La Divine Comédie de Dante : un voyage épique à travers l'enfer

Dans La Divina Commedia, écrite il y a sept siècles par le poète florentin Dante Alighieri, mythe et réalité s'entremêlent en une aventure terrifiante à travers l'enfer, le purgatoire et le paradis.

De Alessandra Pagano, Matteo Dalena
Publication 26 oct. 2022, 18:22 CEST
The worlds of Dante

Le poète Dante tient un exemplaire de sa Divine Comédie, l'enfer et le purgatoire décorant l'arrière-plan de cette fresque réalisée au 15e siècle par Domenico di Michelino. Les sphères célestes s'arquent au-dessus, tandis qu'à droite s'élèvent les dômes et les tours de la ville de Florence. On identifie facilement la cathédrale de Florence, dans laquelle se trouve cette fresque.

PHOTOGRAPHIE DE Scala, Florence

Michel-Ange lui donna une place au paradis dans son Jugement dernier ; Sandro Botticelli recréa les cercles de l’enfer créés par son imagination poétique ; et Jérôme Bosch, William Blake et Gustave Doré illustrèrent ses visions infernales dans de brillantes œuvres d’art. Aujourd’hui encore, alors que la théologie et la politique florentine de la fin du Moyen Âge semblent si lointaines, le chef-d’œuvre de Dante Alighieri, La Divine Comédie, continue de fasciner et d’inspirer les lecteurs du monde entier.

Cette édition de 1555 de La Divine Comédie éditée par Lodovico Dolce fut la première version imprimée à utiliser l'attribut Divina (Divine), ajouté au titre original par Giovanni Boccaccio.

PHOTOGRAPHIE DE Alamy, ACI

Achevée juste avant la mort de Dante en 1321, elle se compose de trois parties : l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis. La Divine Comédie est un long poème qui raconte le voyage de l’auteur en enfer parmi les damnés, guidé par le poète romain Virgile. Dante y retrouve plus tard sa bien-aimée, Béatrice, qui le guide jusqu’au purgatoire, puis au paradis où, dans un moment d’extase, le narrateur aperçoit Dieu.

En nommant l’œuvre de sa vie la Comédie, Dante fait référence à un sens précis du terme indiquant un récit avec une fin heureuse. Bien qu’elle raconte un voyage physique, La Divine Comédie est aussi une allégorie de la progression de l’âme à travers le péché (l’enfer), la pénitence (le purgatoire) et la rédemption (le paradis), la dernière étant la fin heureuse promise dans le titre.

Cependant, des trois sections, c’est de loin le sort des âmes décrit dans l’Enfer qui marqua le plus les lecteurs et les artistes au fil des siècles. Peuplés de personnages de la mythologie, de la Bible et de sa propre époque, les cercles de l’enfer, chacun destiné à punir des péchés différents, constituent certaines des scènes les plus frappantes et les plus chargées d’émotion de la littérature mondiale.

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    La construction du Palazzo dei Priori commença en 1299 et s'acheva en 1314. Dante fut élu l'un des six prieurs qui gouvernaient Florence en 1300, un choix de carrière qui précipita sa chute et son exil.

    PHOTOGRAPHIE DE Michele Falzone, AWL Images

     

    UNE FAMILLE FLORENTINE

    Durante degli Alighieri naquit à Florence en mai 1265, et correspondait ainsi au signe astrologique des Gémeaux, un détail qu’il mentionne dans son Paradis. Il n’utilisa toutefois jamais son nom officiel, Durante : selon Filippo Villani, chroniqueur florentin du 14e siècle, l’artiste préférait le diminutif Dante. Alighiero di Bellincione, son père, était homme d’affaires et prêteur, et Bella, sa mère, faisait partie de l’influente famille des Abati. Elle mourut lorsque Dante était enfant, et Alighiero épousa une autre femme avec laquelle il avait déjà eu au moins un enfant. Bien que les parents du poète n’apparaissent jamais dans ses œuvres, Dante mentionne Cacciaguida dans le Paradis, un ancêtre qui aurait été anobli par le roi Conrad III au 12e siècle, pendant les croisades.

    Contrairement à de nombreux autres personnages de cette époque, les historiens disposent de nombreuses informations sur Dante. Ce dernier donnait en effet de nombreux détails autobiographiques dans ses œuvres, et son activité politique, qui conduisit à sa chute et le força à l’exil, ce qui en fit également un personnage très documenté de son vivant. Tous les récits à son sujet n’étaient pas flatteurs : selon certaines sources, Dante pouvait s’emporter facilement. On dit, par exemple, qu’il pouvait se mettre dans une colère noire contre quiconque disait du mal de sa faction, les guelfes, qui défendait la suprématie du pape. Les archives historiques montrent que, dans sa jeunesse, Dante combattit pour les guelfes lors de la bataille de Campaldino en 1289, au cours de laquelle ils vainquirent leurs ennemis, les gibelins.

     

    AMOUR, POLITIQUE ET GUERRE

    Les écrits autobiographiques de Dante fournissent aux historiens des indices sur l’identité de la femme qui devint l’une des plus célèbres muses de la littérature. Chaque 1er mai, Florence célébrait l’arrivée du printemps par des fêtes et de la musique dans toute la ville. Les hommes et les femmes fêtaient séparément, mais pas les enfants : c’est ainsi qu’en 1274, Dante vit Béatrice pour la première fois, cette dernière étant vêtue d’une « robe sobre et cramoisie ».

    La plupart des chercheurs s’accordent à dire que Béatrice était la fille de Folco Portinari, un banquier florentin. Selon les écrits de Dante, elle était alors âgée d’environ 8 ans, et lui de 9. Alors qu’ils sortaient tous deux de leur adolescence, ils se rencontrèrent une deuxième fois près de l’Arno, à Florence. « Je dis qu’à partir de ce moment-là, l’amour gouverna mon âme », écrivit-il plus tard dans sa première œuvre, Vita nuova, publiée en 1294.

    La deuxième rencontre entre Dante et Béatrice fut représentée en 1883 par l'artiste préraphaélite Henry Holiday.

    PHOTOGRAPHIE DE Mary Evans, Scala, Florence

    Cependant, l’amour et la politique des familles n’allaient pas forcément de pair. En 1277, alors que Dante avait environ 12 ans, sa famille avait organisé son mariage avec Gemma Donati, la fille d’une influente famille florentine. Béatrice épousa ensuite un riche banquier florentin avant de mourir en 1290, avant de pouvoir atteindre ses 30 ans, probablement en couches. Sa mort semble avoir partiellement inspiré la composition de la Vita nuova, dans les années qui suivirent. Mélange de poésie lyrique et de commentaires en prose, cette œuvre évoque l’amour de Dante pour Béatrice, et se termine par un engagement : « je dirai d’elle ce qui ne fut jamais dit d’aucune autre ».

    Béatrice fut sa muse dans La Divine Comédie, prenant le relais de Virgile en tant que guide dans son ascension du purgatoire. Mais ce fut la nature brutale de la politique florentine qui précipita la chute de Dante, et les années d’exil qui l’incitèrent à écrire son chef-d’œuvre.

    La rivalité entre les guelfes et les gibelins qui domina la Florence du 13e siècle avait vu le jour au cours du siècle précédent. Les guelfes, favorables à la papauté, se battaient contre les gibelins, partisans du Saint-Empire romain germanique, pour le contrôle des principales cités-états italiennes. Florence était proguelfe, mais en 1300, lorsque Dante fut nommé l’un des six prieurs de la ville, elle frôla la guerre civile.

    Un buste de Dante est installé sous le château de Poppi, qui date du 12e siècle et surplombe les plaines de Campaldino, où Dante combattit avec les Guelfes en 1289.

    PHOTOGRAPHIE DE Francesco Tomasinelli, Age Fotostock

    Le parti s’était divisé entre les guelfes blancs et les guelfes noirs. La première, celle que soutenait Dante, défendait une plus grande autonomie pour la ville, tandis que la seconde soutenait le pape Boniface VIII et son objectif de régner sur la Toscane. Les guelfes noirs prirent le pouvoir à l’automne 1301 et, au mois de janvier suivant, Dante, alors à Rome, fut condamné à l’exil puis à la mort. Incapable de retourner à Florence, il passa de nombreuses années à vivre à Vérone, pour finalement s’installer à Ravenne.

    C’est au cours de cette longue période d’exil que le poète conçut La Divine Comédie. Son expérience de la politique et du bannissement lui avait montré une société chaotique, violente et corrompue, dans laquelle l’empereur ne s’intéressait pas à l’Italie et le pape recherchait le pouvoir temporel plutôt que spirituel. Dante imagina un voyage à travers les trois royaumes de l’au-delà, où il entendait explorer la souffrance de l’enfer, le repentir du purgatoire et l’ascension vers Dieu au paradis, afin de montrer à l’humanité le chemin qui avait été perdu.

     

    CRÉATION DE L'ENFER

    L’Enfer se déroule à une époque réelle : 1300, soit deux ans avant que Dante ne soit expulsé de Florence. Le Chant I s’ouvre sur les lignes suivantes :

    Nel mezzo del cammin di nostra vita 
    mi ritrovai per una selva oscura,
    ché la diritta via era smarrita.

    Au milieu du chemin de notre vie,
    je me retrouvai par une forêt obscure,
    car la voie droite était perdue.

    Deux gardes centaures accueillent Dante et Virgile dans le septième cercle, où les violents sont condamnés à l'immersion dans le sang bouillant pour l'éternité. Œuvre incluse dans un codex de la fin du 15e siècle.

    PHOTOGRAPHIE DE Dagli Orti, Scala, Florence

    La forêt obscure est décrite à la fois comme un lieu réel et comme une allégorie dans laquelle Dante rencontre trois bêtes représentant différents aspects du péché. Dans ses tentatives désespérées de sortir de la forêt, il rencontre le poète romain Virgile, auteur de l’Énéide, une épopée du 1er siècle avant notre ère qui raconte la fondation de Rome par Énée. Guidé par Virgile, Dante entreprend une visite guidée de l’enfer.

    Pour construire ce monde infernal, Dante s’appuya sur sa profonde connaissance des mythes grecs et romains, dans lesquels des personnages mortels tels qu’Ulysse, Orphée, Thésée et Hercule visitent tous les enfers et en reviennent bien vivants pour raconter leur aventure. Il s’inspira de l’Énéide ainsi que des réflexions de Cicéron sur le gouvernement dans De republica. Bien sûr, la Bible est également une influence majeure, et notamment le livre de l’Apocalypse et la Deuxième épître de saint Paul aux Corinthiens. Tous ces textes l’aidèrent à construire le cadre théologique et le style poétique de l’œuvre, contribuant à la définition de sa structure et de son sens global.

    Dante introduisit également d’importantes innovations dans son récit. Alors que nombre de ses prédécesseurs avaient décrit l’enfer comme une masse indistincte et bouillonnante d’âmes, Dante adopta le principe d’ordonnancement du péché de saint Thomas d’Aquin. Dans sa version, la place de chaque âme en enfer et les tourments appropriés auxquels elle est soumise pour l’éternité dépendent de la nature et la gravité du crime.

     

    LA GÉOGRAPHIE COMPLEXE DE L'AU-DELÀ

    La construction de l’au-delà par Dante suit la cosmologie développée par Ptolémée, astronome égyptien du 2e siècle. L’entrée de l’enfer est située dans l’hémisphère nord rempli de terre, sous la ville de Jérusalem, tandis que la montagne du purgatoire s’élève dans l’hémisphère sud, rempli d’eau. Le deuxième royaume de l’autre monde est à son tour surplombé par les neuf sphères du paradis. Bien que la structure de l’enfer de Dante ne ressemble guère à la géographie physique, celui-ci fut conçu comme un lieu réel : plaines stériles, cavernes, marécages, falaises et précipices, langues de feu et eaux mortes donnent vie à des paysages à la fois terrifiants et symboliques.

    Le premier cercle de l’enfer, le plus élevé, est celui des Limbes, dont les habitants n’ont commis aucune faute et ne sont donc pas punis. Les Limbes sont réservés aux non baptisés et aux vertueux païens préchrétiens, tels que Virgile, Homère, Horace, Ovide et Lucan. C’est le point de départ des huit cercles restants, chacun rempli d’âmes damnées et punies et correspondant à un péché : la luxure, la gourmandise, l’avarice, la colère, l’hérésie, la violence et la tromperie. Le neuvième cercle est réservé à la trahison, et se situe au-dessus du centre de l’enfer, où le diable réside sous la forme d’une bête à trois têtes.

    « Abandonnez tout espoir, vous qui entrez ici ! » sont les célèbres mots inscrits au-dessus de l'entrée de l'enfer de Dante. Accompagné du poète Virgile, Dante pénètre dans la partie supérieure du cône inversé qui s'est ouvert dans la terre lorsque l'ange rebelle Lucifer est tombé du ciel. Les neuf cercles, qui descendent jusqu'au lac gelé dans lequel Lucifer est piégé, sont la demeure des damnés, assignés à un châtiment éternel pour les péchés qu'ils ont commis dans leur vie. De haut en bas, ce sont l'Ante-enfer, les Limbes, la Luxure, la Gourmandise, l'Avarice, la Colère, l'Hérésie, la Violence, la Ruse et la tromperie.

    PHOTOGRAPHIE DE Illustration by Santi Pérez

    L’enfer de Dante est également doté de son propre système : les fleuves Achéron, Styx et Phlégéthon découlent d’un même fleuve né des larmes de la statue géante du Veglio di Creta, le « Vieil homme de Crète », décrit dans le Chant XIV. Le vieil homme représente la corruption de l’humanité par le péché. Transportées par les fleuves, ses larmes atteignent le point le plus bas de l’enfer pour former le lac gelé dans lequel Lucifer est piégé. Ainsi, l’enfer est littéralement fait du péché de l’Homme.

    L’histoire de Dante commence dans la nuit du Jeudi saint, peu avant l’aube du Vendredi saint, en 1300. Si la géographie de Dante a sa propre cohérence, il en va de même pour le temps : environ 24 heures s’écoulent entre le moment où le poète s’égare dans la forêt obscure et celui où Dante et Virgile se retrouvent le samedi, la veille de Pâques. En 1588, le jeune Galilée s’appuya sur les descriptions de l’Enfer pour estimer la profondeur de l’enfer à plus de 5 220 kilomètres. Comme Dante et Virgile ne marchent pas en ligne droite, ils parcourent une distance encore plus grande : ils sortiront de l’enfer avant l’aube du dimanche de Pâques.

     

    CRIMES ET CHÂTIMENTS

    Inspiré à la fois par la mythologie classique et la démonologie médiévale, l’Enfer de Dante inclut un mélange de caractéristiques païennes et chrétiennes. La traversée de l’Achéron aux portes de l’enfer est présidée par Charon, le passeur « aux yeux de feu » (Chant III). Le guide de Dante, Virgile, avait également inclus Charon dans l’Énéide, lorsque le héros mortel descend dans les enfers, faisant écho au voyage de Dante dans La Divine Comédie.

    Les châtiments infligés aux damnés sont choisis soit par contraste, soit par analogie avec leurs actions dans la vie. Peu avant de rencontrer Charon, Dante et Virgile rencontrent une multitude de « tristes âmes qui vécurent sans infamie ni louange » (Chant III). Ce sont les indolents, qui sont punis par analogie, la punition correspondant au crime : incapables de faire des choix moraux dans la vie, ils sont désormais obligés de courir nus, poursuivis par des guêpes dans l’espoir d’attraper une bannière qu’ils n’attraperont jamais, symbolisant les causes pour lesquelles ils auraient dû se battre de leur vivant. Les devins, en revanche, sont punis par contraste : ayant tenté de se pencher trop vers l’avant pour voir l’avenir, ils doivent désormais marcher la tête tournée vers l’arrière (Chant XX).

    Si les « ombres » ou âmes des damnés se rassemblent en une foule immense, certaines ont cependant un visage : Dante introduit dans son récit des individus de sa propre vie. Parmi les indolents du Chant III, Dante entrevoit « l’ombre de celui qui, par lâcheté, fit le grand refus », identifiant le personnage comme Pietro de Morrone, le moine ermite qui fut élu pape en 1294 sous le nom de Célestin V. Après une vie passée dans la passivité, le pape fut victime de complots qui le conduisirent à renoncer à la papauté. Ce choix fut probablement orchestré par le cardinal Caetani, qui lui succéda sous le nom de Boniface VIII et qui soutenait secrètement la faction des guelfes noirs, qui prit le pouvoir à Florence en l’an 1301, forçant Dante à l’exil.

    Le deuxième cercle (décrit dans le Chant V) est gardé par le hargneux Minos. L’ancien roi de Crète, connu pour son sens aigu de la justice, est devenu un démon chargé de juger les péchés des damnés, et de décréter leur place en enfer. En prononçant sa sentence, Minos enroule sa queue de démon autour du damné un nombre de fois correspondant au cercle auquel son âme est condamnée.

    En quittant Minos, Dante et Virgile arrivent dans un lieu sombre où résonnent des cris de douleur. Des foules d’âmes sont violemment entraînées et secouées par un « infernal ouragan » : ce sont les luxurieux, qui doivent passer l’éternité à être emportés par une tempête infinie. Il y retrouve les anciennes reines Sémiramis, Hélène de Troie, Cléopâtre et Didon.

    Paolo Malatesta et Francesca da Rimini s'embrassent, agités par le vent infernal, dans cette gravure de Gustave Doré datant du 19e siècle.

    PHOTOGRAPHIE DE White Images, Scala, Florence

    Dante remarque deux âmes « qui vont ensemble et paraissent si légers dans le vent » : Paolo Malatesta et Francesca da Rimini, célèbres amants tués par le mari jaloux de Francesca. L’histoire de la souffrance de cette dernière trouble tellement Dante qu’il pleure des larmes de pitié avant de défaillir.

    Dans le troisième cercle (Chant VI), sous une pluie éternelle et glaciale, se trouve Cerbère, le chien à trois têtes qui, dans le mythe grec, gardait Hadès. La bête hurle après les âmes des gourmands, embourbées dans la boue, avant de les dévorer. Une âme nommée Ciacco émerge de la boue pour se présenter, et lui et Dante discutent de la situation politique à Florence.

    La descente aux enfers ayant lieu en 1300, les paroles de Ciacco font office de prophétie : après un bref règne des guelfes blancs, la faction noire triomphera grâce au soutien du pape Boniface VIII. Les justes de la ville se comptent sur les doigts d’une main, dit-il, mais personne ne les écoute, tandis que l’orgueil, l’envie et l’avarice sont les « trois étincelles qui embrasent les cœurs » et sèment la discorde dans l’esprit des Florentins.

     

    LES PROFONDEURS INFERNALES

    Deux autres créatures gardent les quatrième et cinquième cercles (Chants VII et VIII) : Ploutos garde les avares et les prodigues, et Phlégyas les coléreux.

    Les premiers sont obligés de pousser des pierres dans des directions opposées et d’insulter tous ceux qu’ils heurtent. Parmi eux se trouvent plusieurs hommes d’Église dont l’image est ternie par le péché. Les coléreux, quant à eux, sont immergés dans les eaux boueuses du Styx, se battant vicieusement entre eux.

    Alors que Phlégyas fait traverser le Styx à Dante et Virgile, un pécheur couvert de boue demande au narrateur pourquoi, en tant qu’être vivant, il se trouve dans le royaume des morts. Le poète reconnaît cette âme : il s’agit de Filippo Argenti, un guelfe noir appartenant à la grande famille florentine des Adimari, connue à l’époque pour son caractère insolent et arrogant. Dante s’adresse à lui en le qualifiant de « esprit damné » et, lorsque le pécheur tente de renverser la barque, Virgile le repousse dans la boue, où d’autres âmes se jettent sur Argenti, qui commence à arracher sa propre chair avec ses dents. Une facette quelque peu vindicative du narrateur est révélée dans ce chant, suscitant de nombreuses réactions de la part des critiques et spécialistes.

    Dans la cité infernale de Dité (Chant X, sixième cercle), les hérétiques brûlent dans des tombeaux enflammés. Farinata degli Uberti, un Florentin et gibelin jugé pour hérésie à titre posthume, sort de l’un des tombeaux. Bien qu’ennemis, lui et Dante conversent poliment, et Farinata prophétise que le narrateur sera exilé de Florence, mais ne précise pas pour combien de temps.

    Les traîtres sont punis dans le neuvième cercle, les profondeurs les plus lointaines de l’enfer, dans un lac gelé produit par le vent glacé émanant des ailes de Lucifer. Virgile conduit Dante dans la partie la plus basse de l’enfer, où ils aperçoivent « l’empereur du règne de douleur », Lucifer en personne, qui est prisonnier de la glace jusqu’à la taille (Chant XXXIV). « Ô comme mon étonnement fut grand quand je vis qu’il portait trois faces à sa tête ! ». Dante s’exclame d’horreur en regardant les trois bouches de Lucifer ronger Judas Iscariote, traître de Jésus, et les principaux assassins de Jules César, Brutus et Cassius : « [Lucifer] pleurait de ses six yeux, et sur ses trois mentons gouttaient les larmes et la bave sanglante. »

    À la grande surprise du poète, Virgile parvient à passer sous Lucifer. Dante le suit, et tous deux descendent le long des jambes du diable, où ils trouvent un canal menant au centre de la Terre, qui les conduira de l’enfer à la montagne du purgatoire. C’est là que Dante sera finalement réuni avec Béatrice dans le Purgatoire. Émergeant de l’autre côté du monde, le voyage de Dante à travers les enfers, ainsi que l’Enfer de La Divine Comédie, s’achèvent avant l’aube du dimanche de Pâques : « Et par là nous sortîmes, pour de nouveau voir les étoiles. »

     

    ÉTERNELLE INSPIRATION

    Dante mourut à Ravenne en 1321, à moins de 60 ans, sans jamais retourner dans la Florence qui lui était si chère. Le premier défenseur de La Divine Comédie fut Giovanni Boccaccio (1313-1375), un autre écrivain florentin connu sous le nom de Boccace, qui ajouta Divine au titre. La Divine Comédie intronisa non seulement la littérature italienne, mais aussi la culture occidentale dans son ensemble. Des siècles après sa publication, elle fut l’une des principales sources d’inspiration du poète anglais John Milton pour sa célèbre œuvre épique de 1667, Le Paradis perdu. Au 18e siècle, Dante fut mis au même niveau que Homère. Le poète anglais Samuel Taylor Coleridge décrivit l’œuvre de Dante comme « une impression totale d’infini », et James Joyce, auteur du 20e siècle,  déclara à son tour : « J’aime Dante presque autant que la Bible. Il est ma nourriture spirituelle. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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