Qui était le premier pharaon d'Égypte ?

Il y a 5 000 ans, l'Égypte était divisée en deux terres distinctes jusqu'à ce que Narmer, un roi ambitieux, décide de les unifier et de créer ainsi le premier grand État territorial du monde.

De Editors of National Geographic
Publication 11 juin 2022, 09:45 CEST
Founder of a dynasty

Narmer est représenté portant la couronne rouge de Basse-Égypte et observant ses ennemis vaincus sur la palette de Narmer, qui date d'environ 3100 avant notre ère et est conservée au Musée égyptien du Caire.

PHOTOGRAPHIE DE Scala, Florence

Il y a 5 000 ans, l’Égypte n’était pas une nation unique, du moins pas telle qu’elle existe aujourd’hui. Depuis des milliers d’années, le territoire était divisé en deux terres : la Haute-Égypte au sud, et la Basse-Égypte au nord. Des inscriptions millénaires sur des céramiques et des illustrations de dirigeants de chaque royaume montrent deux entités distinctes avec des traditions différentes.

Avant leur unification, les œuvres représentant des rois montraient des traditions vestimentaires différentes. Les souverains de Haute-Égypte portaient une grande couronne blanche appelée hedjet, tandis qu’en Basse-Égypte, les rois portaient une couronne rouge plus courte appelée deshret. Vers 3100 avant notre ère, un roi de Haute-Égypte, connu sous le nom de Narmer, décida de changer tout cela. En incorporant les terres situées à l’ouest de la région fertile et triangulaire du delta du Nil dans son propre royaume, qui s’étendait alors sur la luxuriante vallée du Nil au sud (qui correspondrait actuellement à la zone qui s’étend du Caire au lac Nasser), il créa une Égypte unifiée : le premier grand État territorial du monde.

L’union des Deux Terres marqua non seulement les débuts d’un État politique, mais aussi les origines d’un grand État culturel. Avec Narmer, l’Égypte commença à développer son propre style visuel, qui demeura à travers les âges, à mesure que l’iconographie et les symboles adoptés par Narmer et ses successeurs s’imposaient. Ces symboles devinrent des outils que les pharaons, tels que Khufu, Hatchepsout ou encore Ptolémée XII, utilisèrent pour communiquer le pouvoir, la force et l’unité pendant des millénaires.

 

LES DEUX TERRES D’ÉGYPTE

La capacité des œuvres d’art à préserver des moments de l’Histoire est remarquable, les événements ayant des impacts sur les personnes qui les subissent. Les documents de l’époque de Narmer sont rares, mais il existe un objet qui survécut à travers les âges et qui nous offre un aperçu des changements qui eurent lieu lors du règne de Narmer. Il s’agit d’une palette en pierre, semblable à celles qui furent commandées par divers rois de Haute-Égypte à la fin de la période prédynastique. Fabriquées en siltite grise et sculptées d’images de dieux, de bêtes et de rois, ces tablettes étaient utilisées pour broyer et mélanger les pigments cosmétiques. Certaines étaient destinées à un usage pratique, d’autres à des cérémonies et d’autres encore étaient déposées en tant qu’offrandes votives dans des temples.

Narmer commanda une telle palette votive en siltite, ou siltstone. Les archéologues britanniques James Quibell et Frederick Green la découvrirent dans les ruines d’un temple à Hiérakonpolis (ou Nekhen), au sud de Louxor, en 1897-98. Désormais connu sous le nom de palette de Narmer, cet objet date d’environ 3200 à 3000 avant notre ère. Il semble que le souverain dédia la palette au temple du dieu faucon Horus, symbole du pouvoir cosmique et politique. Contrairement au masque de Toutânkhamon, qui fit le tour du monde, la palette de Narmer ne quitta jamais l’Égypte. Aujourd’hui, cet artéfact de 64 centimètres de long, qui comporte certains des plus anciens hiéroglyphes du monde, est exposé au Musée égyptien du Caire.

Gauche: Supérieur:

Portant la couronne blanche de Haute-Égypte, le roi est représenté sur la palette de Narmer en train de saisir un ennemi par les cheveux. Derrière lui attend son porteur de sandales. Les deux têtes féminines cornues au sommet représentent la déesse Bat, associée plus tard à la grande déesse Hathor.

PHOTOGRAPHIE DE BPK, Scala, Florence
Droite: Fond:

Le dos de la palette de Narmer présente une grande figure du roi portant la couronne rouge de Basse-Égypte et inspectant les corps décapités de ses ennemis. Deux serpopards de style mésopotamien aux cous entrelacés sont dépeints. En-dessous, un taureau, peut-être Narmer sous sa forme animale, charge les murs d'une ville.

PHOTOGRAPHIE DE Scala, Florence

La palette de Narmer fut fabriquée à partir d’une seule pièce de siltstone, et sculptée sur ses deux faces. L’avant et l’arrière présentent des illustrations du roi, ce qui en fait la plus ancienne représentation monumentale d’un pharaon découverte à ce jour. Sur l’une des faces, Narmer porte un hedjet de Haute-Égypte, saisit un ennemi par les cheveux et lève une massue pour le frapper. Sur l’autre, le souverain porte un deshret de Basse-Égypte et observe ses ennemis vaincus. Ce fut la première fois qu’un roi égyptien était représenté portant les deux couronnes sur une même œuvre d’art.

Les égyptologues considèrent que la présence des deux couronnes est une preuve de la création d’une Égypte unifiée sous le règne de Narmer, et de la volonté de souligner activement cet exploit. Les pharaons qui suivirent s’appuyèrent sur l’iconographie royale utilisée par Narmer et la transformèrent. Les couronnes des deux pays furent finalement combinées en une unique couronne, appelée pschent (ou skhmety).

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    La double couronne d'Égypte sur la tête d'Horus combine les couronnes de Haute-Égypte et de Basse-Égypte. Environ 1850-1700 avant notre ère, vers la fin du Moyen Empire, électrum sur plâtre.

    PHOTOGRAPHIE DE Metropolitan Museum of Art, Rogers Fund and Edwards S. Harkness gift, 1913

    Cette double couronne permettait d’unir visuellement les deux territoires sur la tête de celui qui les gouvernait. Le dieu Horus, à tête de faucon, est souvent représenté portant un pschent ; le pharaon Den, qui régna vers 2900 avant notre ère, est aujourd’hui considéré comme le premier à avoir porté la double couronne, achevant ainsi la fusion des territoires lancée par Narmer, plusieurs générations avant lui.

    Aussi étonnant que cela puisse paraître, le concept des Deux Terres ne disparut pas avec cette Ire dynastie, ni celles qui suivirent. Au contraire, la nature double du royaume égyptien était mise en avant, car la dualité était un principe important de la culture égyptienne, y compris du trône lui-même. Les pharaons de la Ire dynastie adoptèrent le titre de « seigneur des Deux Terres », et les pharaons suivants continuèrent à utiliser ce titre à travers les âges.

    Le fait de préserver la distinction entre les identités des Deux Terres était une façon de donner une dimension divine au nouvel ordre politique. En effet, deux forces aussi opposées que nécessaires étaient au cœur des croyances de l’Égypte antique : Maât (l’ordre) et Isfet (le chaos), les forces statiques et dynamiques qui régissent l’univers. L’objectif était d’atteindre l’équilibre et, pour cela, l’ordre et le chaos devaient coexister.

    INFLUENCES ET ÉVOLUTION

    La palette révèle également l’évolution du style visuel égyptien. Avant Narmer, des influences extérieures à l’Égypte s’introduisaient dans les œuvres d’art. Certaines semblaient simplement décoratives, telles que la rosette, un motif élamite, utilisée pour identifier le porteur de sandales du roi, qui se tient à sa gauche sur la face avant de la palette. Au dos, deux serpopards, des félins mythiques au long cou de serpent, forment un compartiment circulaire avec leurs cous entrelacés ; ces créatures sont également présentes dans l’art élamite ancien.

    D’autres influences mésopotamiennes furent également observées, telles que la représentation des dirigeants sous la forme de véritables bêtes : des créatures redoutables comme les lions, les taureaux, les faucons ou les scorpions qui détruisent les villes et écrasent les ennemis. Sur la palette, Narmer est clairement dépeint deux fois sous une forme humaine, et certains chercheurs pensent qu’il apparaît également deux fois sous la forme d’un roi-bête. Sur l’avant, il pourrait être le faucon dont les bras humains se perchent au-dessus de la tête d’un ennemi, tandis qu’au dos, dans la section la plus basse, il pourrait être le taureau chargeant à travers les murs de la ville et piétinant un ennemi sans défense. Cette iconographie du roi-bête disparut presque entièrement après le règne de Narmer, bien que certains vestiges subsistèrent. Les pharaons pouvaient être représentés sous forme humaine mais portant une queue de taureau (comme Den, le quatrième pharaon qui régna après Narmer).

    L’image figurant sur la face avant de la palette de Narmer demeura dans l’art égyptien au fil du temps. La position du corps de Narmer, avec une main levée tenant une massue et l’autre serrant un ennemi sans défense, peut être retrouvée à presque toutes les époques de l’Égypte des pharaons. Sur les murs de son temple d’Abou Simbel, Ramsès II terrasse ses ennemis à la manière de Narmer, tandis que plus de 1 000 ans plus tard, Ptolémée XII fut représenté sur le temple d’Horus à Edfou dans cette même pose.

     

    QUI ÉTAIT LE PREMIER PHARAON ?

    Le dieu faucon Horus se perche au-dessus des glyphes qui composent le nom de Narmer : le poisson-chat (nar) et le ciseau (mer), sur un serekh d'une jarre en pierre datant de 2500 avant notre ère, et provenant d'Abydos.

    PHOTOGRAPHIE DE Alamy, ACI

    Le nom de Narmer est inscrit sur les deux côtés de la palette : une combinaison des symboles du poisson-chat (nar) et des ciseaux (mer) apparaît en haut de l’objet. Cependant, les premiers égyptologues n’étaient pas certains qu’il était réellement le tout premier pharaon. Les documents royaux de son époque sont rares, et beaucoup de ceux que nous avons sont incomplets. S’il existe plusieurs « listes des rois » qui consignent les noms des pharaons et de leurs successeurs, les listes intactes qui remontent jusqu’à la période thinite sont peu nombreuses.

    Deux des plus importantes furent découvertes au Caire dans les années 1980 par des chercheurs de l’Institut archéologique allemand. Ils trouvèrent deux empreintes de sceaux-cylindres dans la tombe du pharaon Den. Ces sceaux, qui constituent les plus anciennes listes de rois documentées à ce jour, énumèrent les souverains et les successeurs de la Ire dynastie. L’un des sceaux date du milieu de la Ire dynastie et nomme six souverains, et l’autre s’approcherait davantage de la fin de la Ire dynastie, et nomme huit dirigeants. Les deux listes commencent par Narmer.

    Ce sont les listes royales créées des millénaires plus tard, au cours du Nouvel Empire, qui sont à l’origine de la confusion. L’une des plus complètes est la liste d’Abydos, gravée sur le mur du temple mortuaire de Séthi Ier (13e siècle avant notre ère). Gravés sur le mur, Séthi et son héritier, Ramsès (le futur Ramsès II), font face à des rangées de cartouches portant les noms des anciens pharaons d’Égypte. Sur cette liste, le premier roi cité est Ménès, et non Narmer.

    Le grand temple mortuaire de Séthi Ier à Abydos comprend un passage, dont l'un des murs affiche une liste de soixante-seize noms de pharaons (la liste des rois d'Abydos). Ménès figure en premier.

    PHOTOGRAPHIE DE Kenneth Garrett

    Le papyrus de Turin est une autre liste royale datant de la même époque que celle de Séthi Ier. Plutôt que d’être gravée dans la pierre, elle est écrite en caractères hiératiques cursifs sur du papyrus et constitue l’une des listes royales les plus précises et complètes, de la Ire à la XIXe dynasties. Cette dernière nomme également Ménès comme le premier pharaon. Des siècles plus tard, des auteurs classiques, tels que l’historien grec Hérodote, du 5e siècle avant notre ère, écrivirent que Ménès avait unifié l’Égypte. Manéthon, prêtre du temple d’Héliopolis au 3e siècle avant notre ère, écrivit une autre source fiable indiquant que Ménès était le premier roi.

    Les égyptologues tentèrent de concilier l’utilisation de ces deux noms. Peut-être s’agissait-il de deux personnes différentes, l’une qui unifia l’Égypte et l’autre qui régna après elle. Ou peut-être Ménès était-il un personnage composite, constitué à partir de la vie et des actes d’autres rois primitifs. L’égyptologue anglais Flinders Petrie proposa la théorie la plus largement acceptée : Narmer et Ménès étaient une seule et même personne. Narmer était le nom du premier pharaon de la Ire dynastie thinite, et Ménès était un titre honorifique, signifiant « celui qui perdure ».

     

    LA VIE ET LA MORT DU PREMIER PHARAON

    Il reste difficile de déterminer des détails précis concernant la vie de Narmer. Il aurait été originaire de Hiérakonpolis, et aurait été responsable de l’organisation de la quarantaine de régions de son nouveau royaume unifié, appelées nomes. Il se maria, et le nom de son épouse royale était Neith-Hotep, en référence à une ancienne déesse créatrice, Neith. Narmer construisit également un temple dédié au dieu créateur Ptah à Memphis, une autre cité importante de l’Égypte antique.

    Les tombes royales d'Abydos. À partir de Narmer, les pharaons des deux premières dynasties d'Égypte furent enterrés dans la nécropole ancestrale d'Oum el-Qa'ab, à Abydos. Ces chambres vides abritaient autrefois les restes de Khasekhemwy, le dernier roi de la IIe dynastie.

    PHOTOGRAPHIE DE Kenneth Garrett

    Les détails concernant la mort de Narmer sont flous. Des historiens classiques, qui écrivirent des millénaires après sa mort, affirmèrent qu’il fut emporté par un hippopotame. Pour certains égyptologues, il pourrait s’agir d’une figure de style et non d’un hippopotame au sens propre, mais la cause de la mort reste une question ouverte. Narmer décida de faire installer sa tombe dans le sud et fut enterré dans ce qui devint le cimetière royal d’Abydos, où ses ancêtres et ses descendants furent également enterrés.

    La tombe de Narmer est petite, composée de deux chambres souterraines qui suivent la tradition prédynastique de l’architecture funéraire, un style qui s’éteignit avec lui. Sa veuve et son fils (Hor-Aha) furent enterrés dans des tombes plus grandes, et les pharaons suivants dans des structures de plus en plus monumentales : une tradition qui atteignit son apogée avec les pyramides grandioses érigées par les pharaons de l’Ancien Empire.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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