Uxmal, qui ont prospéré entre le 6e et le 10e siècles, comptent parmi les plus beaux exemples de l’architecture maya. Le palais du Gouverneur fut érigé au cours du 10e siècle. Il se dresse sur une immense plate-forme rectangulaire de plus de 180 mètres de long, à laquelle on accède par un escalier de 26 marches.

    PHOTOGRAPHIE DE Leonid Andronov, Getty Images

    Pourtant au 11e siècle, Uxmal connut un déclin dramatique. La construction de plusieurs ouvrages monumentaux ne fut jamais achevée. Cette crise semble avoir été directement liée à l’expansion de la ville voisine de Chichén Itzá. Parallèlement, la région orientale du Puuc se dépeupla de plus en plus jusqu’à être totalement abandonnée au début du 11e siècle.

    Les chercheurs ont tenté de dépasser la thèse simpliste du catastrophisme pour s’intéresser à la myriade de complexités et d’idiosyncrasies régionales qui pourraient expliquer l’effondrement de la civilisation maya. Une chute qui signa la fin d’un système politique et économique et provoqua d’abord l’abandon des villes des basses-terres du sud puis celui des villes des basses-terres du nord, 150 ans plus tard. 

    La civilisation maya ne s’est jamais rétablie, du moins sous sa forme classique. Cependant, les descendants des nobles, des prêtres, des guerriers et des agriculteurs mayas habitent aujourd’hui les mêmes terres que leurs ancêtres et perpétuent leur culture à travers les langues indigènes encore parlées et les rituels religieux. Les pratiques agricoles ancestrales ne sont pas tombées dans l’oubli, pas plus que les styles traditionnels de vêtements et de bijoux. Bien que l’effondrement des Mayas ait semblé sonner le glas de la civilisation maya, la culture maya continue bel et bien de prospérer.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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