La statue de Zeus, merveille du monde antique à jamais disparue

Cette statue gigantesque du roi des dieux olympiens, qui a marqué l'Histoire en devenant l'une des Sept Merveilles du monde antique, a disparu dans des circonstances mystérieuses 800 ans après sa création, au 5e siècle avant notre ère.

De Mireia Movellán Luis
Publication 19 déc. 2023, 14:26 CET

Cette reproduction contemporaine de la statue de Zeus illustre sa taille imposante.

Reproduction de Look and Learn, Bridgeman, ACI

La célèbre statue d’un Zeus de 12 mètres de hauteur assis sur son magnifique trône était autrefois exposée à l’intérieur d’un temple du sanctuaire d’Olympie à son effigie. Selon le géographe et historien Strabon, cette statue était si grande que, si Zeus était venu à prendre vie et à se lever, sa tête aurait traversé le toit de l’édifice. Le dieu du tonnerre était drapé dans un tissu doré, et l’œuvre, incroyablement détaillée, arborait des gravures et décorations d’une fascinante complexité ; des pierres précieuses furent par exemple utilisées pour représenter les yeux de Zeus. La statue était si impressionnante qu’elle fut déclarée l’une des Sept Merveilles du monde antique en 225 avant notre ère par divers grands noms, tels que le poète Antipater de Sidon et l’ingénieur Philon de Byzance. La liste comprenait également, entre autres œuvres emblématiques, la grande pyramide de Gizeh, les jardins suspendus de Babylone, ou encore le phare d’Alexandrie.

 

LA CÉLÉBRATION D’UNE GRANDE VICTOIRE

En 776 avant notre ère, bien avant la conception de la statue, les premiers Jeux olympiques furent organisés dans la cité-État grecque d’Élis en l’honneur de Zeus, qui était le dieu suprême du panthéon de la Grèce antique. Il maintenait l’ordre et l’harmonie entre les autres divinités, assurait la justice et surveillait le monde des mortels. Tous les quatre ans, les athlètes et les spectateurs des cités-États de toute la Grèce mettaient leurs différends de côté et se rendaient en pèlerinage à Élis pour un moment convenu d’harmonie et de paix afin d’honorer les dieux.

Cette tradition perdura jusqu’au 6e siècle avant notre ère, lorsqu’Élis et la cité voisine de Pise se disputèrent le contrôle des jeux et de tous les avantages politiques et économiques qui en découlaient. Des batailles féroces et des raids provoquèrent de l’instabilité et des perturbations dans toute la région jusqu’en 464 avant notre ère, date à laquelle Élis remporta enfin la victoire. Pour célébrer son triomphe, la cité-État entreprit la construction d’un grand temple en l’honneur de Zeus, financée grâce au butin récolté pendant la guerre.

En 460 avant notre ère, l’architecte Libon d’Élis fut choisi pour la conception du temple. Une couche de stuc blanc fin fut appliquée sur la base calcaire robuste de cet immense temple dorique, qui fut doté de six colonnes sur sa face avant et de treize autres sur ses côtés. La nef centrale était enveloppée par un deuxième niveau accessible grâce à des escaliers qui débutaient de chaque côté de la porte principale. Des sculptures représentant des mythes et des personnages grecs, dont beaucoup survécurent au passage du temps et sont désormais exposées au Musée national archéologique d’Athènes, décoraient le temple. Des frises représentant la course de chars entre Pélops et Œnomaos ornaient le fronton Est, tandis que le combat entre les Lapithes et des Centaures lors du mariage de Pirithoüs décorait le fronton Ouest. Des métopes représentaient également les douze travaux d’Héraclès. Les identités des artistes à l’origine de ces réalisations, pourtant considérées comme des chefs-d’œuvre de la sculpture classique, demeurent inconnues.

Ce n’est toutefois pas le cas de l’identité du sculpteur chargé de la conception de l’œuvre la plus marquante (et imposante) du temple.

Vue aérienne des ruines du temple de Zeus dans le sanctuaire d'Olympie, avec une anastylose, ou reconstruction, de l'une de ses colonnes.

PHOTOGRAPHIE DE Alamy, Cordon Press

UN SCULPTEUR RECONNU

Ce fut Phidias, artiste et architecte réputé de son époque, qui se vit confier la mission de réaliser l’œuvre la plus importante de l’édifice : une statue géante de Zeus assis sur son trône. Les historiens ne disposent que de peu de détails relatifs aux débuts de la vie de Phidias. Né à Athènes vers 500 avant notre ère, le célèbre sculpteur athénien participa probablement à la bataille de Salamine ou de Platées contre les Perses. Ce service militaire lui valut les faveurs de Cimon, riche homme d’État et militaire athénien, qui choisit Phidias pour la construction du monument commémoratif de la victoire de Marathon à Delphes.

La réputation de Phidias s’étendit à toute la Grèce et l’homme fut ainsi chargé de nombreux projets avant la commande du temple d’Olympie. Ses plans pour la statue de Zeus reposaient sur une technique de sculpture connue sous le nom de chryséléphantine, qui consiste à utiliser des plaques d’ivoire et d’or sur une armature en bois. À cette époque, Phidias était connu pour avoir conçu des figures colossales en utilisant cette technique, telles que l’imposante sculpture à l’effigie de la déesse Athéna installée dans le Parthénon de l’acropole d’Athènes, créée à peu près en même temps que la statue de Zeus.

L’ivoire étant difficile à manipuler, les artisans grecs n’utilisaient généralement ce matériau que pour des projets plus petits ; le travail des différentes couches de dentine, qui est le composant principal des défenses d'éléphants, pour mouler le matériau qui en résulte requiert en effet de l’habileté ainsi qu’une certaine expertise. La technique exacte que Phidias utilisa pour manipuler des plaques d’ivoire pour concevoir une œuvre aussi ambitieuse demeure inconnue et a fait l’objet de diverses théories. Au 2e siècle de notre ère, le géographe grec Pausanias affirma que le sculpteur avait chauffé l’ivoire pour le ramollir, tandis que d’autres sources indiquent qu’il humidifia le matériau, peut-être avec du vinaigre ou de la bière, avant de le travailler.

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    Gauche: Supérieur:

    La statue d'Athéna Parthénos, une sculpture colossale en or et ivoire à l'effigie de la déesse patronne de la cité d'Athènes, fut érigée au milieu du 5e siècle avant notre ère au sein du Parthénon. Un casque d'or couronnait sa tête. Dans sa main droite se trouvait une Victoire ailée, et dans sa main gauche, selon le géographe grec Pausanias, se trouvait une lance, bien que d'autres versions la représentent avec une égide, ou bouclier.

    PHOTOGRAPHIE DE Peter Connelly, AKG, Album
    Droite: Fond:

    La statue d'Athéna est la seule sculpture de Phidias dont des copies antiques, telles que cette réplique romaine, existent encore. L'original mesurait environ 12 mètres de haut, piédestal compris.

    PHOTOGRAPHIE DE Alamy, Cordon Press

    UNE ŒUVRE SPLENDIDE

    L’atelier de Phidias à Olympie, divisé en trois nefs par deux colonnades, présentait les mêmes dimensions que la cella du temple de Zeus, où la sculpture devait être installée, et ce afin d’assurer la justesse des proportions utilisées.

    Phidias sculpta méticuleusement les détails du visage, du corps et des autres traits de Zeus, et affina son expression, ses cheveux, sa barbe et ses étoffes afin de donner vie à la statue. Divers matériaux, tels que des pierres précieuses et du verre teinté, furent utilisés pour renforcer la splendeur de l’œuvre. Une fois achevée, la statue fut polie pour obtenir des finitions lisses et brillantes pour l’or et l’ivoire.

    Contrairement à certains détails relatifs à la construction, la hauteur exacte de la statue ne fut pas consignée. Des témoignages historiques, comme celui du géographe Strabon, font état de réactions face à l’ampleur de la statue. Au 1er siècle avant notre ère, Strabon écrivit : « Si Zeus se levait et se tenait droit, il traverserait le toit du temple ». En se basant sur l’archéologie ainsi que sur diverses déductions, les spécialistes estiment désormais que la statue mesurait environ 12 mètres de haut. Sa base en pierre, qui mesurait environ 6 mètres sur 10 mètres, était faite de marbre noir d’Éleusis.

    Au 5e siècle de notre ère, une basilique paléochrétienne fut construite sur les ruines de l'atelier de Phidias. Les vestiges, que l'on peut découvrir aujourd'hui au centre du site archéologique antique d'Olympie, proviennent donc de la basilique. Les fouilles ont cependant permis de mettre au jour de nombreux outils qui nous dévoilent davantage d'informations sur les méthodes utilisées par les Grecs de l'Antiquité pour travailler les matériaux précieux tels que l'or et l'ivoire. Des moules (négatifs et positifs) utilisés pour façonner l'or ou l'argile ont été retrouvés, ainsi que divers outils et morceaux de bronze, de plomb et de verre qui constitueraient des vestiges des œuvres d'art créées sur le site.

    PHOTOGRAPHIE DE Alamy, Cordon Press

    Une fois achevée, la statue était resplendissante. La Description de la Grèce de Pausanias le Périégète en fait une description élogieuse :

    « Le dieu est assis sur un trône, il est fait d’or et d’ivoire. Sur sa tête repose une couronne qui imite le branchage de l’olivier. Dans sa main droite, il porte une Victoire elle aussi faite d’ivoire et d’or ; elle a un ruban et, sur la tête, une couronne. Dans la main gauche du dieu se trouve un sceptre orné de toutes sortes de métaux, et l’oiseau qui repose sur ce sceptre est un aigle. Les sandales du dieu sont également faites d’or, tout comme son vêtement, sur lequel apparaissent toutes sortes de figures d’animaux et de fleurs de lys. »

     

    LA MISE EN VALEUR D’UN DIEU

    Pausanias rapporte que la statue était recouverte d’huile d’olive, ce qui permettait de protéger l’extérieur en ivoire et l’intérieur en bois de l’œuvre. Un rebord surélevé permettait à l’huile de s’accumuler autour de la base de la statue et de former un bassin. Le reflet du dieu dans ce liquide le faisait paraître d’autant plus gargantuesque.

    Bien que le témoignage de Pausanias révèle que la statue de Zeus était impressionnante en personne, les chercheurs se demandent encore à quoi elle ressemblait à l’intérieur du temple. En effet, il est probable que la blancheur de l’ivoire et la brillance de l’or de la statue n’aient pas été aussi marquantes dans une salle obscure qu’à la lumière de jour. Les temples grecs, qui constituaient les demeures symboliques des dieux, étaient des espaces ouverts ; cependant, l’intérieur nécessitait une source de lumière pendant la journée. Comment la pièce était-elle donc éclairée ?

    En 1883, l'architecte et artiste français Victor Laloux a peint la statue de Zeus, dans toute sa splendeur, dans la cella de son temple à Olympie.

    PHOTOGRAPHIE DE Beaux-arts de Paris, RMN-Grand Palais

    Il est peu probable que des sources de lumière artificielle, telles que des lampes, des bougies ou des torches, aient suffi à éclairer la pièce en raison de la grande superficie de celle-ci, qui en aurait donc nécessité un très grand nombre. Des lucarnes ouvertes purent peut-être orner le toit, mais dans ce cas, l’intérieur aurait été exposé aux intempéries et à la pluie.

    La statue de Zeus posait un autre problème. En raison de sa taille, la partie supérieure s’élevait au-dessus du niveau de l’entrée, de sorte que la lumière naturelle directe provenant de celle-ci ne pouvait pas éclairer le visage du dieu. En outre, la porte n’aurait permis le passage de la lumière qu’au lever du soleil, car une fois à la mi-journée, ce dernier aurait probablement été trop haut pour permettre à ses rayons d’éclairer directement la cella.

    Des études récentes menées à l’aide de lampes à ultraviolets et de lasers ont montré qu’il est possible que de fines tuiles de marbre translucides placées sur le toit, sur un cadre en bois, aient permis à la lumière du soleil de pénétrer tout au long de la journée. Cette solution aurait laissé entrer suffisamment de lumière pour mettre en valeur l’intérieur du temple et ses statues, tout en les protégeant des intempéries.

     

    UNE MERVEILLE DISPARUE

    Après l’achèvement de la construction du temple et de sa magnifique statue, le sanctuaire d’Élis devint l’un des centres religieux les plus importants de la Grèce antique. Reproduit sur des pièces de monnaie à travers le monde antique, ce Zeus monumental demeura l’une des statues les plus célèbres de l’Antiquité et fut utilisé comme modèle principal pour la réalisation de sculptures de dieux assis. Des millénaires plus tard, les artistes continuent à imiter la pose et les gestes de Zeus dans de nombreuses œuvres d’art.

    Des visiteurs venant de tout le monde antique se rendaient à Olympie non seulement pour assister aux jeux, mais aussi pour découvrir la statue de Zeus et toute l’ambition et le savoir-faire qu’elle incarnait. Entre le 2e et le 1er siècle avant notre ère, des écrivains commencèrent à dresser des listes de sites incontournables du bassin méditerranéen. La statue de Zeus à Olympie fut alors considérée comme l’une des Sept Merveilles du monde antique répertoriées par des écrivains tels qu’Hérodote, Antipater de Sidon et Philon de Byzance.

    Élis, du nom de la ville principale située à une cinquantaine de kilomètres, abrite Olympie, un centre religieux au nord-ouest du Péloponnèse. Olympie comprenait plus de 760 structures, dont l'atelier dans lequel Phidias construisit la statue de Zeus. À côté de ce dernier, le Léonidaion, une hostellerie construite par Léonidas, accueillait les visiteurs les plus illustres du sanctuaire. Un même complexe abritait plusieurs temples, dont un sanctuaire créé par Philippe II de Macédoine pour commémorer sa victoire à Chéronée, mais aussi le temple d'Héra et le temple de Zeus, point central dans lequel régnait autrefois la statue massive du roi des dieux grecs. Derrière les temples se trouvait le stade de 212 mètres dans lequel étaient organisés les Jeux olympiques grâce aux trêves sacrées qui étaient déclarées à l'occasion de l'événement. Les habitants de toute la Grèce mettaient de côté leurs différends et se réunissaient pour les jeux. Aujourd'hui, le sanctuaire est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.

    Illustration de Raiden Studio

    La popularité de la statue se poursuivit jusqu’à l’époque romaine et la propagation du christianisme qui, au 4e siècle de notre ère, devint sa plus grande menace. L’empereur romain Théodose Ier interdit les pratiques païennes en 391 de notre ère, et ordonna l’abandon de tous les anciens sanctuaires, y compris celui d’Olympie. Il interdit également les Jeux olympiques, qui constituaient un festival polythéiste. Le sanctuaire d’Olympie tomba en désuétude et finit par tomber en ruine.

    La statue connut quant à elle un tout autre destin. Lausus, un eunuque de la cour de Théodose II, la fit transporter à Constantinople (Istanbul), alors capitale de l’Empire romain d’Orient. La statue de Zeus fut conservée dans la collection des « antiquités païennes » du palais de Lausus.

    Après ce déplacement, personne ne sait avec certitude ce qu’il advint de la statue. Des rapports contradictoires affirment qu’elle fut détruite par un incendie ou perdue lors d’un tremblement de terre, mais quelle qu’en soit la cause, à la fin du 5e siècle, la statue chryséléphantine de Zeus n’existait plus. Après 800 ans d’existence, la prodigieuse sculpture de Phidias finit par disparaître, mais ne fut jamais oubliée.

    Représentation de la statue de Zeus de Phidias par le graveur Philips Galle en 1572, repeinte par Maarten van Heemskerck. Selon certaines sources, lorsque la sculpture fut déplacée d'Olympie à Constantinople au 5e siècle, elle aurait été exposée dans une abside, comme ici.

    PHOTOGRAPHIE DE Fine Art Images, Age Fotostock

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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